Par
Extraits de William I. Robinson, Salvador Rangel and Hilbourne A. Watson, « The Cult of Cedric Robinson’s Black Marxism: A Proletarian Critique », 2022(1).
Texte traduit par Florian Gulli.

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Cedric Robinson soutient que le marxisme ou le matérialisme historique est une idéologie européenne qui s'est avérée aveugle au racisme ; que l'épistémologie du matérialisme historique, ainsi que la primauté politique qu'elle accorde à la lutte prolétarienne, ne s'applique pas aux Africains et aux autres peuples non européens.

 

Il reste juste de dire qu’à l’origine, c’est-à-dire dans son substrat épistémologique, le marxisme est une construction occidentale – une conceptualisation des affaires humaines et du développement historique émergeant des expériences historiques des peuples européens, médiées à leur tour par leur civilisation, leurs ordres sociaux et leurs cultures. L’ouvrage de Robinson, publié en 2001, An Anthropology of Marxism, poursuit la polémique contre le marxisme. En lieu et place du prétendu « grand récit » marxiste, Robinson nous offre un « grand récit » de la « tradition radicale noire ». « Robinson réécrit littéralement l’histoire de la montée de l’Occident depuis l’Antiquité jusqu’au milieu du XXe siècle, remontant des racines de la pensée radicale noire à une épistémologie partagée par différents peuples africains, note avec approbation Robin Kelly dans son avant-propos souvent cité de l’édition de 2000 de Black Marxism, et une critique cinglante du marxisme occidental et de sa capacité à comprendre le caractère racial du capitalisme et la civilisation dans laquelle celui-ci est né, ou les mouvements de masse en dehors de l’Europe » […].

Un racialisme transhistorique
Dans son explication du racisme et de l’asservissement des peuples d’Afrique, Robinson nous ramène à ce qu’il estime être leur origine : l’Antiquité « européenne ». Pour Robinson, le capitalisme n’est pas à l’origine du racisme, il en dérive […].
Par « capitalisme racial », dit Robinson, il faut entendre un engagement des Européens en faveur du racialisme qui a pris naissance dans les sociétés esclavagistes de l’Antiquité – un péché originel transhistorique qui marque des millénaires de l’histoire de l’Occident. [...]. Ce thème de l’origine grecque et donc prétendument européenne du racisme moderne n’est pas nouveau ; il est devenu un trope parmi les afropessimistes et autres spécialistes de la « race ». Robinson affirme que l’esclavage grec était une « construction raciale intransigeante » qui a été répétée et approfondie tout au long de l’histoire européenne : « La race était son épistémologie, son principe d’ordre, sa structure organisatrice, son autorité morale, son économie de justice, de commerce et de pouvoir… à partir du XIIe siècle, les ordres européens se succèdent, les cohortes de protagonistes cléricaux ou laïques se succèdent, réitèrent et embellissent ce calcul racial. » Ironiquement, C.L.R. James, l’un des auteurs que Robinson inclut dans son étude de cas sur le Marxisme noir, a insisté sur le fait que « historiquement, il est maintenant assez bien prouvé que les anciens Grecs et Romains ne savaient rien de la race. Ils avaient une autre norme – civilisée et barbare – et vous pouviez avoir la peau blanche et être un barbare et vous pouviez être noir et civilisé ».

« Les groupes dirigeants ont répondu aux luttes de classe menées par les classes exploitées multiethniques par une recomposition racialiste des relations de classe mondiales. »

