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L’Union européenne est aujourd’hui confrontée à une série de défis majeurs au cœur des élections européennes.

par Aurélien Bonnarel et Maëva Durand

Le retour de la guerre
Depuis 2022, la guerre est de retour en Europe. L’agression militaire de l’Ukraine par la Russie dirigée par Vladimir Poutine dure depuis le 24 février 2022 et a déjà coûté la vie à trop de combattants : plusieurs centaines de milliers de soldats tués et blessés, une population qui n'est pas épargnée. La guerre est une catastrophe humaine pour la Russie comme pour l’Ukraine. En réponse, plutôt que de promouvoir un cessez-le-feu et d’activer un retour à la table des négociations diplomatiques, les dirigeants européens ont fait le choix de soutenir l’affrontement militaire. Cela s’est traduit par une augmentation de 6 % des budgets militaires des pays de l’Union européenne en 2022 et l’élargissement de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Le retour de cette machine de guerre sur le devant la scène vient à nouveau déstabiliser les équilibres politiques, au profit de Washington. Ces événements soulignent l’urgence de faire émerger une « économie de paix », basée sur un système de coopération et de sécurité commune aux peuples, ainsi que la nécessité d’un désarmement global.

« L’Union européenne dans ses fondements, comme dans ses traités n’envisage pas l’établissement d’une Europe des droits et du progrès social. »

Le capitalisme favorise des sociétés extrêmement polarisées. Sur le plan économique, les multinationales sont toujours plus riches, à l’image du groupe Dassault. La fortune de la famille Dassault, qui se classe parmi les plus grandes fortunes européennes, équivaut à 1, 4 million d’années de SMIC. Dans le même temps, 10,5 % des Européens vivent sous le seuil de pauvreté, avec des variations importantes entre les pays. Un rapport du Fonds monétaire international (FMI) publié en juin 2023 indiquait que près de la moitié de la hausse de l’inflation en Europe au cours des deux dernières années était due à l’augmentation des profits des entreprises. Malgré de timides avancées sur la taxation des multinationales ou la directive sur les salaires minimums en Europe arrachées par les luttes et l’évolution des rapports de force, l’Union européenne dans ses fondements, comme dans ses traités, n’envisage pas l’établissement d’une Europe des droits et du progrès social.

La montée de l’extrême droite
Pourtant, il y a urgence à apporter des réponses sociales à la hauteur, afin d’améliorer la vie des travailleurs dans toute l’Europe et de conjurer ainsi le péril xénophobe. Ce péril est de plus en plus concret en France comme en Allemagne. Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) avec quelques riches patrons projetait, lors d’une réunion clandestine fin novembre 2023 à Potsdam, d’organiser une « remigration » pour deux millions de personnes étrangères ou d’origine étrangère. L’AfD et d’autres partis d’extrême droite en Europe profitent électoralement ces dernières années du sentiment d’insatisfaction de la population généré par l’incapacité des partis politiques de droite et de gauche à proposer des réponses concrètes pour juguler l’inflation élevée et résoudre les crises économique et sociale. Alors que les salariés d’Europe subissent les politiques d’austérité, les bas salaires et les licenciements au nom de la compétitivité, les dirigeants politiques d’extrême droite désignent les minorités religieuses, les personnes migrantes ou LGBT comme responsables des défaillances de tout ordre.

Accélération du changement climatique et de la crise écologique
La crise écologique s’approfondit d’année en année. L’été 2023 a été, de loin, la saison la plus chaude que le monde ait jamais connue. L’Europe se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, à environ 2,2 °C au-dessus des niveaux préindustriels (vers 1850-1900). 60 à 70 % des sols de l’UE sont actuellement en mauvaise santé. Pourtant, les sols abritent 25 % de la biodiversité, régulent les cycles de l’eau et du carbone et sont essentiels à la production alimentaire. L’UE se veut exemplaire en matière écologique et multiplie les objectifs et les plans en faveur de l’environnement à l’image du pacte vert européen mais reste prisonnière des logiques capitalistes et sensibles aux pressions des lobbys dans ses réponses. Si, en réponse à la crise agricole, on rabaisse les ambitions en matière de d’utilisation des pesticides, comme l’a décidé le gouvernement français, alors on fait fausse route : loin d’améliorer les revenus des agriculteurs, ces mesures ne vont rien régler pour ces derniers et, en revanche, nuiront à l’environnement. Si l’instauration de prix planchers annoncés par le gouvernement d’Emmanuel Macron pour calmer la colère des agriculteurs est une revendication de longue date de notre parti, une telle mesure devrait s’accompagner d’une sortie du libre-échange pour être pleinement efficace.

