Il met à disposition des communistes des éléments de connaissances sur l’état de la société française. C’est une invitation au débat.
Répondant à la feuille de route décidée au début de la préparation de notre congrès, le collectif Idées, regroupant entre autres des responsables des revues, s’est mis au travail pour répondre au mieux à la commande : quel est, à ce jour, l’état de la société française ?
Vaste sujet s’il en est, et sur lequel de grands instituts travaillent, des fondations, des établissements nationaux de recherche, des laboratoires, etc. Avec les moyens qui sont les nôtres, nous avons plus modestement choisi de lister quelques grandes questions (il y en a bien d’autres) et de fournir des éléments de réflexion afin de mieux les cerner.
« Les notes ne sont pas des thèses destinées à être amendées ou votées, elles sont des éléments de réflexion, des points d’appui, des entrées, des pistes.»
Les notes produites dans ce cahier ont été pour la plupart débattues au sein du collectif, leurs auteurs parfois auditionnés. Elles sont donc le fruit à la fois d’un travail individuel de chaque auteur et collectif par les échanges, débats et parfois réécritures ou précisions pour en faire des outils les plus sérieux possible au service du débat des communistes.
Elles ne sont pas des thèses destinées à être amendées ou votées, elles sont des éléments de réflexion, des points d’appui, des entrées, des pistes. Le collectif Idées poursuivra son travail dans cet esprit, avec des textes encore en cours de rédaction, prenant le temps de l’examen avec comme boussole, j’y insiste, le sérieux et l’utilité des productions.
La société française a connu de grandes périodes de mutations mais sa recomposition/décomposition se paie aujourd’hui au prix d’inégalités aggravées et de précarités nouvelles. Nous avons choisi de traiter en termes politiques et dans plusieurs notes ces inégalités car elles dessinent les contours d’une nouvelle société et cela non sans influer et conditionner fortement les comportements.
Ce que certains appellent le pacte républicain est terriblement mis à mal par le chômage de masse et l’aggravation des inégalités. En mesurons-nous assez les conséquences ? Quand des protections et des droits avaient permis de faire reculer ou de contenir pauvreté et précarité, la mondialisation capitaliste change aujourd’hui la donne et fait émerger une véritable insécurité sociale qui peut devenir la règle.
Dans le même esprit, alors que les penseurs du système nous annoncent la fin de la lutte des classes et la disparition des classes elles-mêmes, il y a un vrai retour dans le débat politique de cette question des classes sociales. Des réalités parfois tourmentées traversent la société française, selon la place des individus face au travail ou au sans-travail, selon les lieux d’habitat : ville, périurbain ou ruralité, ou encore suivant l’âge. Plusieurs notes abordent ces questions sous des angles différents : par le travail, par les mouvements de populations… pour tenter de cerner au plus près les conditions de la lutte de classe aujourd’hui et nous permettre d’y prendre appui dans notre action politique.
Vous trouverez dans ce cahier, encore en construction, et qui sera disponible très prochainement sur le site Internet du congrès et en version papier, des outils de réflexion et de débat sur une vingtaine de questions que nous avons jugées essentielles : que devient une société qui laisserait mourir sa protection sociale, qui abandonnerait ses services publics, ou qui reculerait dans la bataille de l’émancipation et de l’égalité femme/ homme, ou encore qui négligerait les nécessaires mobilisations sur le devenir de notre planète ?
Fouiller ces questions pour agir sur elles, c’est aussi, a contrario, montrer en quoi protection sociale, égalité, services publics ou encore écologie constituent les moteurs même des avancées pour une société de progrès social.
Il nous faudra aussi travailler sur les tourments qui agitent les femmes et les hommes de notre pays : taraudés si souvent par un sentiment de déclassement, ou de dessaisissement des décisions les concernant, ou encore happés par un désir de sécurité parfois même au prix des libertés.
Nous l’abordons par exemple par l’angle des attentats terroristes djihadistes qui posent des questions lourdes au monde et à ses déséquilibres et qui conditionnent les esprits en instillant la peur.
Sur quoi s’appuyer pour faire grandir les combats émancipateurs
Les sujets que nous avons choisis de traiter dans ce cahier ne cerneront pas toutes les problématiques, hélas. Cela a été affaire de choix et de recherche de compétences en face de ces choix. Ce travail devra être poursuivi et certainement devenir permanent, avec des outils neufs et des sollicitations larges.
Mais je veux ici simplement expliciter quelques-uns de ces choix pour des notes déjà présentes dans ce cahier mais aussi pour d’autres en cours de rédaction qui viendront s’y adjoindre prochainement.
« Tenter de cerner au plus près les conditions de la lutte de classe aujourd’hui et nous permettre d’y prendre appui dans notre action politique. »
L’émancipation des femmes est encore inachevée, les stéréotypes sont encore bien là, avec leur cortège de violences et pourtant des choses bougent et parfois très vite et en profondeur. Voilà qui devra être un point d’appui fort pour l’égalité.
La reconnaissance des identités diverses de la jeunesse est aussi un pivot. Ils vivent « la galère », rencontrent les pires difficultés sur le marché du travail, mais aussi la pauvreté. Des auteurs disent à juste titre que la jeunesse française cumule les handicaps. Mais, à y regarder de plus près, leur capacité d’engagement est forte, même si elle prend parfois des chemins nouveaux.
