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Nous explorons avec Pauline Perrenot les thématiques abordées dans son dernier ouvrage, Les Médias contre la gauche (Agone, 2023) au regard de la séquence électorale que nous venons de vivre. L’autrice et journaliste nous offre une analyse incisive des dynamiques médiatiques et de l’ostracisme, voire de la diabolisation des discours progressistes au profit d’une normalisation et d’une promotion de ceux d’extrême droite, et appelle l’ensemble des forces de gauche à politiser davantage les questions médiatiques.

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Entretien avec Pauline Perrenot (ACRIMED)

Propos recueillis par Élodie Lebeau-Fernández

CC : Le titre de votre ouvrage, Les médias contre la gauche, s’inspire directement du livre de Michael Scott Christofferson, Les intellectuels contre la gauche, (Agone, 2014) que vous citez dans votre introduction. Pourquoi ce choix ? Quelles filiations pouvons-nous tisser entre la médiatisation des Nouveaux philosophes dans les années 1970-1980 – qui a notamment participé à discréditer le marxisme et imposer de nouvelles manières de rythmer les débats télévisuels – et les nouveaux agents de la désinformation ?

Pauline Perrenot : Quand on a réfléchi au titre, il n'y avait pas du tout de volonté de filiation spécifique par rapport à Michael Scott Christofferson. Cet ouvrage couvre le premier quinquennat Macron. La formule « les médias contre la gauche » – qui décrit bien les grandes tendances que nous avons mises en valeur dans le livre – est plutôt un clin d'œil au livre précédent Les médias contre la rue (Adespote, 2021) qui s'attachait à revenir sur la façon dont les médias dominants, ces vingt-cinq dernières années, ont participé à la démobilisation sociale en traitant par la déformation les mouvements sociaux, quels qu'ils soient (économiques et sociaux particulièrement autour des retraites, mouvements antiracistes ou écologistes, etc.).

On peut toutefois faire des filiations. D’une part, parce que les Nouveaux philosophes (NP) qui étaient BHL, Pascal Bruckner, Alain Finkelkraut, et d’autres, sont toujours très présents dans les grands médias aujourd'hui. Ils continuent de jouer un rôle important dans la diabolisation de la gauche, particulièrement de la France insoumise.

Le deuxième point sur lequel il faut insister, c’est que les héritiers les plus directs des NP, avec des figures comme Raphaël Enthoven ou Caroline Fourest, c’est le Printemps républicain, qui est un dérivé du Parti socialiste. Ils collaborent tous grosso modo au journal Franc-Tireur, un journal largement légitimé et repris par les grands médias, en dépit, ou plus précisément, en raison de son caractère littéralement indigent. Enthoven, Fourest, Richard Malka n'ont pas eu un petit rôle dans la campagne contre les prétendus « islamogauchistes » qui a fait suite à l’horrible assassinat de Samuel Paty et qui a ensuite été relayée dans le champ universitaire. Ils étaient énormément présents dans les médias et se faisaient le relais de tout un tas d'accusations sans contradiction au mépris de la déontologie et du pluralisme.

« Une orientation économique, pour peu qu’elle s’écarte un tant soit peu du chemin néolibéral, reçoit des accusations en irréalisme si ce n’est en faillite totale. »

Il y a donc des permanences et il y a des différences. Disons que les permanences entre ces courants, c'est que toutes ces personnes sont littéralement consacrées par le champ journalistique alors qu'elles sont, en miroir, absolument déconsidérées dans le milieu intellectuel et dans le champ universitaire. En outre, pour une partie d'entre eux, ils se servent des médias comme moyen de contourner les hiérarchies et les codes du champ universitaire. Ce point est fondamental. C’est tout ce que développait Pierre Bourdieu sur les influences des médias dans le champ universitaire, comment tout ça interagit et rebat les cartes. Cette analyse n'a pas pris une ride !