« IL y a urgence à apporter des réponses sociales à la hauteur afin d’améliorer la vie des travailleurs dans toute l’Europe et ainsi de conjurer le péril xénophobe. »

L’écologie est au cœur d’enjeux de classes. Face à ces défis multiples, il est impératif de ne pas tomber dans le piège tendu par les forces libérales et d’extrême droite, qui cherchent à opposer les individus les uns aux autres. En Europe, les intérêts populaires et ceux du monde du travail vont dans le sens de politiques de solidarité et de développement humain, avec notamment l’augmentation des moyens affectés aux services publics (école, santé…), un changement des logiques de production, autrement dit en faveur de la construction d’une Europe solidaire.

La question des droits sociaux
Dans le cadre du présent dossier, Cause commune a fait le choix d’approfondir la question sociale dans l’Union européenne car, derrière la question des droits sociaux, c’est celle du partage des richesses entre le capital et le travail qui se pose. Comment gagner de nouveaux droits et engager un rapport de force face au capital et à l’extrême droite en Europe ? Voilà une autre question urgente et essentielle pour les communistes.
Les mouvements sociaux, qu’il s’agisse de celui des agriculteurs, des travailleurs en lutte avec leurs syndicats ou des mouvements féministes témoignent de cette volonté de sortir de la concurrence généralisée, d’aller vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que d’instaurer un meilleur partage des richesses produites via de meilleurs salaires et conditions de travail.
Pour construire et conquérir le progrès social en Europe, la question d’une meilleure organisation des luttes des travailleurs européens à l’échelle transnationale est posée. Comment y parvenir ? C’est, entre autres, l’enjeu de coopérations syndicales efficaces à l’échelle continentale.
Parallèlement, l’approfondissement du dialogue et des coopérations politiques à l’échelle européenne apparaît également nécessaire, en s’appuyant sur les cadres existants que sont le groupe « The left » au Parlement européen, le PGE et le forum européen des forces de gauche, vertes et progressistes. Au niveau des entreprises, il faut conquérir de nouveaux droits décisionnels dans les comités d’entreprise européens ou mettre en œuvre la coordination de militants communistes dans les entreprises, bien souvent membres de groupes européens.

Les services publics
Une autre construction européenne au service des peuples passera également par la fin des politiques d’austérité budgétaires, de privatisations, de mise en concurrence et d’emprise de la rentabilité financière sur la gestion des services publics. Cela passera par la conquête de nouveaux pouvoirs sur l’argent, avec par exemple une reprise en main de la Banque centrale européenne (BCE). Piliers de la solidarité et de l’efficacité sociale, les services publics permettent aux activités d’intérêt général d’être gérées selon d’autres critères et en dehors des exigences de rentabilité du marché.
La reconquête et l’extension du domaine des services publics sont un enjeu majeur pour répondre à l’exigence d’égalité entre les femmes et les hommes. Les femmes, qui ont aujourd’hui encore majoritairement à charge l’éducation des enfants, doivent pouvoir compter partout en Europe sur la construction de crèches, de services de cantines et d’accueil. La maîtrise pleine et entière du corps s’inscrit dans des libertés mais aussi des droits, qui rendent effectifs l’accès à la contraception et l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

« Piliers de la solidarité et de l’efficacité sociale, les services publics permettent aux activités d’intérêt général d’être gérées selon d’autres critères et en dehors des exigences de rentabilité du marché. »

Les violences conjugales, sexistes et sexuelles sont l’affaire de l’ensemble de la société. Le développement de structures d’accueil pour les femmes victimes de violences, tout comme le renforcement des mesures de lutte contre les violences faites aux femmes à travers une directive dédiée, affaiblissent le patriarcat. En tant que communistes et avec nos partenaires de la gauche européenne, nous portons un projet féministe, d’émancipation de toutes les femmes à travers le monde.

Les élections européennes, un point d’appui
Si les élections européennes peuvent apparaître comme éloignées des préoccupations du quotidien, leurs résultats auront bien des conséquences sur la vie de l’ensemble des citoyens du continent. En complémentarité avec les mouvements sociaux, les échéances électorales peuvent constituer un point d’appui dans notre combat pour refonder une Europe basée sur la solidarité et non sur l’individualisme et le repli identitaire. En tant que pays impérialiste et seconde puissance économique de l’UE, la France joue un rôle important au sein de cette dernière. Plutôt que d’alimenter la fuite en avant néolibérale, la France peut être le moteur d’un changement de cap radical en Europe. Mettre fin aux politiques d’austérité et de « concurrence libre et non faussée », placer les intérêts des peuples au cœur du projet européen et impulser une harmonisation par le haut des droits sociaux afin de relever les défis du XXIe siècle, voilà l’Europe pour laquelle nous nous battons.
Reprendre la main sur l’emploi et les salaires, les services publics, l’industrie, l’agriculture et l’alimentation, l’énergie et le climat, les rapports entre nations pour mettre fin aux guerres, ces combats seront portés par la liste Gauche unie pour le monde du travail, menée par Léon Deffontaines pour les élections européennes du 9 juin 2024.

Aurélien Bonnarel et Maëva Durand sont membres du comité de rédaction de Cause commune. Ils ont coordonné ce dossier.

Cause commune n° 38 • mars/avril/mai 2024