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Emmanuel Macron, revêtant davantage les habits d’un candidat que d’un président en exercice, a livré lors d’une conférence de presse jeudi 9 décembre, les orientations et les jalons de la présidence française du conseil de l’Union européenne. Plusieurs leçons peuvent en être tirées.

Ce discours est révélateur des rapports de force, des évolutions des bourgeoises européennes et des contradictions qui les traversent, en général, et de la place du macronisme dans ce maelstrom, en particulier. On y trouve à la fois une illustration de la recomposition des modes d’accumulation du capital en crise, un jeu d’équilibriste mesquin sur quelques questions sociales et, surtout, une économie globale qui donne des gages au bloc droitier conservateur, réactionnaire et xénophobe en Europe.

Des gages au bloc droitier
C’est d’ailleurs sur ce dernier aspect que Macron a ouvert son discours. Il donne quitus aux gouvernements polonais, lituanien et letton à propos de leur politique indigne de refoulement des migrants à la frontière biélorusse, réduits à mourir de faim et de froid, en violation complète du droit international, de la déclaration internationale des droits de l’homme et de la convention de Genève. Macron replace donc le pire des gouvernements en Europe au centre du jeu, alors que les mêmes étaient mis à l’index il y a quelques semaines sur les questions d’État de droit.

« Une illustration de la recomposition des modes d’accumulation du capital en crise, un jeu d’équilibriste mesquin sur quelques questions sociales et, surtout, une économie globale qui donne des gages au bloc droitier conservateur, réactionnaire et xénophobe en Europe. »

Par ailleurs, Macron inscrit la présidence française dans la voie prise par la recherche en cours de modes d’accumulation du capital en Europe. Certes, cela implique d’aborder des questions nouvelles pour l’UE, mais dans un exercice d’équilibre instable visant à ne pas remettre en cause les fondamentaux de la construction libérale de l’UE. C’est le cas sur le pacte de stabilité et de croissance, qui n’est pas aboli mais remplacé par de nouveaux critères budgétaires, et ce à condition d’en convaincre la coalition allemande dont un des éléments de l’accord interne repose sur le retour aux règles de Maastricht. Les questions écologiques et numériques sont abordées dans le cadre libéral de soutien aux start-up et aux géants « de la tech » pour reprendre le verbatim présidentiel. Les questions sociales sont effleurées, pour tenir compte de la recomposition des rapports de force et des initiatives d’augmentation des salaires prises par un certain nombre de gouvernements, dont celui de l’Allemagne qui augmente le salaire minimum de 25 %, mais sans rien dire de concret, à part renvoyer à un sommet social en mars, dont rien ne laisse augurer qu’il se termine autrement que le sommet de Porto de mai dernier, c’est-à-dire dans le néant.

Des impasses sur des questions essentielles
De ce fait, on ne saurait s’étonner des impasses faites sur des questions essentielles : pas un mot sur la lutte contre la pauvreté, pas un mot sur la lutte contre l’évasion fiscale, pas un mot sur le fait d’agir pour que l’UE cesse d’être le principal élément de blocage au niveau international pour la levée des brevets sur les vaccins.
La « souveraineté stratégique » (on ne parle déjà plus d’ « autonomie stratégique »), largement vantée par Emmanuel Macron, vire à la farce. La boussole stratégique de l’UE, annoncée avec tambours et trompettes, est soumise au sommet de l’OTAN qui aura lieu à Madrid en juin 2022.

Propositions du PCF pour une nouvelle construction européenne
Pour être à la hauteur des enjeux pour les peuples et les nations d’Europe, le PCF et Fabien Roussel mettent dans le débat politique des propositions concrètes pour une nouvelle construction européenne, c’est-à-dire pour une rupture avec les traités européens actuels. Par exemple :
• Le respect de la souveraineté des peuples et des nations, par l’abolition pure et simple du pacte de stabilité et de croissance et son remplacement par un pacte de progrès social et de transition écologique, qui encadre un véritable plan d’urgence social et écologique financé, comme le recommande le GIEC, à 6 % du PIB, à savoir 900 milliards d’euros par an.
• La sortie de l’OTAN, à commencer par celle du commandement intégré, et la proposition d’ouvrir les discussions en vue de conclure un traité de paix, de coopération et de sécurité collective en Europe et avec ses voisins, comme la Russie. La France pourrait prendre l’initiative de proposer l’organisation d’une conférence sur le modèle de celle d’Helsinki.
• Des mesures concrètes pour bâtir des coopérations dans le domaine de la santé et du médicament, par la constitution d’un pôle public du médicament en Europe, et d’un « Airbus du vaccin » ; et dans celui du numérique, par la constitution de filières publiques numériques.

La présidence française sera émaillée de dates importantes, qui seront autant d’occasions de mobilisation des communistes dans le cadre de la campagne de la présidentielle et des législatives, à commencer par la réunion des ministres des Affaires étrangères et de la Défense à Brest, qui s’est tenue les 13 et 14 janvier, et le discours d’Emmanuel Macron au Parlement européen le 19 janvier. l

Cause commune • janvier/février 2022