[...] Pour Robinson, l’esclavage grec est le prototype du ­racisme moderne, une mystérieuse particularité de « l’Europe » qui a traversé des millénaires jusqu’à l’ère contemporaine. Nous savons que tous les anciens empires, en tant que systèmes de classes, différenciaient également les groupes en fonction de critères culturels ou territoriaux, ce qui impliquait des relations différenciées avec l’État ou les statuts politiques. Il faut donc que quelque chose d’autre soit apparu en Europe pour expliquer pourquoi cette région est devenue le générateur des systèmes d’inégalité raciale modernes et le colonisateur du monde. Cette chose, bien sûr, c’est le capitalisme. Nous disposons d’une vaste littérature montrant comment les systèmes d’esclavage, d’exclusion et d’oppression fondés sur la « race » sont apparus en tant que partie intégrante de la montée du capitalisme comme système mondial […] .
Le racisme, poursuit-il, « n’est pas qu’une simple convention destinée à organiser les rapports qu’entretenaient les Euro­péens avec les peuples non européens, mais qu’il trouve sa genèse dans les rapports “internes” des peuples européens ». Ces relations internes impliquaient des conceptions idéologiques d’infériorité et de supériorité fondées sur des distinctions culturelles (il indique la langue) et de classe, souvent présentées comme biologiques, qui organisaient les domaines antiques et féodaux qui deviendront plus tard l’Europe. Au-delà de ces « idées structurantes » d’infériorité et de supériorité, nous ne trouvons dans Marxisme noir aucune explication précise de ce que Robinson entend par racisme, c’est-à-dire aucune spécificité conceptuelle. Selon sa conception, ces idées structurantes ne se sont pas transformées en divisions raciales au fur et à mesure de l’évolution du capitalisme ; elles constituent par elle-même le « racialisme ». En confondant ces idées de domination de classe avec le « ra­cialisme », Robinson est en mesure de prétendre que le racisme trouve son origine dans l’Antiquité « européenne » […].

Le Marxisme noir et l’histoire mondiale
Depuis l’aube de la société de classes, les groupes dirigeants ont légitimé leur pouvoir par des idéologies de supériorité et d’infériorité biologiques et/ou culturelles et de providence naturelle, et ont institué un esclavage légitimé par ces idéologies. Le Marxisme noir semble ici s’abstraire de l’histoire mondiale. L’esclavage a été une relation de classe, présente partout, des Chinois aux Aztèques, en passant par les Arabes, les Africains de l’Ouest et d’autres civilisations de l’Antiquité et de l’époque précapitaliste. Il ne s’agit pas d’un cas où le particulier se fait passer pour l’universel, mais d’un cas où l’universel se fait passer pour le particulier […].

« La “race” et la suprématie blanche étaient deux des productions historiques mondiales du capitalisme essentiel à l'organisation de ses circuits mondiaux d'exploitation et d'accumulation. »

Comme en Europe et ailleurs dans le monde avant le capitalisme, l’esclavage en Inde existait dans les interstices des relations de classe, bien qu’à Malabar les esclaves constituaient jusqu’à 15% de la population. L’esclavage a également existé dans les civilisations andines et mésoaméricaines successives, ainsi que dans certaines sociétés amérindiennes d’Amérique du Nord, bien qu’il soit resté relativement mineur, les populations conquises étant généralement soumises par l’extraction d’un tribut plutôt que par le travail d’esclaves. L’esclavage a été pratiqué dans toute l’Europe au cours de la période médiévale, en particulier à Byzance et en Russie [...]. Si l’on remonte plus loin, l’esclavage est attesté depuis des milliers d’années dans ce qui est aujourd’hui le Moyen-Orient, de la Babylonie à l’Égypte. Les esclaves ont été possédés en Afrique tout au long de l’histoire, et dans certains cas, comme au Ghana du IXe au XVe siècle, ils représentaient entre un tiers et deux tiers de la population.
Dans la plupart de ces exemples précapitalistes, les populations d’esclaves provenaient de « réservoirs de population » historiques qui pouvaient être délimités culturellement, ­comme la périphérie slave des royaumes et empires musulmans et européens. L’esclavage a joué un rôle prépondérant dans les sociétés musulmanes du Moyen-Orient, où la traite des esclaves a été pratiquée à grande échelle du VIIe au XIXe siècle. Robinson suggère que cet esclavage, le seul cas qu’il reconnaît en dehors de l’Europe, était en quelque sorte plus bénin que l’esclavage européen, puisque « l’esclavage musulman était associé de manière caractéristique à un potentiel illimité de mobilité sociale et à un bien moindre degré de racia­lisme ». Dans cette histoire d’esclavages plus ou moins bénins, et conformément à son idéalisme historique, Robinson cite ensuite le Coran pour expliquer que « de grandes différen­ces ont persisté entre l’esclavage en Occident ainsi que dans les sociétés chrétiennes et l’esclavage dans l’islam ». Nous ne savons pas pourquoi Robinson choisit si manifestement de ne pas discuter de la présence de l’esclavage en tant que relation de classe dans le monde entier pendant la plus grande partie de l’histoire enregistrée, à l’exception de sa présence dans les sociétés musulmanes du Moyen-Orient.

