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Le PCF est un des fondateurs et un des partis les plus actifs au sein du PGE. Pour la majorité des gens, même engagés à gauche, le PGE est peu connu, mystérieux, voire considéré comme anecdotique. Quelle organisation et surtout quelle stratégie se trouvent exactement derrière ce sigle ?

Qu’est-ce que le Parti de la gauche européenne ?
Le PGE, c’est trente-deux partis membres et une dizaine de partis observateurs, de vingt-six pays européens, membres de l’Union européenne ou non (comme le Parti communiste moldave ou le Parti du travail suisse). Parmi eux, des partis communistes ; d’autres qui viennent de la social-démocratie mais ont rompu avec celle-ci, hybrides comme Die Linke ; des partis écologistes, notamment des pays d’Europe du Nord ; des organisations assez récentes, comme Syriza, qui n’est ni communiste ni social-démocrate. Son instance décisionnelle est le congrès, qui se réunit tous les trois ans pour décider des grandes orientations (entre chaque congrès, c’est l’assemblée générale, composée des membres du bureau exécutif et des membres du conseil des présidents, réunis une fois par an, qui joue ce rôle). Celles-ci sont ensuite mises en application par le bureau exécutif, composé de deux représentants par parti. Le conseil des présidents, qui regroupe ceux de tous les partis membres ainsi que le président (Georg Gysi, de Die Linke) et les quatre vice-présidentes et présidents, dont Pierre Laurent. Une dizaine de partis en constitue le secrétariat politique. En ce moment, le travail se concentre autour de l’élaboration d’une plate-forme commune pour les élections européennes.

« Le PGE, c'est trente-deux partis membres et une dizaine de partis observateurs, de vingt-six pays européens, membres de l'Union européenne ou non. »

À quoi sert le PGE ?
Pendant longtemps le PGE a surtout constitué une plate-forme d’échange et de partage d’informations sur la situation des différents pays de l’Europe. Depuis la présidence de Pierre Laurent, le PGE s’est orienté vers l’action et la construction de campagnes communes au niveau européen, par exemple contre la mise en cause de l’IVG et pour la défense du droit à avorter pour toutes les femmes européennes, ou encore en portant, par le biais de l’initiative citoyenne européenne, en lien avec le monde du travail, la proposition de création d’une banque publique de développement, revendication qui n’a pas pu aboutir, puisque la commission européenne a coupé court à la procédure en refusant de l’enregistrer. Le PGE se veut ainsi la colonne vertébrale d’une union très large, allant au-delà de la gauche. De telles campagnes sont aujourd’hui conçues dans des forums européens, qui réunissent tous les ans les forces politiques du PGE, de la GUE-NGL (le groupe au parlement), de syndicats, d’ONG : cent vingt organisations se sont ainsi rassemblées à Bilbao cette année, soit vingt de plus qu’à Marseille l’année dernière, ce qui est un succès, vu les volontés de division mises en œuvre, entre autres par la France insoumise, qui cherche à faire éclater le PGE pour créer un autre parti. Le travail commun entrepris depuis des années avec les différents partis, les relations de confiance ainsi nouées ont permis de conserver un PGE uni.

Quel est le lien entre la GUE (Gauche unitaire européenne) - NGL (Gauche verte nordique) et le PGE ?
La GUE-NGL a précédé le PGE. Elle a été créée sous l’impulsion de Francis Wurtz avec des élus au parlement européen de différentes forces : des partis communistes, d’autres partis comme Die Linke. En 2004, la création du PGE a répondu à la nécessité d’approfondir cette coopération sur l’ensemble de Europe.

Quel est le programme porté par le PGE ? De quels moyens dispose-t-il pour obtenir son application ?
Notre programme repose sur quatre axes, qui ont été développés dans la déclaration de Bilbao, début novembre 2018 : la réorientation des immenses richesses créées en Europe pour un nouveau modèle de développement social et écologique ; la défense et la promotion de l’égalité femmes-hommes ; la paix et la sécurité collective ; la démocratie et le respect de la souveraineté populaire. Le PGE ne pratique pas le lobbying institutionnel ; il privilégie plutôt la mise en œuvre de campagnes, avec la production d’un matériel commun, il est un support pour les campagnes électorales. Il permet ainsi de faire apparaître une force nouvelle au sein de l’opposition, cassant ainsi l’image présentée par M. Macron, où tout se réduirait à un vis-à-vis entre libéraux et extrême droite. Pour ce faire, le PGE articule différents niveaux, européen et nationaux ; la construction des rapports de forces, le travail avec les syndicats et les ONG se fait logiquement d’abord à l’échelle nationale : il fonctionne finalement comme ce qu’il revendique pour l’Union européenne elle-même : une union d’acteurs souverains et librement associés !

