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La guerre est à l’horizon de l’Europe. Le conflit ukrainien est loin d’être résolu et la loi sur la « réintégration » du Donbass votée en Ukraine viole les accords de Minsk. Les sanctions, l’expansionnisme de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), la relance de la course aux armements, le nouveau Nuclear Posture Review (examen de la situation nucléaire) américain, la crise diplomatique ouverte par l’affaire Skripal sont autant d’éléments qui justifient la surenchère militariste et nationaliste à Moscou, qui a porté Vladimir Poutine vers un quatrième mandat avec le score sans appel de 76 % des votants. La fièvre obsidionale qui s’est emparée de la Russie permet au pouvoir en place de chauffer à blanc la société russe contre « l’Occident », dans un pays qui, rappelons-le, s’est retrouvé du jour au lendemain dans ses frontières du XVIe siècle. Il est urgent et nécessaire de rompre avec cette spirale de provocations et de sanctions.

La France aurait un rôle décisif à jouer si elle décidait de faire entendre sa voix. Qu’est-il possible de faire ?
Distinguer la Russie du poutinisme. La Russie ne se résume pas à Poutine. Nous combattons le « poutinisme » comme idéologie réactionnaire et cléricale, issue des anti-Lumières, dont le rôle dans la recomposition idéologique du monde sur des bases régressives est important par ses liens avec l’extrême droite en Europe et au-delà. Cependant, la société russe est beaucoup plus complexe. Le fait que Poutine ait « seulement » recueilli 53 % des inscrits en est une preuve. Le score de Pavel Groudinine (11,8 %), dont la candidature a été soutenue par une coalition inédite de partis de gauche, ou encore le taux d’abstention de 34 % montrent que beaucoup de Russes ne se reconnaissent pas dans la politique menée par le Kremlin.
La France doit envoyer un signal montrant qu’elle est prête à une refondation des relations avec la Russie. L’Assemblée nationale a voté en 2016 une résolution demandant de « a ne pas renouveler » les sanctions. Ces dernières sont totalement contre-productives et donnent un magnifique argument à tous les nationalistes, à Moscou, qui souhaitent voir se dégrader encore davantage les relations avec l’Europe. Une telle décision ouvrirait la porte à une évolution d’un certain nombre de pays européens qui ont déjà émis des critiques contre les sanctions, à l’image de la Belgique, de la Grèce ou de l’Italie.
Il est également nécessaire de prendre une initiative diplomatique. Les sujets de tension avec la Russie ne manquent pas : Ukraine, politique agressive de l’OTAN, guerre informationnelle, conflits gelés, Syrie, gaz… Un règlement ne peut être que global. D’ailleurs, par la voix de Dmitri Medvedev, la Russie a déjà fait une offre de règlement global à l’Union européenne. Personne, en Europe, n’a jugé bon d’y répondre et ce silence est une faute historique. L’expérience de la conférence d’Helsinki doit servir, par son système de négociations en « corbeilles ». L’appel à une seconde conférence d’Helsinki donnerait à la France une vraie voix en Europe et dans le monde. Cette conférence ouvrirait la voie à la constitution d’un espace commun de sécurité et de coopération en Europe.
Pour rompre avec l’engrenage extrêmement dangereux des mesures et des démonstrations vexatoires, il faut en finir avec la logique de blocs. Cela demande une hauteur de vue diplomatique. La diplomatie doit reprendre ses droits. L’évolution très inquiétante de l’appareil d’État russe, ouvert désormais au poids de l’extrême droite, rend urgente une solution diplomatique d’ensemble et d’ampleur. Avant qu’il ne soit trop tard. l

Vincent Boulet est représentant du PCF au comité exécutif du PGE.