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Qui n’a pas entendu parler de Framapad pour rédiger des textes collectifs, de Framadate pour trouver une date de réunion… ? Nous avons demandé à Kinou, secrétaire dans une mairie et bénévole à Framasoft, de nous en dire un peu plus. Les adhérents y utilisent des « pseudos », c’est sous ce nom qu’elle est connue dans le milieu du « libre », elle s’exprime ici à titre personnel.

Entretien avec Kinou

CC : Quel est le point de départ de Framasoft ?

Au début, en 2004, il s’agissait essentiellement d’une association d’entraide, de conseils pédagogiques, en vue de l’utilisation de logiciels libres. Elle se composait d’amateurs, de bénévoles, et fonctionnait surtout entre professeurs de l’éducation nationale, qui n’avaient pas les moyens d’acheter des licences et n’avaient pas été formés à l’informatique. Internet était nouveau et on ne téléchargeait pas des logiciels si facilement. Il s’agissait surtout de faire connaître des outils au grand public. On a dressé un annuaire des logiciels, on a donné des informations sur les logiciels libres ou sur les risques des logiciels « propriétaires », on a traduit en français des articles qui n’étaient qu’en anglais. Cela a bien marché, on a réussi à avoir deux salariés (non-informaticiens).

CC : Comment cela a-t-il évolué ?

Il y a une dizaine d’années, on s’est retrouvé sans argent. Jusque-là, on utilisait aussi les services des GAFAM, par exemple gmail. Puis on s’est dit qu’on pouvait se hasarder à « dégoogliser » Internet, à se débarrasser de tout ce qui était issu des GAFAM. Les gens se sont intéressés à cette démarche, des dons sont arrivés, on a même pu embaucher un administrateur système. Alors chaque fois qu’on trouvait un nouvel outil à diffuser (comme Framapad, Framadate, etc.), on l’a lancé : en trois ans ce fut en moyenne un nouveau service par mois. On s’est vite aperçu qu’on était emporté par notre élan et qu’on ne pourrait pas suivre. On a dû en fermer quelques-uns (il en reste environ vingt), afin de pérenniser les meilleurs ; dans chaque cas, on a expliqué les raisons de la fermeture. Il est important d’expliquer ses erreurs, ça fait partie de l’apprentissage, on n’est pas en possession d’un savoir absolu.

« Décider d’utiliser un logiciel libre plutôt qu’un logiciel propriétaire, c’est un acte politique. »

CC : Quel est l’état d’esprit actuel ?

On se définit comme une association d’éducation populaire. Il ne suffit pas de donner clés en main des alternatives aux GAFAM, il faut aussi aider les gens à devenir autonomes. Certes, nos services sont pour tout le monde, pas besoin même de créer un compte ; mais nous ne sommes que trente-huit, ce n’est pas beaucoup pour aider toute la population du pays. Pour les trois années qui viennent, nous visons plutôt l’aide aux collectifs et aux associations, en leur suggérant de faire elles-mêmes un travail analogue auprès de leurs adhérents. Nous avons aussi une activité de sensibilisation, soit à la demande lorsqu’on est invité par des associations, des centres sociaux, etc. (comme cela a été le cas récemment par la fédération du Rhône du PCF), soit à notre initiative dans des lieux publics. Nous visons les gens en général et non les informaticiens. Par exemple, avec Frama.space (frama.space https://www.frama.space/abc/fr/), nous ouvrons des espaces (disons de petits clouds) pour que des associations qui n’ont pas beaucoup d’argent puissent gérer leurs données, leurs sites. Elles n’ont plus besoin de s’occuper des mises à jour, des sauvegardes. Plus généralement, on est passé du simple soutien aux logiciels libres à ce qu’on pourrait appeler la « culture du libre ».

CC : Quels rapports avez-vous avec Libre Office, Linux, Qwant, etc. ?