Participer au travail mené par le PGE, qu’est-ce que cela représente pour le PCF ?
Le PGE représente un échelon indispensable pour les luttes et les solidarités internationales. À ce niveau, le rapport de forces est tellement en défaveur des travailleurs que l’enjeu de rassemblement prime. Le PCF, qui a toujours porté la culture de rassemblement sur la base de contenus, en est un parti carrefour.

Comment les représentants du PCF au sein du PGE informent-ils les communistes des campagnes et travaux de la GUE ?
Nous invitons des représentants des partis membres du PGE, pour qu’ils parlent de la situation dans leur pays. Nous faisons aussi partie du secteur Europe du PCF, qui a son activité propre, notamment pour tout ce qui concerne la politique européenne de la France. Nous produisons surtout des documents adressés au conseil national du PCF pour diffusion, lorsque de gros sujets interviennent dans le débat politique, comme c’est le cas pour la situation en Grèce, pour le Brexit. De même, nous incitons le PCF à envoyer des camarades aux universités d’été du PGE, ce qui est une des meilleures façons de lutter contre les fantasmes qui peuvent être développés à son sujet ! Enfin, nous faisons le tour des fédérations qui nous le demandent, sans taire aucun débat.

Quelle est l’action du PGE au niveau international ?
Des coopérations structurées, permanentes, existent entre le PGE et deux régions du monde, l’Amérique du Sud et le Proche-Orient, Maghreb inclus ; elles se manifestent par des rencontres annuelles, des séminaires politiques, respectivement autour du forum de São Paolo (FSP), et de la Gauche méditerranéenne. Récemment, un autre espace a été créé, à la suite de l’appel de Bernie Sanders à réunir les progressistes, une « alliance des 99 % » en Europe, aux États-Unis et au Canada, contre le nouvel axe autoritaire, porté entre autres par Donald Trump. Des coopérations doivent être nouées avec toutes les régions du monde ; cela permet de reconstruire un réseau de forces de gauche, pour nourrir leur contenu et renforcer la visibilité de leurs luttes et de leurs revendications. Le forum de São Paolo, qui a été la première de ces coopérations, a été très utile pour soutenir les politiques de gauche mises en œuvre en Amérique latine ; aujourd’hui, alors que la gauche perd électoralement, il permet de faire front face à une droite qui peut être libérale, réactionnaire, ou fasciste, comme au Brésil.

Anne Sabourin représente le PCF au sein du PGE.


EXTRAIT DE LA DÉCLARATION DE BILBAO

La démocratie et le respect de la souveraineté populaire

Une société démocratique est une société qui répond et protège les besoins de ses citoyens, ayant la capacité d'écouter et d'agir dans l'intérêt collectif.
C’est pourquoi nous considérons que le principal fondement qui définit l’Union européenne est la faiblesse de démocratie dans son fonctionnement. Les orientations néolibérales des traités sont imposées sans le consentement des peuples et parfois contre leur volonté. Par exemple, la BCE fonctionne sans aucun contrôle démocratique. Ceci est combiné à l'inter-gouvernementalisme asymétrique, aux politiques conduites par des majorités conservatrices et aux critères de certaines des institutions européennes, qui sont également une attaque contre la démocratie.
Ce qui domine en Europe, que l’on soit ou non dans l’Union européenne, ce n’est pas la coopération, c’est la mise en concurrence et l’autoritarisme.
Aujourd’hui, il y a même des pays pour revendiquer l’« illibéralisme », autrement dit le « libéralisme » sans la démocratie. Les forces réactionnaires et d'extrême droite doivent être combattues sans relâche et sans aucun compromis puisque le pluralisme et la démocratie sont des piliers essentiels pour les peuples européens et les nations.


Notre appel

Pour un autre avenir en Europe, le défi à relever est celui de savoir conjuguer le respect de la souveraineté populaire, la coopération entre les peuples et les nations ainsi que la mise en commun des ressources pour atteindre des objectifs sociaux et environnementaux partagés. Notre objectif est de lutter pour une Europe qui soit une démocratie pleinement coopérative, solidaire, égalitaire et socialement avancée. Nous appelons à renforcer la souveraineté populaire en lançant une nouvelle charte de la démocratie souveraine en Europe.

Cause commune n°9 • janvier/février 2019