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Si le nombre de morts a été limité dans les prisons, les effets anxiogènes de la pandémie ont été nombreux dans une administration dont les moyens financiers et en personnel sont insuffisants.

L’épidémie de la covid-19 a eu un retentissement considérable dans notre société. Cette pandémie a causé la mort de milliers de personnes en France et nous en déplorons encore car le virus circule toujours. Seul un vaccin pourra endiguer la contagion. En mars dernier, pour éviter une propagation rapide de ce virus, le gouvernement a été obligé de confiner les Français pour limiter le nombre de morts et prévenir une saturation des hôpitaux. Ce confinement n’a pas été sans conséquences et le monde carcéral n’a pas échappé à ce « double confinement ».
Les établissements et structures pénitentiaires ont été contraints de modifier leur fonctionnement et les conditions de travail ont été affectées. En effet, avant même la décision de confinement, la tension était palpable. Le manque de matériels (masques chirurgicaux, gels hydroalcooliques, blouses, gants) au sein des services hospitaliers a exposé les personnels du service public, l’administration pénitentiaire n’échappant pas à la règle. Même si les scientifiques indiquaient que le virus se répand plus facilement dans les milieux confinés, ce qui est le cas des prisons, les personnels pénitentiaires n’ont pas eu le matériel nécessaire pour se protéger et protéger les personnes détenues ; le risque de contamination ne pouvait venir que des personnels pénitentiaires puisque, dès l’annonce du confinement, les accès aux établissements pénitentiaires étaient suspendus : parloirs familles, intervenants extérieurs cultuels et culturels, concessionnaires, formateurs, enseignants, etc.

« Malheureusement, avec le déconfinement et la reprise de l’activité judiciaire, les incarcérations ont repris de plus belle. »

Un climat délétère
Cette décision de confinement a été à l’origine d’émeutes, d’incendies, de refus de réintégrer la cellule, dans plusieurs établissements, en signe de contestation, en particulier à cause de la fermeture des parloirs. Pourquoi ? Tout simplement du fait que les parloirs sont un passage de produits interdits et illicites entre les familles et les personnes détenues. Le mécontentement s’est également fait ressentir auprès des personnels qui ne disposaient pas de masques de protection et étaient pris à partie par une population pénale vindicative, les accusant même d’être des assassins, des meurtriers, au prétexte que les agents diffusaient le virus, puisqu’ils étaient les seuls à sortir et entrer dans les établissements. C’est pourquoi la CGT Pénitentiaire a décidé de porter plainte auprès de la cour de justice de la République contre Nicole Belloubet, garde des Sceaux, et contre Édouard Philippe, Premier ministre à l’époque. Cette plainte a été considérée comme recevable parmi plus de quatre-vingts. L’instruction suit son cours à l’heure actuelle. Il a fallu attendre la fin du premier confinement, en mai, pour que l’ensemble des agents bénéficie d’un masque de protection.
Les pratiques professionnelles ont également été mises entre parenthèses durant le confinement puisque les gestes barrières étaient une consigne nationale. En effet, les fouilles de cellules, les fouilles par palpation, les fouilles à corps, le sondage des barreaux, etc., n’étaient effectuées qu’en cas d’extrême suspicion ou en fonction du profil du détenu. La sécurité des établissements s’est affaiblie, c’est certain.

« Il a fallu attendre la fin du premier confinement, en mai, pour que l’ensemble des agents bénéficie d’un masque de protection. »

Une gestion improvisée 
Durant les deux confinements, plusieurs cas positifs ont été détectés parmi les personnels mais également dans la population pénale. Trois morts sont à déplorer : celles d’un surveillant et de deux détenus. Vu le contexte sanitaire, le manque de protection et la surpopulation pénale, le bilan aurait pu être plus lourd. On peut dire que la chance a souri à l’administration pénitentiaire. Des quartiers spécifiques covid-19 ont dû être mis en place pour isoler les détenus positifs ou asymptomatiques. La crainte était plutôt de savoir s’il ne fallait pas isoler les détenus sains, étant donné la vitesse à laquelle le virus se propageait. La CGT Pénitentiaire a revendiqué un décret de grâce auprès du président de la République pour alléger les détentions. Nous avons été entendus. Plus de seize mille détenus ont pu bénéficier de cette mesure. Il faut reconnaître que ces « libérations » ont permis de soulager à la fois les conditions de travail des uns et de détention des autres. Malheureusement, avec le déconfinement et la reprise de l’activité judiciaire, les incarcérations ont repris de plus belle.
Au moment du déconfinement, des mesures supplémentaires ont été prises en vue d’une reprise d’un fonctionnement classique d’un établissement pénitentiaire, comme la pose de plexiglas dans les parloirs familles pour interdire les contacts physiques, le port obligatoire du masque pour les familles, les concessionnaires, les enseignants, les aumôniers, etc. Les activités cultuelles et culturelles ont repris par petits groupes. Les unités de vie familiale sont toujours suspendues. Depuis le second confinement, les détenus doivent porter un masque dès qu’ils quittent leur cellule. Cette obligation n’est pas toujours bien respectée et crée de nouveaux conflits avec les personnels.

« La CGT Pénitentiaire a revendiqué un décret de grâce auprès du président de la République pour alléger les détentions. Plus de seize mille détenus ont pu bénéficier de cette mesure. »

Le télétravail favorisé et souhaité par le gouvernement n’est que très peu réalisable au sein de l’administration pénitentiaire hormis à l’administration centrale et dans les sièges des directions interrégionales. Le télétravail est impossible pour les agents au contact de la population pénale, donc pour les personnels de surveillance et pour les conseillers d’insertion et de probation. Même pour celles et ceux qui ont pu en bénéficier, les personnels administratifs principalement, le matériel a fait cruellement défaut.
La covid-19 aura mis en exergue l’incapacité de l’administration à protéger ses personnels. Notre administration a eu des difficultés à appliquer les mesures liées aux gardes d’enfant, aux personnes vulnérables, aux locaux exigus, etc. On ne peut pas dire que le ministère de la Justice aura été un bon élève dans la gestion de la crise sanitaire et dans la gestion de ses personnels.

Samuel Gauthier est secrétaire général du syndicat CGT Pénitentiaire.

Cause commune n° 21 • janvier/février 2021