Rappelons que tout « logiciel libre » doit respecter les « quatre libertés » (numérotées 0-3), c’est-à-dire permettre : 0. d’utiliser le logiciel ; 1. de voir comment est fait le code ; 2. de le modifier ; 3. de redistribuer le code modifié. Libre Office est une suite bureautique, Linux un système d’exploitation, Qwant un moteur de recherche (mais qui se base aussi sur d’autres moteurs de recherche qui peuvent être propriétaires). Ce sont des choses différentes mais dans le même esprit, nous les utilisons, nous avons de bonnes relations avec ceux qui s’en occupent, mais nous n’avons pas de lien organique avec eux. Par exemple, il y a des employés de Mozilla qui sont bénévoles à Framasoft.

CC : Est-ce que vous avez des actions revendicatives vis-à-vis des pouvoirs publics ?

C’est plutôt l’activité de la Quadrature du Net et d’autres associations de ce type. Nous ne rédigeons pas de propositions de lois, nous n’interpellons pas les députés. Cela ne veut pas dire que nous soyons « apolitiques », la question de la justice sociale est dans nos statuts. Déjà, décider d’utiliser un logiciel libre plutôt qu’un logiciel propriétaire, c’est un acte politique. La sensibilisation du grand public aussi, c’est une façon d’attirer l’attention sur ce qu’est le capitalisme qui fait passer l’argent avant le reste. Nous expliquons également ce qu’est le capitalisme de surveillance (c’est le titre d’un ouvrage récent de Christophe Masutti, qui est un de nos coprésidents). Nous expliquons que ce capitalisme, qui pousse à changer d’ordinateur pour un oui ou pour un non, a un bilan écologique catastrophique.

« On se définit comme une association d’éducation populaire. Il ne suffit pas de donner clés en main des alternatives aux GAFAM, il faut aussi aider les gens à devenir autonomes. »

Quant à nos relations avec les ministères, elles sont minimes. On nous a invités plusieurs fois à participer à des réunions (à nos frais) avec Microsoft et Apple ; mais ça ne servait à rien du tout, on nous y faisait remarquer qu’on n’avait pas les mêmes services à rendre qu’eux, qu’on ne jouait pas dans la même cour. On s’est donc aperçu rapidement qu’on servait de faire-valoir et nous avons décidé que nous n’irions plus prendre le thé au ministère. Le gouvernement a de l’argent et doit rendre des services efficaces à ses institutions, Framasoft s’occupe des « petits » : les particuliers, les associations, les petites entreprises.

Kinou est membre du comité directeur de Framasoft

Propos recueillis par Pierre Crépel


FICHE PRATIQUE

Outils alternatifs pour les militants

cociel2.pcf.fr pour remplacer cociel.pcf.fr. Depuis la refonte par les camarades (bravos) l'interface est moderne, utilisable facilement même sur un écran plus petit et concentre les informations nécessaires. Facile

Gestion du domaine nom_de_section.pcf.fr, via commun.octopuce.fr avec cinq listes de diffusion/discussion disponibles (mais pas liées à cociel, il faut faire les modifications à la main, attention à la gestion des retours), dix adresses mail, redirection d'URL, partage «basique» de fichier, interface AlternC (et Mailman pour les listes de diffusion/discussion). notions attendues

Création de salon de discussion en visioconférence avec possibilité d'enregistrement de la session, le partage d'un bloc-note commun, une messagerie instantanée, un tableau, le partage d'écran, etc. : visio.pcf.fr Facile (en cas de problème, envoyer un mail à [email protected])

Dépôt et diffusion de vidéos sur espace à nous : video.pcf.fr Facile

Facile : les outils sont en français, l'interface d'utilisation est simple (« se connecter », « créer un salon », « déposer une vidéo », etc.)

Tous ces outils nécessitent de demander un compte auprès de [email protected] (01 40 40 11 11) (en attendant qu'un système plus centralisé soit mis en place). Ils sont tous accessibles depuis n'importe quel navigateur internet décent sur ordinateur, tablette ou téléphone, et disposent d'applications dédiées sur téléphone et tablettes (mais elles ne sont pas obligatoires pour utiliser le service).

Il existe d'autres outils mais surtout à disposition des fédérations ou du national (trésorerie, partage « évolué » de fichiers, etc.). En gestation il y a un site web pré-formaté (avec le minimum vital, et une esthétique commune) par section et hébergé par le parti.

Cause commune n° 33 • mars/avril 2023