Par

L’étude de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, ex-CSA) dresse un état des lieux sur le rapport que les Français entretiennent avec l’information et les journalistes, afin de savoir comment ils s’informent, comment ils choisissent leurs sources d’information, et enfin quelle image ils ont des médias et des journalistes.

par Patrick Kamenka

L’étude de l’Arcom vient à point nommé pour éclairer les lanternes des citoyens sur le rôle des médias, le poids de l’information pour permettre aux Français de se faire une opinion en connaissance de cause, alors que la menace de l’extrême droite se fait de plus en plus pressante. Aux portes du pouvoir, le RN a déjà annoncé qu’il privatiserait l’audiovisuel public en cas de victoire électorale.
Le règne d’Emmanuel Macron a ouvert les vannes, lorsque celui-ci a qualifié l’audiovisuel public de « honte de la République », puis a laissé dépérir ces médias publics, en permettant sans coup férir aux milliardaires de s’emparer des médias et des sphères culturelles. En caporalisant le rapport avec les journalistes et medias jugés non orthodoxes, en étrillant la liberté d’expression. Le limogeage de l’humoriste Guillaume Meurice par la direction de Radio France en est le dernier avatar, tandis que dans la foulée nombre d’émissions voient leur avenir mis en cause par le fait du prince et de sa cour. Globalement, le pluralisme médiatique est en lambeaux avec les concentrations, le poids grandissant des réseaux sociaux, véhicules à la fois de fakes news et d’informations non certifiées. Rien n’a été entrepris par le pouvoir pour contrer le rôle des plateformes (en l’occurrence celui des GAFAM d’outre-Atlantique) et le jeu mortifère des algorithmes sur le fond des informations.

Le rapport des Français à l’information
Le document de l'Arcom est composé de quatre chapitres :
• Intérêt et goût pour l’information
• Sources et attention aux sources
• Connaissance et perception des réseaux sociaux
• Image des médias et des journalistes.

L’étude montre que, contrairement aux idées reçues, les Français se déclarent très majoritairement (94 %) intéressés par l’information. Ceux qui sont d’un avis contraire se recrutent parmi les inactifs et les jeunes (11% des 15-19 ans) perméables aux thèses complotistes. Et là encore, à l’opposé des schémas tout faits, l’étude établit que 94 % des Français s’informent quotidiennement. Ceux qui ne partagent pas cette démarche, déclarent avoir peu confiance dans les institutions (en règle générale, selon l’étude, ce sont des adolescents ou des personnes au faible niveau d’éducation).

« Les journalistes à l’encontre des idées généralement reçues, sont perçus comme une garantie de fiabilité face aux réseaux sociaux et aux fakes news (98 %). »

Les Français qui s’intéressent à l’information disent le faire pour mieux comprendre le monde dans sa complexité (44 %) et garder le lien social (37 %) dans une démarche proactive de rechercher l’information.
Dans un contexte de diffusion large, de gratuité de l’information, seul un bon tiers (39 %) des personnes sondées sont prêtes à payer en achetant des journaux ou des magazines. Les plus âgés souscrivent à des abonnements papier (13 %), tandis que les plus jeunes prennent des abonnements numériques. Quant au traitement de l’information, les Français sont favorables à une présentation neutre et factuelle (64 %) et souhaitent une mise en perspective (54 %) des sujets traités. Les jeunes générations s’informant plus via les réseaux sociaux.

Les sources d’information
Les personnes sondées affirment que la télévision et la radio restent leur premier mode d’accès (80 %). Sur ce total, 66 % s’y informent au moins une fois par jour, dont 51 % par la radio. 79 % regardent régulièrement un journal télévisé, tandis que 61 % s’informent sur les chaînes d’information en continu. Ici encore les certitudes généralement affichées concernant les jeunes générations sont bouleversées puisque le sondage indique que 46 % des 15-19 ans regardent au moins une fois par jour la télévision, même si le mode d’accès au petit écran diffère : 14 % de ceux qui regardent la TV sur smartphone sont pour la moitié des moins de 34 ans.

Les réseaux sociaux
Toutefois, l’étude montre qu’à côté des médias traditionnels, les réseaux sociaux et plateformes vidéo prennent de plus en plus d’importance. Ainsi, un Français sur deux s’informe quotidiennement sur les réseaux et plateformes vidéo en ligne, avec une nuance de taille pour les jeunes générations (15-34 ans) qui puisent l’information exclusivement sur les réseaux sociaux et se disent peu enclins à payer pour s’informer.
Dans ce contexte, 47 % des Français qui surfent au quotidien sur les réseaux sociaux, affirment y trouver une offre ajustée à leurs besoins et 34% estiment même y trouver des informations qu’ils n’ont pas ailleurs. Toutefois, les Français ne sont pas dupes des contenus : 92 % disent que ces réseaux diffusent à la fois des informations vraies et fausses. Ils se disent conscients du rôle des algorithmes qu’ils soupçonnent de trier l’information. D’ailleurs, 55% de ceux qui consultent les réseaux sociaux craignent d’être victimes de fake news.

« Les journalistes à l’encontre des idées généralement reçues, sont perçus comme une garantie de fiabilité face aux réseaux sociaux et aux fakes news (98 %). »

Globalement, les habitudes des Français pour s’informer changent, avec une montée des outils numériques. 86 % des sondés regardent le petit écran en linéaire et 14 % sur support numérique. De même pour la radio, 68 % en direct et 32 % en numérique. Pour la presse, la lecture numérique est désormais supérieure à celle sur papier : 56 % contre 44%.

Le rôle des journalistes
53 % des Français préfèrent que leurs informations soient sélectionnées par des journalistes plutôt que par des algorithmes (retraités, CSP+). 16 % ne sont pas de l’avis majoritaire, car ils n’ont pas confiance dans les institutions (23 %), ce sont des jeunes de 18-24 ans (21 %), perméables aux thèses complotistes (25 %).
Les Français reconnaissent aux médias une influence dans la formation de leur opinion, signe d’une forte légitimité (76 % pour la radio, TV, presse contre 37 % pour les réseaux sociaux). Toutefois, l’étude relève qu’en dépit de cette légitimité 48 % doutent de la fiabilité des informations provenant des médias ! Si seule une petite majorité des Français (52 %) a une bonne image des journalistes, ils ne sont pas dupes et estiment que cette profession (53 %) défend la pensée dominante, qu’elle est menacée par l’interférence du pouvoir politique et économique (51 %), par les pressions des propriétaires des médias (47 %) et des liens avec le pouvoir (37 %). Néanmoins, les attentes des Français envers les journalistes sont très fortes, leurs missions sont considérées comme importantes sinon indispensables par 90% des personnes interrogées. Les journalistes, là encore à l’encontre des idées généralement reçues, sont perçus comme une garantie de fiabilité face aux réseaux sociaux et aux fakes news (98 %).

Une contradiction pour de nouvelles perspectives politiques
Cette étude vient contredire bien des lieux communs, notamment sur l’antienne des tenants du système ressassant à satiété le fait que les Français et notamment les jeunes générations ne s’intéresseraient pas à l’information.
Ceci induit que pour gagner la bataille des idées face à l’extrême droite (RN, Reconquête, etc.) et aux dogmes du néolibéralisme (macronie), le Nouveau Front populaire doit relancer urgemment les principes contenus dans les ordonnances de 1944 sur la presse du programme du Conseil national de la Résistance : à savoir libérer les médias des puissances d’argent.  

Patrick Kamenka est coordinateur de la commission Médias du PCF.

Cause commune 40 • septembre/octobre 2024