Le constat s’est même aggravé en raison de la structuration du débat public. Il y a eu le développement des chaînes d'information en continu, la démultiplication des espaces de pseudo-débat qui n'en sont pas, avec des dispositifs qui ne permettent pas du tout le débat intellectuel... On assiste à la fois à un triomphe de ces personnalités – qui sont en réalité des « fast-thinkers » (penseurs rapides), pour reprendre l'expression de Bourdieu – valorisées dans les médias parce qu'elles sont dans l'air du temps idéologiquement, et qu’elles partagent un certain nombre d'obsessions réactionnaires, notamment islamophobes. Elles ont tous les codes des bons clients. A contrario les dispositifs médiatiques marginalisent toutes les personnalités en capacité, dans le champ intellectuel et universitaire, d’intervenir et d’apporter des contradictions étayées, aux thèses sécuritaires, xénophobes, réactionnaires, etc.

ELF : Dans votre ouvrage, vous soulignez qu’il existe différents types de journalisme qui donnent la primauté aux discours officiels sans volonté réelle de les questionner. Certains journalistes considèrent même que leur rôle principal est d’être garant de l’ordre social face aux « chaos » que pourraient représenter les mouvements sociaux comme les gilets jaunes. Pouvez-vous préciser ces concepts ? Comment expliquez-vous cette crise de l'éthique journalistique et ce phénomène des « nouveaux chiens de garde » (Serge Halimi) ?

PP : Le « journalisme de cour » est le premier point qu'on développe. Il reflète le suivisme assez important des médias dominants et des chefferies éditoriales, à la fois sur l'agenda et aussi sur le positionnement du pouvoir politique. C'est vraiment loin d'être une nouveauté, mais il est important de commencer par là, compte tenu du rôle, en théorie, de « contre-pouvoir » que sont censés incarner les médias dans l'espace démocratique. Des médias dominants, que ce soit en 2017 ou en 2022, ont littéralement fait campagne pour Emmanuel Macron, car il incarnait l’ordre néolibéral tant promu par les chefferies médiatiques. Presse quotidienne nationale, presse régionale, télévision et radio confondues ! Les médias ne font pas les candidats, et font encore moins l'élection, mais disons qu'ils ont contribué à imposer Emmanuel Macron comme une, voire la, personnalité centrale du débat public. Ces moindres faits et gestes faisaient l’actualité. À la suite de l’élection présidentielle, il y a eu une permanence de ce suivisme et de ce journalisme de cour à l'égard d'Emmanuel Macron, qui s'est traduit par un service après-vente de nombre des réformes que ces gouvernements successifs ont engagées, dans la vaste tradition d'accompagnement des politiques néolibérales depuis quarante ans.

Le deuxième point sur lequel on a insisté, c'est évidemment le « journalisme de dédiabolisation ». Que ce soit par militantisme pour un certain nombre de médias, ou que ce soit fait de manière plus inconsciente à travers un ensemble de pratiques et routines professionnelles, les médias dominants ont largement contribué à dédiaboliser le Rassemblement national et plus largement à crédibiliser les idées d'extrême droite et un certain nombre de leurs têtes d'affiche. Aujourd’hui, le processus de banalisation de l’extrême droite est largement abouti dans les médias français, qualitativement ou même quantitativement. Comme l’a étudié le politiste Éric Darras en 2019, le rassemblement national a été le parti le plus médiatisé et le plus sollicité depuis la fin des années 1990 pour contrebalancer les discours à la fois du PS et de l'UMP, ex-RPR, et LR aujourd’hui. C’est tout à fait symptomatique. Il est donc important de revenir sur la responsabilité multiforme des médias dominants dans leur ensemble, dans cette banalisation, légitimation, normalisation, puis promotion de l'extrême droite sur le long terme, en faisant toujours une différence avec les médias Bolloré où il y a une propagande frontale assumée, une ligne éditoriale d'extrême droite très puissante, très violente. Tout se joue sur des plans différents, à des niveaux différents, avec des degrés d'intensité différents en fonction des rédactions.

