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Après avoir été reportée en raison de la pandémie et fait l’objet de nombreuses confusions au cours de l’année 2020, « la conférence pour l’avenir de l’Europe » devrait débuter en mai 2021 et s’étirer sur deux ans, si l’on en croit les annonces faites le 3 février.

le projet d’une « conférence pour l’avenir de l’Europe ». Cette conférence sera placée sous l’autorité des trois présidents, celui du conseil, celle de la commission européenne, et celui du parlement européen, qui s’appuieront sur un « comité exécutif » dont ni le processus de désignation, ni la composition ne sont à ce jour connus. Un événement de lancement est annoncé le 9 mai prochain et différents forums « citoyens », dont le contour et la marge de manœuvre sont inconnus pour le moment, doivent être organisés d’ici décembre 2022. L’ambition est de plus en plus claire. Il s’agit de rouvrir le chantier des traités européens. Elle rejoint celle d’ores et déjà exprimée par Emmanuel Macron qui veut faire de la présidence française, lors du premier semestre 2022, un élément qui le repositionne en Europe dans le cadre des campagnes présidentielle et législative qui seront concomitantes. Le journal en ligne Euractiv.com précise : « La conférence a pour objectif de relever les défis intérieurs et extérieurs auxquels l’Europe fait face et les nouveaux défis sociétaux et transnationaux qui n’étaient pas entièrement prévus à l’époque du traité de Lisbonne, en créant une plate-forme de discussion entre les citoyens et l’Union européenne » (EU27 accept Portuguese idea on Conference on the Future of Europe – EURACTIV.com).

« Poser les questions stratégiques pour un changement radical de logique, pour en finir avec les règles européennes qui corsètent les peuples et les nations en leur imposant un “modèle” libéral unique. »

Les classes dirigeantes européennes cherchent une solution à leur propre crise d’orientation
Il ne faut pas être dupe. Dans l’état actuel des choses, les « défis transnationaux » auxquels il est fait référence ici renvoient à la recherche par le capital d’un nouveau mode de développement et de nouvelles alliances, alors que le néolibéralisme est fortement secoué par la crise structurelle de la mondialisation capitaliste. Les axes de la commission européenne sur l’emploi des crédits du fonds dit de « relance » de l’UE en sont une première illustration : la constitution d’un marché commun du numérique, sur le modèle de ceux construits précédemment, et le projet de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (alors que le parlement européen avait proposé 60 % par ailleurs) en développant une « finance verte » (sic), ce qui relève, dans l’esprit de la commission, du greenwashing. Le lancement de la convention coïncidera d’ailleurs avec les annonces de la commission du plan dit « fit for 55 » prévues en juin. Il s’agit, en d’autres termes, de la part des classes dirigeantes européennes, de chercher une solution à leur propre crise d’orientation, alors que l’accord de juillet 2020 a surtout illustré le fait qu’il n’y avait pas de consensus en leur sein sur la manière dont le projet européiste libéral pouvait sortir de la crise.
Autrement dit, la convention pour « l’avenir de l’Europe » risque fort d’être une convention tactique, au sens plein du terme, portant sur les réadaptations de la construction capitaliste de l’UE pour sauver cette dernière du maelström de la crise internationale et européenne, ainsi que la crise démocratique qui devient aiguë dans plusieurs états de l’Union. Alors que les bourgeoisies européennes commencent à envisager que « la relance » soit payée par les peuples en combinant inflation et compression des salaires. Alors qu’une prochaine crise de la dette est d’ores et déjà annoncée, quand les pays du nord et du centre du continent retrouveront des perspectives de croissance.

« Les “défis transnationaux” auxquels il est fait référence renvoient à la recherche par le capital d’un nouveau mode de développement et de nouvelles alliances, alors que le néolibéralisme est fortement secoué par la crise structurelle de la mondialisation capitaliste. »

Ouvrir le débat sur les traités européens implique au contraire de poser les questions stratégiques pour un changement radical de logique, pour en finir avec les règles européennes qui corsètent les peuples et les nations en leur imposant un « modèle » libéral unique. Le débat sur les traités européens n’a jamais cessé d’exister, alors que le PCF les a toujours dénoncés, de même que ses alliés européens. Il implique de partir des préoccupations populaires. Par exemple : ouvrir le débat sur la constitution de pôles publics face aux banques et aux grandes entreprises, alors que la question d’un pôle public du médicament est posée, sur la redistribution de l’argent, sur l’annulation de la dette Covid que les marchés financiers voudront nous faire payer pour asservir toujours plus les peuples. Nous proposons au contraire de nous en libérer pour investir dans l’emploi, le climat et les services publics. Ou encore ouvrir le débat sur la reconquête industrielle comme propulseur d’un nouveau modèle de développement socialement et écologiquement soutenable, sur de nouveaux pouvoirs pour les travailleurs, sur la sécurisation de la santé, des salaires, des systèmes de retraite en les alignant vers le haut, sur la rupture des liens avec l’OTAN et la constitution d’un nouvel espace de paix, de coopération et de sécurité collective avec nos voisins de l’Est et du Sud. Cela ne peut pas être fait dans le cadre libéral de l’UE, en l’aménageant avec des piliers dits sociaux ou écologiques. Mais cela appelle une nouvelle construction européenne, celle d’une Europe à géométrie choisie, qui n’impose pas aux nations européennes un « modèle » mais leur offre un cadre pour des coopérations mutuellement bénéfiques, respectueuses à la fois de leur souveraineté et de leur interdépendance. Rouvrir le débat sur les traités européens signifie poser toutes ces questions.

Cause commune n° 22 • mars/avril 2021