L’acte de production agricole est indissociable de la qualité de l’alimentation. Ce sont deux enjeux d’intérêt général, indissociables, porteurs de luttes à mener.
Comme les six autres qui l’ont précédée depuis 1962, la modification en cours de la politique agricole européenne vise à s’adapter à une plus grande dérégulation des économies mondiales. Pour quel bilan ? Celui du saccage de nos campagnes, d’une dépendance plus grande des paysans aux industries d’amont et d’aval. Avec des conséquences souvent désastreuses pour la santé humaine et les terres elles-mêmes, et une majorité de paysans n’ayant que 350 euros de revenu net par mois. Comment lui opposer une politique agricole pour tous ?
Une guerre économique à venir
Loin de corriger le constat, le projet en préparation applique la double peine. Il n’envisage aucune disposition pour relever les prix et prévoit une réduction drastique des crédits européens censés compenser les baisses de prix. Le budget de la PAC pourrait ainsi être abaissé de 15 à 30 % selon les projections. Pour « compenser » la réduction des crédits utiles, la commission européenne propose le recours aux assurances privées. Autrement dit, l’insécurité sociale sera aggravée pour les petits et moyens paysans afin d’impulser une dépendance plus grande de la production à la haute finance, accélérant encore la concentration des terres et des productions. La commission européenne prépare ainsi une guerre économique de plus grande intensité, alors que plus d’une quinzaine d’accords de libre-échange sont en préparation après ceux qui ont été négociés avec le Canada, le Japon, les pays du Mercosur, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. De prochaines victimes seront à déplorer, en particulier dans l’élevage et la filière du sucre.
« Pour “compenser” la réduction des crédits utiles, la commission européenne propose le recours aux assurances privées. »
Pour une agriculture paysanne
Autant d’orientations à l’exact opposé des aspirations des paysans comme des consommateurs qui, ensemble, réclament des territoires vivants, une alimentation de qualité, la santé et la préservation de l’environnement. C’est dire si cette nouvelle proposition de réforme concerne tous les citoyens. Encore convient-il de porter un débat visant à alerter sur la nature de l’acte de production agricole et de l’alimentation comme deux enjeux indissociables d’intérêt général, qui ne peuvent être traités comme s’il s’agissait de marchandises banalisées.
Dans ces conditions, une politique agricole européenne devrait se donner pour objectif la rémunération du travail paysan par des prix de base corrects, bien au-delà des coûts de production. Au-delà d’une certaine quantité, ces prix à la production devraient être dégressifs pour favoriser une agriculture paysanne, l’emploi, la qualité alimentaire et pour réguler la production. Autrement dit, les crédits publics devraient être conditionnés au progrès social et écologique qu’ils apportent à la société. Les aides européennes seraient des crédits de compensation des baisses de prix ou de handicaps naturels, de réorientation des productions vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement, des sols, de l’eau. Elles viseraient la création d’emplois, l’aide à la création nouvelle et la reprise de petites exploitations par des jeunes. Les institutions européennes avec les États ont la responsabilité de s’impliquer dans les négociations entre producteurs et centrales d’achat afin de faire respecter des prix de base rémunérateurs. Les enjeux sont considérables !
Patrick Le Hyaric est député (PCF) au parlement européen.
Cause commune n°9 • janvier/février 2019