« Tout un tas de préoccupations, d’intérêts, de conditions de travail, qui rythment le quotidien des classes les plus défavorisées ne sont pas abordés dans les médias. Cela témoigne aussi de leur invisibilisation. »

D’un point de vue beaucoup plus classique, maintenant, il y a le « journalisme de classe », qui renvoie à la permanence de la doxa néolibérale dans les médias dominants. Plus spécifiquement dans le secteur du journalisme économique et social où il y a des problèmes de pluralisme énormes. Les discours hétérodoxes, même vaguement redistributifs qui posent la question de la propriété, de la distribution, de la valeur ajoutée, de la part capital-travail, ont du mal à se faire entendre et à poser des alternatives à l'ordre capitaliste. Quand on voit la campagne proprement ahurissante qui a été menée dans les médias dominants contre le programme économique du Nouveau Front populaire, pourtant avalisé par des économistes et dans le champ universitaire on voit bien qu’une orientation économique, pour peu qu'elle s'écarte un tant soit peu du chemin néolibéral, reçoit des accusations en irréalisme si ce n'est en faillite totale. Le journalisme de classe se perçoit aussi dans la représentation sociologique et socioprofessionnelle que donnent à voir les médias dominants, qui ne sont évidemment pas du tout à l'image de la société en matière de classes sociales. Grâce aux analyses de l’ARCOM, on voit une surexposition des classes supérieures, au détriment des classes défavorisées, et plus spécifiquement des ouvriers. Tout un tas de préoccupations, d'intérêts, de conditions de travail, qui rythment le quotidien des classes les plus défavorisées ne sont donc pas abordés dans les médias. Cela témoigne aussi de leur invisibilisation.

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Le site d'Action critique médias : www.acrimed.org

Le « journalisme de préfecture », se traduit par un suivisme à l'égard des institutions policières et du discours qu'ils peuvent avoir, allant de pair avec la normalisation de l'extrême droite, et aussi par une surreprésentation de la police dans les grands médias, alors que les violences policières se sont exacerbées et, a fortiori, dans un moment où la conflictualité des mouvements sociaux s'intensifie. Les gilets jaunes ont été particulièrement révélateurs de cela avec des médias qui se positionnaient et s’assumaient comme des gardiens et des militants du rétablissement de l'ordre social. Il est extrêmement difficile d'avoir un débat contradictoire dans les médias sur les violences policières, mais aussi sur l'institution policière, ce qu'elle représente, ses pratiques, etc. Tout de suite c'est un barrage absolu de l'éditocratie. C’est très important à noter car il y a énormément de ramifications avec le traitement des quartiers populaires, avec des préjugés islamophobes, mais aussi tout un tas de caricatures et de méconnaissance du terrain. Ce qu'a très bien décrit Jérôme Berthaut, dans La banlieue du « 20 heures ». Ethnographie de la production d'un lieu commun journalistique (Agone, 2013), dont les analyses sont encore d’une grande actualité.

CC : Vous parlez de la nécessaire politisation des questions médiatiques à gauche pour être capable de contrer ce phénomène d’extrême-droitisation et faire entendre nos propositions sociales. Cela nécessiterait, selon vous, de réfléchir collectivement aux conditions d’intervention et d’expression des forces de gauche dans les médias dominants, parallèlement au développement d’une presse indépendante, et à la défense et au renforcement des médias du « tiers-secteur ». Pouvez-vous expliciter ces grands axes ?

PP : Pour nous, la politisation des questions médiatiques à gauche c’est vraiment un problème central. C'est une préoccupation qui se trouve dans l’ADN même d’ACRIMED depuis la fondation de l'association, en 1996, avec une revendication de réappropriation démocratique des médias dominants. Évidemment, tout un pan de notre travail consiste en une critique de la marchandisation de l'information et de la culture, de la concentration, de la financiarisation des médias. On ne peut pas enlever de la critique et de la compréhension de ce qui se joue actuellement en matière de droitisation du débat public, le fait que les médias dominants soient gouvernés par des chefferies éditoriales qui sont sociologiquement solidaires des intérêts des classes dirigeantes et de leurs actionnaires.

