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Face aux menaces en matière de climat et de biodiversité, il est toujours important d’étudier les efforts locaux en vue de dégager des solutions pour le futur. Le PCF est à l’écoute de ces tentatives, ce qui ne l’empêche pas de rechercher également, par lui-même, des voies originales.

Jean Claude Mensch, maire d’Ungersheim (Haut-Rhin) depuis 1989, ancien mineur CGT, comme il se présente, pratique depuis lors une « politique de ménagement du territoire ». La commune (1 400 habitants en 1989 – 2 500 en 2020) s’est ainsi engagée sans le savoir dans ce qu’on appelle le « territoire en transition », selon les travaux de Rob Hopkins, qui ont débouché sur l’association des villes en transition, telles que Totnes en Angleterre. Un plan de « Vingt-et une actions pour le XXIe siècle » fondées sur l’autonomie intellectuelle et la démocratie participative a été élaboré sur un mode participatif afin de se préparer à l’après-pétrole et au réchauffement climatique.
À Muttersholtz (Bas-Rhin), 2200 habitants, Julien Rodrigues, secrétaire général de la commune nous décrit celle-ci comme un « laboratoire de la transition écologique », transition qui se décline transversalement sur tout le champ d’action du territoire. La visite de la commune commentée par le maire Patrick Barbier le confirme : biodiversité, autonomie énergétique, démocratie participative active sont présents dans tous les secteurs d’activité de la commune.

« Leurs actions s’appuient tout d’abord sur une organisation de la démocratie participative associant les habitants aux projets mais aussi à leur réalisation. »

Ces deux communes ont travaillé depuis des années à rendre le futur plus désirable, plus soutenable par un changement que les deux maires qualifient de lent et difficile.

Démocratie participative : une vraie réalité
Leurs actions s’appuient tout d’abord sur une organisation de la démocratie participative associant les habitants aux projets mais aussi à leur réalisation, créant des modes de vie plus reliés, plus enrichissants. Ainsi, à Ungersheim, les habitants peuvent s’impliquer dans des conseils participatifs ouverts à tous : un conseil des sages, vingt citoyens de plus de soixante-dix ans tirés au sort, un jury citoyen de vingt personnes parmi cent quatre-vingts tirés au sort, un forum citoyen et un conseil municipal des enfants avec un comité de pilotage constitué par des enseignants de la commune. Les décisions que prennent les élus à partir des propositions et des choix opérés par ces instances se traduisent par de nombreux chantiers participatifs. Ainsi ont été réalisées des isolations paille, des réfections de bâtiments pour les transformer en bâtiments à énergie passive, la création d’un parc champêtre…Toutes ces réalisations se terminent par des repas festifs bio et végétaux. Les entreprises privées sont elles aussi encouragées, une imprimerie a un programme de réduction de 70 % de ses consommations avec récupération d’énergie vers le réseau de chaleur communal. Dans la commune d’Ungersheim, « territoire citoyen du monde pour la paix et contre la faim », circule la monnaie locale le « radis », à laquelle participent douze magasins et des associations encouragées en cela par une subvention de 25 % de leurs activités.

Biodiversité : des efforts pérennes
Le plus gros effort de la commune d’Ungersheim depuis des dizaines d’années, c’est la lutte pour la biodiversité et la renaturation d’espaces : atlas communal de la biodiversité avec près de mille cinq cents espèces décrites, renaturalisation du carreau de la mine, festival éco-équitable, zéro pesticide et gestion des plantes « auto invitées », instauration de la tonte tardive, produits d’entretien écologiques, recherche de la souveraineté alimentaire. Les dix-sept hectares de maraîchage bio, gérés par un maraîcher salarié de la commune et des emplois en insertion s’est transformé en 2015 en régie municipale agricole qui fournit 70 % des légumes pour les cinq cent cinquante repas des élèves de la communauté de communes. Les repas sont 100 % bio depuis 2009, goûters compris, et la cuisine centrale avec insertion par le travail et la formation a été créée en 2013. Le projet est de servir à terme les six mille repas par jour de l’agglomération Mulhouse-Alsace. Le maraîcher « en chef », jeune franco-japonais, est attentif aux évolutions climatiques et à leur influence sur les types de culture et pratiques culturales. La gestion de l’eau n’est pas le moindre de ses soucis. Cette activité « maraîchage » a aussi permis la création d’une légumerie-conserverie, d’une épicerie-café-philo participative dans laquelle on trouve les légumes produits par la commune, des farines de variétés anciennes, des jus de fruits pressés à l’usine de pressage communale et des objets d’artisanat.

