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Et si la question des droits des femmes devenait la lutte centrale de la période ?

Et si la question des droits des femmes devenait la lutte centrale de la période ? Et pourquoi pas un enjeu politique qui concernerait tout le monde ? Mesurons la force et l’étendue de ce qu’il convient de qualifier de mouvement social international. Des centaines de milliers de femmes, à travers les réseaux sociaux mais aussi des manifestations comme la Marche des femmes aux états-Unis et au Canada, des luttes comme celle des Polonaises contre l’interdiction de l’IVG, ou encore l’augmentation de 30 % des dépôts de plaintes pour violences sexuelles en France, viennent de faire passer un saut quantitatif et qualitatif au mouvement féministe. Il y a des moments historiques où se forment de nouvelles majorités sociales, où des luttes polarisent les débats, où l’on peut raisonnablement espérer des victoires. Comment faire émerger les revendications et qu’allons-nous faire collectivement de ce potentiel libéré pour la conquête des droits des femmes ?

« Le combat pour l’émancipation traverse les classes sociales, les nationalités, les cultures, les religions ou les origines, son émergence en mouvement uni est potentiellement révolutionnaire ! »

Depuis l’angle de vue progressiste, l’intérêt commun des femmes d’Europe est assez évident. Des luttes se sont développées contre les politiques d’austérité qui, non seulement empêchent l’application des droits existants par la destruction des services publics, des structures dédiées à la lutte contre les violences, la baisse des subventions publiques aux associations, mais qui en plus, en faisant basculer des pans entiers de nos sociétés dans la misère et la difficulté de vie, ont eu pour conséquence une augmentation des violences domestiques et du crime organisé. Dans le même temps, les attaques répétées au droit du travail à l’échelle européenne à travers une succession de lois (encore dernièrement avec les ordonnances Macron) ont augmenté le chômage et la précarité et entravent l’autonomie financière des femmes. Dans la foulée, les féministes européennes ont combattu une offensive contre le droit à l’IVG (loi Gallardon en Espagne) et, au-delà, le développement coordonné d’une vision réactionnaire de la famille portée par les extrêmes droites européennes et les droites radicalisées.
Bref, relancées ces dernières années, les luttes des femmes en Europe sont à un tournant. À travers les revendications d’un droit à l’espace public, à l’égalité de traitement, à la liberté, à des rapports humains apaisés et sans domination, nous avons brisé le plafond de verre. Et l’on s’aperçoit, à part quelques provocations réactionnaires (bien que très relayées dans les média), de l’ampleur du ras-le-bol des femmes, et de la convergence qui existe avec, si ce n’est une majorité, une grande part des hommes qui, pour beaucoup, ouvrent les yeux également sur le rôle qui leur est assigné.
Le combat pour l’émancipation des femmes traverse les classes sociales, les nationalités, les cultures, les religions ou les origines, son émergence en mouvement uni est potentiellement révolutionnaire ! Nous sommes au moment crucial où il s’agit de faire converger les différents sujets de batail­les, les différentes modalités d’action, dans la solidarité internationale. La question de la perspective politique est posée. N’est-elle pas posée en permanence, me direz-vous ? C’est vrai. Mais là, il y a une fenêtre d’opportunité.
Il n’y a pas de solution clés en main face à ce défi de convergence. Mais il y a déjà beaucoup de propositions, depuis la loi-cadre contre les violences faites aux femmes en France jusqu’à la lutte pour une convergence des droits par le haut en Europe, avec ce que l’on appelle la « clause de l’Européenne la plus favorisée ». Les communistes, et plus largement les progressistes, sont en mesure de nourrir le débat, de le politiser avec cette boîte à outils féministe. Les échéances sociales, puis les élections européennes de 2019 seront autant d’occasions pour avancer sur le fond comme sur la mise en lumière de celles et ceux qui portent ce combat. l

Anne Sabourin est membre du comité exécutif national du PCF, chargée des questions européennes.

Cause commune n° 4 - mars/avril 2018