« La question de la propriété des médias est la colonne vertébrale des revendications historiques de la gauche. »

Mais il ne s’agit pas d’en rester à ce constat-là, il faut porter des perspectives de transformation sociales à gauche. La question de la propriété des médias est la colonne vertébrale des revendications historiques de la gauche, que nous défendons. C’est-à-dire celles portées par le Conseil national de la résistance qui interdisait aux industriels dont les activités économiques dépendaient de commandes publiques, de posséder des médias, et qui stipulait qu’une personne ne pouvait pas posséder plusieurs titres de presse. On pourrait aussi redéfinir des seuils de concentration, par exemple. Il y a énormément de propositions à discuter, notamment la création d’un Conseil national des médias qui devrait assurer un rôle d'autorité et de régulation de l'audiovisuel, rôle qui incombe normalement à l'ARCOM mais qui n’est pas vraiment endossé aujourd’hui. Ce conseil ne serait pas composé uniquement de journalistes d'ailleurs, les usagers des médias pourraient y avoir une représentation importante. L'idée c'est surtout de mettre à distance les éditeurs et les représentants des actionnaires dans ces instances-là pour ne pas fausser les rapports de pouvoirs.

Parmi les autres propositions, nous partageons aussi une vieille revendication des organisations et des syndicats de journalistes, qui est la reconnaissance d'un statut juridique des rédactions, c’est-à-dire la possibilité pour les journalistes de s'opposer réellement à leur direction éditoriale, à leur chef, que ce soit en matière d'orientation éditoriale ou de politiques internes aux médias dans lesquels ils se trouvent. Cela passe par des droits d'agréments, nous plaidons aussi pour le droit de révocation, et on pourrait même aller plus loin en faisant en sorte que les journalistes élisent eux-mêmes leurs hiérarchies et que cela ne passe plus du tout par les actionnaires.

La question des médias n’est pas qu’une question de droit à l’information, ce n’est pas qu'une question de journalistes, elle doit être appropriée par tout le monde. Beaucoup de personnes ont pris la mesure du pouvoir de nuisance que les médias pouvaient avoir et des effets de saturation énormes de ce qu’on appelle aujourd’hui « l'information », qui est devenue de la propagande sans limite, de tous les instants, et bien au-delà des médias Bolloré. Pourquoi a-t-on des chaînes d'information en continu aussi nombreuses en France ? Cela n’a pas toujours été le cas ! Ces chaînes ont des effets absolument délétères sur le reste des médias dominants… Autre question, les sondages ? On ne devrait plus, à ACRIMED, avoir encore à faire la démonstration du pouvoir de nuisance que le duo médias/sondages fait au débat public et au champ politique. Il faut réfléchir à des propositions pour tirer vers le haut le débat public, et cela doit se faire de manière unitaire, avec toutes les organisations de gauche (politique associative, intellectuelle syndicale) qui se posent vraiment la question de l'émancipation et de la transformation sociale.

« La création d’un Conseil national des médias devrait assurer un rôle d’autorité et de régulation de l’audiovisuel. »

La défense des services publics et des médias indépendants est centrale. Chez ACRIMED, nous avons toujours plaidé pour la défense et le soutien par quelques formes que ce soit (financière mais aussi humaine), des médias indépendants qui sont vraiment le visage du pluralisme aujourd'hui, qu’il s’agisse d'agenda, de choix de sujets, d'angles avec lesquels on traite les actualités (etc.), avec une vraie représentation du champ universitaire.

Il n’est pas du tout contradictoire de formuler des critiques sur la production de l'information, sur la manière dont se structure le service public, tout en défendant le service public. En réalité, la critique nous permet des points d’appuis vers ce qu'on pourrait faire de mieux. Il est important de tenir tous les bouts. Quand on parle d'un grand « tiers-secteur » de l'information et de la culture, nous défendons l’idée d’un pôle qui regrouperait, à la fois, un service public renforcé et amélioré, et puis, des médias indépendants auxquels pourraient être reversées par ailleurs les aides à la presse. Cette question mériterait d’être revue sérieusement avec une redistribution égalitaire réservée à des médias qui ne sont pas possédés par des milliardaires.