Énergie, économies et autonomie
Le deuxième plus gros chantier de la commune d’Ungersheim est un objectif d’autonomie énergétique, via des recherches d’économie et de production autonome. L’opposition du maire à l’énergie nucléaire a sans doute été la première raison de ces efforts. Dans le contexte des menaces climatiques, quelles que soient les orientations énergétiques que prendra la France, les réalisations seront utiles à la lutte nécessaire pour diminuer les émissions carbonées.

« Les dix-sept hectares de maraîchage bio, gérés par un maraîcher salarié de la commune d’Ungersheim et des emplois en insertion s’est transformé en 2015 en régie municipale agricole qui fournit 70 % des légumes pour les cinq cent cinquante repas des élèves de la communauté de communes. »

Les bâtiments publics sont évidemment les premiers concernés : à Muttersholtz (comme à Ungersheim), les toits de tous les services publics sont solaires. Accompagnés de deux micro-centrales hydroélectriques et de petites chaufferies au bois, ils assurent l’autonomie énergétique de la commune avec une production supérieure aux dépenses. L’économie d’énergie est réalisée par des isolations rendant les bâtiments passifs, voire positifs avec leurs panneaux solaires, une baisse de puissance de l’éclairage public, et une surveillance constante des dépenses par un « économe de flux » chargé de gérer la consommation à l’aide de capteurs de mesures, de sous-compteurs, de capteurs de CO2 (installés bien avant la pandémie) et d’installations de ventilation double flux. La population est encouragée à accompagner ces efforts, avec les circulations douces, la limitation de l’étalement urbain grâce à la remise sur le marché de logements vacants. Vingt logements ont ainsi été remis en valeur sur les quatre vingts logements vides de la commune. Ce n’est qu’un début, les propriétaires des logements inoccupés payent une taxe communale qui est utilisée à la rénovation des réhabilitations, ce qui a un effet d’entraînement. On retrouve à Muttersholtz des réalisations citoyennes et communales semblables à celles d’Ungersheim en matière de biodiversité, d’alimentation, d’initiatives citoyennes encouragées par la municipalité.

« À Muttersholtz (comme à Ungersheim), les toits de tous les services publics sont solaires. Accompagnés de deux micro-centrales hydroélectriques et de petites chaufferies au bois, ils assurent l’autonomie énergétique de la commune avec une production supérieure aux dépenses. »

Difficultés à surmonter
Tous ces efforts ne se font pas sans difficultés : ainsi, Muttersholtz se trouve au cœur de la large vallée de l’Ill, entourée d’une « oasis verte », champ d’expansion des inondations. Mais le voisinage des champs de maïs et de la canalisation de la rivière imposent des sur-inondations au village. La période covid a fait régresser les liens sociaux forts dans ces villages. Dans les deux communes, les maires s’efforcent d’entraîner la population dans ces orientations : chantiers participatifs, chantiers nature, éco-école, voyages d’études organisés pour ensuite coconstruire les projets. Située dans la Forêt Noire toute proche, Fribourg, ville allemande modèle en matière d’écologie est l’objet de nombreuses visites du maire de Muttersholtz. Dans le même temps, les maires constatent la perte de compétences au niveau public national, qu’il s’agisse de biodiversité, d’habitat, d’alimentation. Les cadres réglementaires sont très contraignants et les outils publics faibles et sous-utilisés par le préfet. Les subventions concernent les investissements, mais pas la maintenance des installations des zones écologiques. En outre, la Politique agricole commune, par-delà la « prime au maïs », a mis à égalité la labellisation « HVE » (haute valeur environnementale) avec la certification bio, contre l’avis de très nombreux organismes et associations, jugeant le niveau d’exigences de la HVE très insuffisant.
Cette visite de deux villages alsaciens a été effectuée dans le cadre de l’association des Journalistes-écrivains pour la nature et l’écologie (JNE). Cet exemple de deux communes très volontaires dans leur démarche de démocratie pour la biodiversité, les économies et la production énergétique, les liens sociaux et une défense globale de l’environnement nous conduit à la réflexion suivante. La démarche locale est nécessaire, utile, fructueuse, lorsqu’elle s’accompagne de grands efforts d’association de la population aux actions engagées. Mais elle reste insuffisante si elle n’est pas jointe à une démarche politique plus globale de lutte contre le système qui freine des quatre fers ces travaux pour le futur.

Sylvie Mayer est responsable du PCF à l’Économie sociale et solidaire.

Cause commune n° 33 • mars/avril 2023