La révolution numérique change la donne. Autorisera-t-elle le déploiement d’une nouvelle démocratie ou, au contraire, déclenchera-t-elle de nouveaux asservissements ? Elle est au cœur d’une lutte de classe intense qu’il nous convient de cerner pour agir.
La question écologique bouscule et va bousculer considérablement nos sociétés dans nombre de domaines : la démocratie, la famille, la démographie, les migrations ou encore les inégalités. Ses enjeux sont de l’ordre de choix de civilisation car elle concerne l’avenir même de la planète et des humains.
Immigration et racisme sont au cœur des idées reçues. Les gouvernements jouent des peurs et les alimentent pour en faire de puissants relais d’opinions vers des replis et des rejets de l’autre. Mais cela fonctionne-t-il complètement ? Et quel est le poids des ressorts culturels de notre peuple qui influencent sa résistance au poison du racisme et de la xénophobie. Dans le même ordre d’idées, cette matrice fondamentale de la société française qu’est la laïcité méritera un point particulier.
Les développements sans précédent des sciences conduisent à des transformations considérables de l’appareil productif. Ils interrogent sur les finalités même de la société. Quel monde construire dans une interaction positive et prospective entre la communauté scientifique et les citoyennes et les citoyens, quels objectifs, quelle maîtrise ?
Avec la crise de 2007-2008, c’est tout le système financier qui a été au bord de l’implosion : les conséquences sociales ont été terribles, et c’est loin d’être terminé. Tout cela a mis en lumière l’inanité et les dangers de ce système et ouvert sans doute le débat sur ses alternatives comme la nécessité de prise de pouvoir sur la finance et les banques, comme sur des réorientations en profondeur de la production de richesses et de l’utilisation de l’argent.
Alors que la recherche d’alternatives au capitalisme financier et mondialisé est vive et multiple, nous nous sommes arrêtés, pour mieux en comprendre la nature réelle, sur les contradictions qui traversent l’économie sociale et solidaire.
Nous avons aussi choisi de prendre le temps de réfléchir sur le travail lui-même, de comprendre les souffrances que les conditions imposées par la recherche du profit financier aggravent mais aussi les attentes de réalisation personnelle qu’il pourrait permettre.
Nous tenterons de dire aussi la nature du salariat, ses mutations en cours avec la révolution numérique, les relations entre individualisation et unité. Et les implications sur de nouveaux modes d’action politique à développer. Au fond, nous voulons nourrir la nécessaire ambition que la politique prenne le pas sur l’économie.
Les notes de ce cahier explorent aussi ce qui se passe dans les territoires, et dans les lieux de démocratie que devraient être davantage encore les collectivités locales. Elles feront le point sur les ressorts de la mondialisation capitaliste dont certains nous disent qu’elle est indépassable.
C’est la même chose avec la question de l’Europe dont certains affirment dur comme fer qu’on ne pourrait rien faire dans le cadre des traités. La note, tout en montrant le caractère néfaste de la construction européenne actuelle au service de la domination de la finance, fera pièce à cette idée, autant reçue que fausse, qu’une politique progressiste serait impossible à mettre en œuvre.
Nous dirons aussi la place et le poids des idées communistes dans la société française suite à une étude sérieuse dont la note décryptera les contenus.
Nous comptons poursuivre sur tous ces sujets et tout au long de ce congrès et sûrement ensuite, sur des thèmes encore absents de ce premier travail. Je pense notamment à la question de la nation, aux comportements politiques, à la nature des défiances vis-à-vis de la politique, à l’individualisme et bien d’autres sujets.
Les notes qui seront présentées dans ce cahier ont été travaillées par des auteurs pour la connaissance qu’elles et ils ont des sujets. Nous avons pris le temps d’en auditionner un certain nombre pour approfondir leurs premiers écrits. Le collectif Idées en a débattu. Lieu de recherche et de débats, il vous invite à en faire de même. Il n’est pour moi pas question de dire : « Voici la vérité ». Le cahier et les notes se veulent être un outil pour le débat, pour la coconstruction.
Ces notes seront déposées sur la plate-forme Internet du congrès. J’espère qu’elles donneront lieu à des échanges les plus constructifs possible. Les auteurs, tout comme les membres du collectif, pourront animer des débats selon leurs disponibilités.
L’université d’été sera l’occasion de multiples ateliers pour présenter ce travail et poursuivre ces travaux. Nous solliciterons les auteurs des notes pour animer les débats et nous éditerons les cahiers afin que le plus grand nombre puisse les avoir en leur possession.
Nous nous sommes attelés à ce travail depuis plusieurs mois déjà. Avec votre aide, nous voulons l’enrichir en espérant qu’il rencontre votre curiosité, votre intérêt et qu’il aide chacune et chacun dans ses réflexions comme dans ses actions.
Ne devons-nous pas toujours garder l’attention sur ce que nous dit la société, sur ce que nous disent les femmes et les hommes qui la composent, en appui sur leurs attentes, autant sur les freins que sur les atouts à leurs aspirations, afin de contribuer le plus efficacement possible à l’émancipation humaine qui est la pierre angulaire du communisme de ce siècle.
Marc Brynhole est membre du comité exécutif national du PCF, animateur du collectif Idées.
Télécharger le cahier du congrès : https://congres2018.pcf.fr/contributions2
• Cause commune n° 6 - juillet/août 2018