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En écologie, les communistes ont aussi milité dans les associations. Comment l’associatif s’est conjugué avec le politique ?
Témoignage de Thierry Argant et Jeanine Horwat

Le Mouvement national de lutte pour l’environnement (MNLE) est formellement né en 1981, mais sa gestation remonte de fait de dix à quinze ans plus tôt. C’est d’abord une initiative de Camille Vallin, maire communiste de Givors depuis 1953, liée aux problèmes concrets de la vallée du Rhône en aval de Lyon : inondations, pollutions chimiques du fleuve, cancers dans les verreries, etc. D’ailleurs Camille Vallin avait monté un goupe de travail sur l’environnement au comité central dès 1966-1967 (voir La Revue du projet, n° 51, novembre 2015, p. 16-17). D’autres groupes se sont constitués progressivement, plus bas sur le fleuve, par exemple à Arles ; il fallait fédérer ces associations rhodaniennes. Un film documentaire, réalisé par Paul Carpita et Alain Pelosato, relate ces luttes.
Il s’agissait aussi de pousser les scientifiques à prendre conscience de ces problèmes et défis. Le but était de faire partager une vision de l’écologie politique qui soit plus rationnelle et moins limitée aux affects, d’insister sur le rôle du capitalisme. Le MNLE ne rejetait pas l’énergie nucléaire, contrairement à la plupart des mouvements écologistes (comme les Amis de la terre, avec lesquels les relations étaient mauvaises), il y avait d’ailleurs beaucoup d’électriciens dans l’association. Il a évolué sur ce point d’un « oui » à un « oui, mais ». Cela dit, les comités locaux du MNLE étaient très divers. Comme ils étaient créés à partir du concret, ils pouvaient être liés à la présence d’une entreprise polluante, à un contournement routier, etc.
Si on ne peut pas dire que le PCF ait noyauté le MNLE dans les années 1980, le mouvement a été souvent animé par des communistes à la « fibre écologique » qui ne trouvaient pas suffisante cette dimension dans l’activité du parti. Présents dans les fêtes du parti, il s’agissait aussi de faire évoluer le PCF où ces militants étaient vus comme bien gentils et sympathiques mais un peu anecdotiques. Le parti s’est plutôt déchargé de ces questions sur le MNLE. Si on peut a posteriori considérer cette position comme une erreur, elle a aussi permis une ouverture vers des personnalités qui n’étaient pas forcément prêtes à assumer l’ensemble de la politique du parti. L’association a ainsi compté dans ses membres fondateurs la militante écologiste Suzanne Pommies, Jean Ferrat, Léon Schwartzenberg, Vincent Labeyrie, Jean-Pierre Ramade (conservateur au Muséum d’histoire naturelle), ou encore Alphonse Véronèse (secrétaire confédéral de la CGT ). Un périodique, en général mensuel, Naturellement, a été et demeure toujours édité, relatant l’activité des associations membres et traitant de thèmes variés avec une approche toujours originale par rapport aux discours écologiques dominants. (Site internet http://www.reseauhommeetnature. mnle.fr)
à partir des années 1990, le MNLE a localement développé une approche pédagogique, l’éducation des enfants constituant un élément primordial pour faire évoluer les mentalités, il s’est dès lors professionnalisé, concentré sur l’éducation à l’environnement, dans les écoles et les centres aérés et parallèlement a développé une expertise synthétique sur toute une série de dossiers, des transports à l’eau et l’énergie et aux risques industriels, tout en maintenant dans certaines régions une activité revendicative de terrain.

Thierry Argant est archéologue et ancien militant du MNLE.
Jeanine Horwat est trésorière du MNLE.

Cause commune n° 14/15 • janvier/février 2020