Mais Robinson ne présente aucune preuve que l’esclavage en Europe avant le capitalisme fut significativement différent de l’esclavage dans les sociétés musulmanes – en fait, les preuves historiques indiquent que l’esclavage était une institution beaucoup plus importante et répandue dans le monde islamique qu’il ne l’a jamais été dans l’Europe féodale. Plus tard, à partir du XVIe siècle, ce qui distinguera l’esclavage européen de l’esclavage moyen-oriental, ce ne sont pas des inclinaisons culturelles, psychologiques ou religieuses mystiques, mais le contraste entre l’esclavage précapitaliste et l’esclavage capitaliste. Les esclaves ont été produits à l’époque précapitaliste, depuis la Grèce et la Rome antiques jusqu’à l’Asie, les empires musulmans et amérindiens et ailleurs, par la capture lors de guerres et de raids d’esclaves. L’abondance de main-d’œuvre non esclavagisée dans les sociétés féodales a fait que l’esclavage n’est jamais devenu le principal mode d’exploitation de la main-d’œuvre après l’Antiquité. Dans l’Europe féodale, les relations sociales de production étaient telles que les groupes dirigeants ne pouvaient pas utiliser de grandes quantités d’esclaves et n’en avaient pas besoin [...].

« Le racisme, comme l'a montré Allen dans son étude exhaustive, The Invention of the White Race, aurait une double fonction : mécanisme de contrôle social sur l'ensemble des classes laborieuses et mécanisme assurant la surexploitation et le supercontrôle (juridique et extrajuridique) sur les fractions racialisées des masses laborieuses. »

En effet, en Europe et dans le monde musulman, comme ailleurs dans les civilisations féodales qui comptaient des esclaves (en dehors du mode de production esclavagiste à part entière de la Grèce et de la Rome antiques), les esclaves étaient destinés à une consommation de luxe qui constituait un gouffre économique. Cette situation ne changerait que sous l’impératif de l’accumulation du capital, c’est-à-dire de la reproduction élargie, et dans des circonstances où la mé­thode la plus opportune pour garantir une masse étroitement contrôlée de force de travail pour l’économie transatlantique émergente deviendrait l’esclavage. Le surplus serait désormais extrait à grande échelle grâce à l’institution de l’esclavage capi­taliste et à la marchandisation du corps humain qui le caractérise (« l’esclavage mobilier »). Ce surplus, contrairement à l’esclavage précapitaliste, serait réinjecté dans les circuits émergents du capital dans le cadre d’un processus de reproduction élargie, de sorte que l’esclavage, au lieu d’être une perte économique, deviendrait un pilier du développement capitaliste mondial […].

Le racisme conséquence de l’esclavage ?
Il existe une multitude de recherches historiques sur la création de la « race » au cours des premières années du système capitaliste mondial, que nous ne pouvons pas reprendre ici.
Linebaugh et Rediker, entre autres, montrent dans L’Hydre aux mille têtes. L'histoire cachée de l'Atlantique révolutionnaire (éditions Amsterdam, 2008) comment les classes de plan­teurs américains, soutenues par les capitalistes et les États européens, ont créé la « race » comme mécanisme de différen­ciation de la masse de main-d’œuvre exploitée, attirée dans les circuits émergents du capital mondial. Eric Williams a noté dans son ouvrage classique Capitalisme et esclavage (Gallimard, 2020) que la servitude de centaines de milliers d’Européens au cours des premières années du projet colonial dans les Amériques […] a fourni la « base historique » sur laquelle l’esclavage américain a été fondé. « Le terme esclavage dans les Caraïbes a été trop exclusivement appliqué aux Noirs », observe Williams. « Une déformation raciste a été donnée à ce qui était fondamentalement un phénomène économique. L’esclavage n’est pas né du racisme. Le racisme a été plutôt la conséquence de l’esclavage. La main d’œuvre forcée dans le Nouveau Monde était brune, blonde, noire ou jaune ; catholique, protestante ou païenne. »

