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Crise de l’engagement, volonté de dégagisme, isolement, désespérance sociale… autant de mots qui traduisent l’état d’esprit des électeurs.

Ce qui caractérise d’abord ce territoire, c’est l’abstention. Les habitants expriment une forte défiance à l’égard de la politique. Ils peuvent signer nos pétitions, nous reconnaître pour telle ou telle action concrète, mais ils n’iront tout de même pas voter. Cette désaffection concerne toute forme d’engagement : autant les partis que les associations ou les syndicats. Ce n’est pas une crise des partis, c’est d’abord une crise de l’engagement, une conséquence de l’isolement et de la désespérance sociale. D’où nos actions concrètes pour redonner confiance en l’action collective. 
Les électeurs du Rassemblement national que nous rencontrons justifient leur vote en disant : « Eux, on ne les a pas encore essayés. » La question du racisme est présente mais le vote RN renvoie d’abord à une guerre des pauvres. Smicards, titulaires du RSA, chômeurs, précaires : tous se regardent et se comparent. La culture du bassin minier, liée à l’histoire des mines, atténue ces tensions et ces divisions, mais elle ne suffit pas à produire un engagement électoral.
Ce qui est très présent, c’est le dégagisme, le « Tout, sauf Macron » qui peut conduire à voter Mélenchon comme Le Pen.
Dans le Pas-de-Calais, depuis de nombreuses années, nous vivons avec un RN à un très haut niveau. La stratégie a été de faire de Hénin-Beaumont un laboratoire, en y mettant les moyens, en surinvestissant le local par du national (venue de Marine Le Pen et de nombreux cadres). Nous sommes au cœur des enjeux de classe. Fermetures d’usines, déclassement social, abstention populaire très forte... le RN prospère sur ces terreaux. Ici, ils ne tiennent pas le même langage que dans le Sud par exemple.

« Fermetures d’usine, déclassement social, abstention populaire très forte... le RN prospère sur ces terreaux. »

Ce qui permet de contrebalancer ces dynamiques nationales favorables au RN, et qui permet de reconquérir des circonscriptions qui lui étaient acquises, c’est le réseau militant, la fine connaissance des gens, acquise grâce aux actions en dehors des périodes électorales. La candidature de Fabien Roussel, de ce point de vue, a été utile. Cette parole a été entendue et explique le bon accueil que nous avons eu pendant la campagne des législatives. 
Plus largement, la distance entre Paris et la province, et le fait que beaucoup de décideurs ­politiques soient en Île-de-France posent un problème à la gauche. Les préoccupations d’une partie des classes populaires sont très loin de leur quotidien. D’où le risque que les appareils ne comprennent plus la base électorale qu’ils visent.

Kamel Ben Azouz est trésorier de la fédération PCF du Pas-de-Calais.

Cause commune n° 31 • novembre/décembre 2022