Politiser la question médiatique, c’est aussi se poser la question du rapport qu'on a aux médias dans nos organisations de gauche, et donc réfléchir à nos conditions d'intervention dans ces dispositifs : dans quel cadre on s'inscrit ? Face à qui on va on va intervenir ? De quelles façons pouvons-nous être instrumentalisés par les éditorialistes et les rédactions, etc. ? Il faut avoir conscience du rapport de force tel qu'il est à l'intérieur des médias aujourd’hui et du rôle – souvent de caution – qu'on joue dans ces dispositifs. Un point de vue contradictoire est bien entendu important mais ce n’est pas nous qui décidons des thématiques qui vont être abordées. L’autre son de cloche qu’on va porter est absolument noyé dans un bruit médiatique hégémonique, droitier, porté par des courants réactionnaires très puissants. Il se passe la même chose avec les mouvements sociaux : les médias dominants ont une capacité à sélectionner des porte-parole, à imposer une représentation à un mouvement social qui n'est pas celle que se serait donnée, en toute autonomie, le groupe militant ou le mouvement social lui-même. Comprendre tous ces mécanismes par lesquels les médias agissent politiquement, de manière volontaire ou non, est nécessaire pour savoir où on met les pieds, à quoi on participe, et comment on peut enrayer les dérives dans lesquelles on se fait très facilement entraîner.

CC : Pour terminer quelles conclusions tirez-vous, à ACRIMED, de la séquence médiatique que nous venons de vivre dans le cadre des élections législatives anticipées ?

PP : On a été littéralement effarés par ce qui s'est passé ces trois dernières semaines… je dirais même plus, depuis neuf mois, avec l'ampleur de la violence de la campagne contre la gauche qui s’est cristallisée dans la question palestinienne. C'est vraiment important de le poser et de l'argumenter comme ça parce que les accusations en « délire économique », en « programme irréaliste », ce sont des leitmotivs qui existent depuis très longtemps, mais une accusation d'antisémitisme contre un mouvement politique entier et, a fortiori, contre des personnalités comme Jean-Luc Mélenchon ou plusieurs députés de la France insoumise, c'est proprement ahurissant ! Ces calomnies ont été réitérées avec une intensité rare sur une surface très large du paysage médiatique, dans la presque totalité des médias dominants (presse écrite, radio, télévision), et donc pas seulement dans les médias d'extrême droite ! C'est du jamais vu, on n'a jamais assisté à une campagne d'une telle violence. Beaucoup ont pris la mesure du problème et cela se traduit aujourd'hui par des appels, venus d’un peu partout, de personnalités politiques mais aussi des syndicats, des associations, d'autres collectifs, pour échanger collectivement autour de la question médiatique. Chacun a pu mesurer l'ampleur de ce qui s'est passé avec ce double mouvement de diabolisation de la gauche, d’un côté, et de normalisation de l'extrême droite, de l’autre – ce sont les deux faces d’une même monnaie. Le débat public se trouve dans un état de pourrissement vraiment critique.

« Un grand « tiers-secteur » de l’information et de la culture correspond à un pôle qui regrouperait, à la fois, un service public renforcé et amélioré, des médias indépendants auxquels pourraient être reversées par ailleurs les aides à la presse. »

Au lieu de documenter ce qui est avancé par les défenseurs de la cause palestinienne, en termes de droit international notamment, les chefferies médiatiques inventent des sous-entendus, des pseudos visées stratégiques et électoralistes. Ce mode de traitement de l’information s'est complètement normalisé dans les médias et il véhicule des manières de pensée et des modes de représentation littéralement confusionnistes du monde social et politique, si ce n'est complotiste. Car oui, quand on s'attelle à faire de l'information – ce qui devrait quand même être le rôle des journalistes – on documente ce que revendique un parti politique, un syndicat ou un collectif comme les étudiants de Sciences Po qui se sont mobilisés en avril dernier ; on ne s'acharne pas contre eux à coups de parti pris et de suppositions. En agissant de la sorte, ces chefferies médiatiques organisent la désinformation de masse. À force de détourner systématiquement le langage, les citoyens n’ont plus les clés pour comprendre. Plus rien n'a de sens, on assiste à une inversion totale des valeurs. C’est comme cela que fonctionne désormais le commentariat politique dominant… Dans ces conditions, c'est hyper-difficile d'intervenir médiatiquement. C'est la question même des conditions de possibilité d'un discours de gauche un tant soit peu radical qui nous est posé à tous.

Pauline Perrenot est membre de la rédaction et co-animatrice d’ACRIMED.

Cause commune 40 • septembre/octobre 2024