Robinson soutient que « Dès ses débuts, cette civilisation européenne, qui comprend des particularités raciales, tribales, linguistiques et régionales, a été bâtie sur des différences antagonistes. » Mis à part les différences « raciales » – pour rappel, Robinson ne précise jamais ce qu’il entend exactement par « racial », bien qu’il semble qu’il l’entende comme un substitut aux distinctions culturelles/ethniques – il n’y a rien d’historiquement spécifique à l’Europe dans les « particularités tribales, linguistiques et régionales [et culturelles/ethniques] » exploitées par les groupes dirigeants à travers le monde. Si le terme « barbare » était un élément établi de l’idéologie européenne pour catégoriser « l’autre », comme l’observe Robinson, il l’était également dans les civilisations du monde entier. Les dirigeants aztèques désignaient de manière péjorative ces groupes en dehors de leur empire urbain, en particulier les tribus et les groupes ethniques moins développés au nord de leur royaume, comme chichimecas, un terme nahuatl pour barbare (et aussi pour chien) à asservir ou à sacrifier.

La création de la race et du racisme moderne
Concentrons-nous sur la dialectique de l’universel et du particulier – sans pour autant, comme le fait Robinson, réduire l’universalisme en soi à l’universalisme bourgeois. L’universel se manifeste toujours et seulement dans le particulier. Nous voulons nous concentrer sur la façon dont l’accumulation sans fin du capital a joué – et joue encore – dans un monde de différenciation concrète. Dans ce premier cas, la différence est objectivement historique, fondée sur le développement matériel et culturel inégal des sociétés et des civilisations humaines à travers le monde et sur leurs histoires particulières. L’idée que ces sociétés ont été en quelque sorte isolées les unes des autres pendant la plus grande partie de l’histoire du monde est cependant un mythe. La différence – c’est-à-dire, des processus particuliers de développement historique – est toujours, dans une perspective plus large, le résultat de processus historiques de différenciation matérielle et sociale au sein d’une matrice d’interconnexions avec un tout plus vaste. Mais la clé de la discussion sur la création de la « race » et du racisme moderne est la différenciation en tant qu’acte, en tant qu’intentionnalité du capitalisme : les agents du capitalisme à partir de son noyau européen se sont appropriés et de fait ont produit la différenciation en fonction de l’accumulation et du contrôle – dans ce cas, ils ont produit des « races » afin de différencier les masses laborieuses. La « race » et la suprématie blanche étaient deux des productions historiques mondiales du capitalisme essentiel à l’organisation de ses circuits mon­diaux d’exploitation et d’accumulation.

« Linebaugh et Rediker, entre autres, montrent dans L’Hydre aux mille têtes comment les classes de planteurs américains, soutenues par les capitalistes et les États européens, ont créé la « race » comme mécanisme de différenciation de la masse de main-d'œuvre exploitée, attirée dans les circuits émergents du capital mondial. »

Alors que Robinson affirme que les Européens ont développé une « conscience raciale » dès l’Antiquité, Linebaugh et Rediker racontent une histoire différente. Africains et Européens ont conspiré ensemble dans de nombreux complots et soulèvements. La multitude de marins multinationaux et multiraciaux et leurs frères basés à terre n’avaient aucune conscience raciale ; une telle conscience devait être créée, non par une volonté européenne et nietzschéenne de pouvoir (racial), mais comme un projet de classe des esclavagistes et de la bourgeoisie. La rébellion permanente des Africains et des Européens contraints au travail dans tout le bassin des Caraïbes a conduit les planteurs et les États coloniaux à créer des distinctions juridiques permettant de différencier légalement et socialement l’esclave du serviteur, en attribuant à chacun une place distincte dans la division du travail. De cette manière, les groupes dirigeants ont répondu aux luttes de classe menées par les classes exploitées multiethniques par une recomposition racialiste des relations de classe mondiales – c’est-à-dire que la constitution de la « race » a eu lieu à travers le processus historique mondial de formation des classes capitalistes. La « race » devint alors, comme le dit Stuart Hall, « la modalité dans laquelle la classe est vécue ».

