Par

Pour affronter les défis auxquels elle est confrontée, l’île de La Réunion a besoin de ­franchir une nouvelle étape dans ses rapports avec l’État.

Au moment où une polycrise qui, nous le savons, trouve sa source dans l’actuel modèle de développement, frappe encore plus durement nos territoires et nos populations, l’expression de la solidarité du PCF ne s’est jamais démentie au cours de ces quatre-vingt dernières années et elle est la marque des liens fraternels qui unit nos peuples. À titre d’illustration, il est possible de souligner que le PCF est le seul parti politique de France à avoir mis un point d’honneur à accompagner l’émancipation des peuples d’outre-mer. Ce fut le cas en 1956 en Guyane, en 1957 avec le Parti communiste guadeloupéen, en 1958 avec le Parti progressiste martiniquais ou en encore en 1959 lors de la création par Paul Vergès et ses camarades du Parti communiste réunionnais (PCR)

Vers le co-développement entre l’État et la Réunion
Il est désormais temps pour La Réunion de plaider pour plus responsabilité. Autrement dit, il faut aller vers la co-construction, avec l’État, d’un projet réunionnais fait par les Réunionnais pour les Réunionnais : un projet de développement durable et solidaire ; une nouvelle politique qui réponde aux urgences et aux défis contemporains. Ceux-ci sont connus : urgences sociale, économique, climatique, énergétique, culturelle. Il faudrait néanmoins y ajouter l’urgence démocratique. Car, hélas, ne pas répondre aux angoisses et inquiétudes de la population ou les entretenir à dessein, revient à faire le lit des idées de l’extrême droite, qui gagnent du terrain et cela dans toutes les couches de la société.
Cette nouvelle politique que nous appelons de nos vœux devra avoir pour fondement le respect et l’égalité entre tous les peuples. Nous sommes arrivés au bout d’un système, l’intégration mécanique, qui trouve ses limites pour un territoire situé à dix mille kilomètres de sa métropole et dans un environnement régional qui connaît de profondes mutations. Un exemple avec notre voisine, la Grande Île, Madagascar, distante de seulement sept cents kilomètres de La Réunion, un Paris-Marseille, et qui de vingt-neuf millions d’habitants aujourd’hui passera à plus de trente-deux millions d’ici 2030 et à quarante-trois millions d’ici 2050. Dans le même temps, La Réunion comptera, dans une hypothèse haute, un million d’habitants en 2050. La démographie, tout comme la mondialisation des échanges, la révolution technologique ou encore les effets désastreux du réchauffement climatique vont avoir des effets redoutables sur une île de 2 500 km² située en plein océan Indien.

« Après l’ère de la liberté en 1848, après l’ère de l’égalité en 1946, une nouvelle ère doit maintenant s’ouvrir, celle de la responsabilité des pays d’outre-mer au sein de la République.»

Nous devons en tirer toutes les conséquences. Le combat est double : il s’agit à la fois de préserver les acquis historiques et promouvoir le co-développement. Les raisons en sont évidentes : chômage massif, cherté de la vie, pauvreté, difficulté à se loger dignement, ressources naturelles et environnement menacés sont les symptômes d’une crise qui s’aggrave, s’intensifie et se généralise. Personne n’est à l’abri. Nous ne pouvons rester les bras croisés.

Un projet global pour La Réunion et des mesures concrètes
Pour sortir de cette impasse, il nous faut un projet global, consensuel. Nous avons la responsabilité de le définir avec toutes les forces vives du pays. Sa mise en œuvre pourrait être organisée par une loi programme d’application à court, moyen et long terme ; c’est-à-dire à cinq, dix et vingt ans pour chacun de nos territoires. Nous prendrions alors en compte tous les sujets : sécurité alimentaire ; autonomie énergétique ; mobilité durable ; emploi durable ; transition énergétique ; coût de la vie, etc. Nous disposons de l’outil adéquat pour poser les bons diagnostics et envisager des solutions appropriées : la conférence territoriale. Le PCR propose de l’élargir aux forces vives du pays. La présidente de région, Madame Huguette Bello, s’est d’ailleurs prononcée favorablement, avec une prise de position très claire, sur l’idée de réunir la conférence territoriale dans ce format après le Comité interministériel outre-mer (CIOM) de cette année.
Par exemple, de manière concrète, en ce qui concerne la formation, des jeunes en particulier, il faudra notamment questionner le rôle et la place de l’Éducation nationale. C’est pourquoi il est nécessaire d’accorder encore plus de place à la langue, à la culture, à l’histoire et à l’identité réunionnaise dans la vie scolaire.
En matière de politiques publiques pour le logement, les dispositifs méritent un « toilettage » pour plus d’efficacité au profit à la fois des bénéficiaires et de l’ensemble de la filière des bâtiments et travaux publics. Le ministre des Outre-mer a d’ailleurs annoncé que, lors du CIOM, il proposera des mesures de simplification pour la construction ; secteur essentiel dans une île qui connaît un chômage massif. Nous ne partons pas de rien, l’Interco outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, a élaboré un rapport intitulé « L’enjeu foncier en outre-mer ». L’ensemble des intercommunalités des départements et régions d’outre-mer (DROM) se sont fortement mobilisés sur cette thématique essentielle. Nous avons abouti à un recueil de propositions, d’observations et d’alertes sur la problématique foncière. Le but est de permettre à tous de bénéficier d’un logement décent en outre-mer. C’est avec cette même ambition que j’ai eu l’occasion de plaider et de porter la voix des pays d’outre-mer à l’occasion du dernier congrès des maires. Ce rapport a été remis au service du ministre des Outre-mer courant février 2023.

« Ne pas répondre aux angoisses et inquiétudes de la population ou les entretenir à dessein, revient à faire le lit des idées de l’extrême droite, qui gagnent du terrain et cela dans toutes les couches de la société. »

De même, nous devons repenser les politiques de santé et commencer par rappeler le rôle fondamental du personnel soignant pendant la grave crise sanitaire liée au covid-19. Il faut s’en souvenir et les remercier. Nous devons les accompagner davantage avec des moyens adéquats. En second lieu, à La Réunion, on constate un manque criant de spécialistes. Il nous faut attendre des mois pour un rendez-vous ophtalmologique par exemple. C’est la même chose pour d’autres spécialités. Là encore des efforts sont à faire, notamment pour les plus précaires à qui nous devons apporter une attention toute particulière sur leur situation car se soigner a un coût qui pèse lourdement sur les ménages plus modestes.
Après l’ère de la liberté en 1848, après l’ère de l’égalité en 1946, une nouvelle ère doit maintenant s’ouvrir, celle de la responsabilité des pays d’outre-mer au sein de la République.

Maurice Gironcel est maire (PCR) de Sainte-Suzanne et président d’Interco’ outre-mer.

Cause commune n° 34 • mai/juin 2023