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Les politiques libérales, ainsi que la primauté donnée au marché intérieur et à la concurrence dans les traités européens étouffent une réelle dimension sociale. L’opposition au retour des règles budgétaires, même sous une forme aménagée, est une bataille centrale.

L’appellation « Europe sociale » est galvaudée depuis quarante ans, depuis le « dialogue social européen » de Jacques Delors de 1985 ! Après quarante ans de construction libérale capitaliste, le bilan social de l’UE est désastreux : des inégalités criantes entre les peuples, dues aux politiques néolibérales, 74 millions d’Européens vivant sous le seuil de pauvreté en 2021… Le sommet de Porto en 2021 a fixé un nouvel objectif : une « Europe sociale » d’ici 2030 !

Changer la logique et les fondements de la construction européenne
Des avancées ont été réalisées ces dernières années, à l’image de la directive sur les salaires minimums adoptée en 2022. Mais, pour de réelles conquêtes sociales, il faut changer la logique et les fondements de la construction européenne. Il est possible de le faire en portant des exigences, sources d’une transformation profonde, d’un changement de logique dans les coopérations européennes, ouvrant des brèches dans l’UE néolibérale, et non pas simplement d’un simple aménagement ou d’une « réforme ».

Des batailles immédiates nécessaires
Alors que les questions sociales ne font pas partie des compétences de l’UE, il est bien évident que les règles budgétaires austéritaires ont des implications qui vont au-delà de ces dernières. L’opposition au retour de ces règles, même sous une forme aménagée, est un combat indispensable. Les mobilisations syndicales sont pour cela un point d’appui important.

« La France peut déroger aux règles des traités européens qui vont à l’encontre des intérêts démocratiques, sociaux et économiques du peuple français. »

• La question de l’utilisation de l’argent est déterminante. La création d’un fonds de développement social et écologique lié à la création monétaire de la BCE, pouvant prêter aux États à taux nul ou négatif pour des politiques sociales, pour des emplois de qualité, pour une nouvelle industrialisation et la transformation écologique, est une revendication importante, reprise d’ailleurs par le PGE.
• La prochaine législature du Parlement européen devra porter l’exigence d’une directive cadre sur l’emploi et la formation en Europe, combinant une garantie d’emploi et de formation bien rémunérés tout au long de la vie pour toutes et tous, ainsi que le droit à la santé et au logement.
• Le principe de subsidiarité, qui existe théoriquement dans les traités européens, doit être mis en réelle application. Cela implique de remettre en cause la primauté du droit européen sur les droits nationaux, qui n’est pas inscrite dans les traités mais qui est une des pierres angulaires de la jurisprudence de la cour de justice de l’UE, machine de guerre néolibérale dont on parle peu.
• En attendant la mise en chantier d’un autre traité, la France peut déroger aux règles des traités européens, qui vont à l’encontre des intérêts démocratiques, sociaux et économiques du peuple français, et s’atteler à la construction de fronts d’entente en Europe, non seulement pour bloquer les dynamiques antidémocratiques et antisociales en cours, mais aussi pour des alternatives sur des sujets précis.
Ces axes politiques mettent en évidence la nécessité d’une refonte globale des coopérations européennes, d’une remise en cause des traités européens. Les parlements nationaux doivent être intégrés au processus d’élaboration législative européen. Un nouveau traité, supprimant les traités existants, mettant en chantier une Europe de peuples libres, souverains et associés est nécessaire ; pour une Europe fondée sur le principe de l’alignement par le haut des droits sociaux, et non leur nivellement par le bas. Appuyons-nous sur les législations les plus avancées, comme la mesure espagnole d’un salaire minimum à 60 % du salaire moyen. La question de la révision des traités est avancée par Macron et d’autres dirigeants. Chiche !
Bien évidemment, les batailles politiques s’appuient sur les mobilisations sociales, contre les délocalisations, contre la remise en cause des services publics et contre le retour des règles budgétaires européennes. Cela crée une dynamique qui doit pouvoir s’exprimer également sur le champ politique.

Vincent Boulet est membre du comité exécutif national. Il est responsable du secteur Relations internationales et vice-président du Parti de la gauche européenne.

Cause commune n° 38 • mars/avril/mai 2024