Les rapports de classe racialisés et la suprématie blanche devien­draient désormais une pièce centrale du colonialisme et de l’impérialisme capitalistes, un mécanisme permettant d’exer­cer un contrôle plus intensif et répressif sur la main-d’œuvre racialisée, une appropriation plus complète de la richesse produite par le travail dans l’histoire du système capitaliste mondial. Le racisme, comme l’a montré Allen dans son étude exhaustive, The Invention of the White Race, aurait une double fonction : mécanisme de contrôle social sur l’ensemble des classes laborieuses et mécanisme assurant la surexploitation et le supercontrôle (juridique et extrajuridique) sur les fractions racialisées des masses laborieuses. De plus, cette division raciale des masses laborieuses impliquait la création et la reproduction d’une conscience raciale et la rétribution d’un « salaire psychologique » parmi la masse des Blancs exploités – une conscience qui devait être constamment recréée par les groupes dominants chaque fois que les masses laborieuses se rassemblaient dans des luttes multiraciales […].
Robinson s’oppose dans Black Marxism et plus tard dans The Anthropology of Marxism à l’affirmation marxiste selon laquelle le racisme est « dérivé » du capitalisme. Pour lui, c’est l’inverse : le capitalisme est un épiphénomène du ra­cialisme qui trouve son origine dans l’Antiquité « européenne », un moment dans le développement du racisme européen. La célébration actuelle de Marxisme noir par les universitaires et les militants s’accompagne d’une commémoration nostalgique du Black Panther Party américain. Mais ces fidèles veulent le beurre et l’argent du beurre. Ils sont en opposition manifeste avec la façon dont le parti comprenait la relation entre la « race » et le capitalisme. Le Black Panther Party était une organisation ouvertement marxiste qui considérait expli­citement le racisme comme un dérivé du capitalisme […].

« Depuis l'aube de la société de classes, les groupes dirigeants ont légitimé leur pouvoir par des idéologies de supériorité et d'infériorité biologiques et/ou culturelles et de providence naturelle, et ont institué un esclavage légitimé par ces idéologies. Le Marxisme noir semble ici s'abstraire de l'histoire mondiale. »

Il est remarquable que sur les trois études de cas de Robinson sur les marxistes noirs, deux étaient eux-mêmes marxistes (le troisième, Richard Wright a exprimé des réserves sur le ­marxisme après son expérience de confrontation avec le ­racisme parmi les communistes blancs). C.L.R. James était un trotskyste actif dans la Quatrième Internationale et W.E.B. ­Du Bois s’est identifié comme socialiste pendant une grande partie de sa vie et était membre du Parti communiste au moment de sa mort. James et Du bois – ainsi que des milliers de marxistes africains – étaient-ils en dehors de la prétendue « tradition radicale noire » parce qu’ils étaient marxistes ? Comment pourrait-il en être autrement dès lors que Robinson affirme que cette tradition est « sans commune mesure » avec le marxisme ? Il est remarquable qu’à part ces trois-là, Robinson ignore tout simplement les marxistes du tiers monde. Ces marxistes du tiers monde – de Che Guevara et Jose Mariátegui aux Amériques, à Amílcar Cabral, Walter Rodney, Chris Hani, Samir Amin, Claude Ake et Abdulrahman Babu en Afrique, à Mao Zedong et Kamekichi Takahashi en Asie, parmi d’innombrables autres – voyaient dans le marxisme un outil théorique et politique pour se libérer du colonialisme, de l’impérialisme et du capitalisme. Ils ont apporté des contributions théoriques, une défense implacable du marxisme, une application du matérialisme historique à des histoires et des réalités distinctes de celle de l’Europe et ont laissé de riches héritages de praxis révolutionnaire marxiste.
Marx et Engels, accuse Robinson, ont insisté sur le fait que le prolétariat européen était l’agent privilégié de la révolution et ont sous-estimé l’importance des luttes anticoloniales et ­anti-impérialistes. Nous ne répéterons pas ici le travail que d’autres ont effectué avec de nombreuses références aux écrits de Marx et Engels pour démentir l’affirmation de Robinson […].

(1). Article reproduit avec l’aimable autorisation du site The Philosophical Salon (thephilosophicalsalon.com).

Les intertitres ont été ajoutés par la rédaction de Cause commune.

Cause commune n° 37 • janvier/février 2024