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L’objectif chinois de la construction de la civilisation écologique a conduit à une profonde évolution des structures administratives depuis 1979.

La loi chinoise sur la protection de l’environnement (1979) stipule que treize départements administratifs nationaux réglementent et surveillent la mise en œuvre de la prévention et la gestion de la pollution environnementale, ainsi que la protection des ressources naturelles. Les autorités administratives locales, qui se chargent de la protection de l’environnement à l’échelon du comté ou au-dessus, sont responsables de la mise en œuvre d’une gestion unifiée de la protection environnementale au sein de leur propre territoire juridictionnel. Ainsi en Chine, en matière de gestion de la protection de l’environnement on a un système multisectoriel et multidimensionnel, combiné à une administration à la fois unifiée et diversifiée.
Ce type de système réglementaire présente des lacunes quant à la pollution de l’environnement de caractère transfrontalier. Tout d’abord, les autorités compétentes pour l’application de la loi sont trop diversifiées, ce qui engendre souvent tergiversation et inefficacité. Ensuite, en raison de la complexité des problèmes environnementaux, il est parfois difficile de déterminer l’autorité compétente sur une question complexe, la répartition des pouvoirs et des responsabilités entre les services administratifs n’est pas claire. Enfin, il manque un pouvoir central qui puisse arbitrer les litiges en cas de déficience de certaines administrations.

Évolution des structures
L’administration environnementale chinoise a ainsi connu six grandes réformes. Depuis la mise en place pour la première fois d’un groupe pilote pour la protection de l’environnement au sein du Conseil d’État en octobre 1974, les institutions nationales ont beaucoup évolué. Ce premier groupe est devenu l’Agence de protection de l’environnement d’État en 1984, puis une administration indépendante (à statut quasi ministériel) en juillet 1988, l’administration nationale de l’Environnement de la République populaire de Chine (ministère à part entière) en 1998, le ministère de Protection de l’environnement en mars 2008, et enfin le ministère de l’Écologie et de l’Environnement de la République populaire de Chine (MEE) en mars 2018.
Ces réformes sont les conséquences inévitables du conflit entre une attention croissante aux problèmes environnementaux et une administration insuffisante. Les problèmes environnementaux dépassent souvent le domaine de compétence d’une seule autorité. C’est en général le gouvernement local qui est l’acteur principal dans la gestion des problèmes environnementaux régionaux, dans la limite de son territoire. Mais ces affaires très souvent couvrent un territoire plus vaste, au-delà d’une seule autorité locale, en raison du franchissement de la frontière administrative en question. Dans la pratique, un gouvernement local se focalise uniquement sur les problématiques concernant sa propre juridiction. Cette situation entrave la coopération entre les administrations locales et est source de problèmes.
Tout d’abord, selon le règlement actuel de la division administrative, il n’existe pas de relation hiérarchique entre les gouvernements locaux de même niveau. S’il n’y a pas volonté de coopération, le dossier peut être bloqué. Deuxièmement, les gouvernements locaux font souvent prévaloir leurs intérêts propres et, en cas de problème, ils peuvent se soustraire à leurs responsabilités et entraver la solution de problèmes environnementaux. Ce phénomène est récurrent.

« On est passé d’une gestion décentralisée, multisectorielle à une gestion unifiée et centralisée. »

En réponse à cette situation, dans le « plan de réforme institutionnelle du Conseil d’État » soumis à la première session du XIIIe Congrès national du peuple le 13 mars 2018, le Conseil d’État a clairement proposé d’intégrer les compétences environnementales antérieurement dévolues à diver­ses institutions au sein d’une administration de gestion centrale : le MEE. Le statut des administrations chargées de la protection de l’environnement s’est progressivement amélioré. On est ainsi passé d’une gestion décentralisée, multisectorielle à une gestion unifiée et centralisée. Selon cette réforme, le ministère de l’Écologie et de l’Environnement a les responsabilités suivantes, attribuées préalablement à différents organismes :
- la lutte contre le changement climatique et la réduction des émissions des principaux polluants ;
- la supervision de la prévention et le contrôle de la pollution des eaux souterraines ;
- l’établissement du plan de régionalisation éco-fonctionnelle de l’eau, de la gestion des débouchés des eaux usées et de la protection de l’environnement des bassins hydrographiques ;
- la supervision et la gestion de la pollution des sources non ponctuelles en milieu rural ;
- la protection de l’environnement marin ;
- la protection de l’environnement dans la zone du projet de dérivation sud-nord.
La création de ce ministère de l’Écologie et de l’Environnement marque un progrès dans la sensibilisation de la Chine à l’environnement. Selon la loi sur la protection de l’environnement, l’environnement désigne l’ensemble des facteurs qui affectent la survie et le développement de l’homme, qu’ils soient naturels ou artificiellement modifiés, notamment l’atmosphère, l’eau, l’océan, la terre, les minéraux, les forêts, les prairies, la faune, les monuments naturels, les monuments culturels, les sites pittoresques, les réserves naturelles, les villes et les campagnes, etc. En revanche, « l’environnement écologique » désigne l’ensemble d’éléments environnementaux tels que l’atmosphère, les eaux de surface, les eaux souterraines, le sol, la forêt, et des éléments biologiques tels que les plantes, les animaux et les micro-organismes. On constate que le concept d’« environnement » est plus large que celui d’« environnement écologique ». De ce fait, le champ de responsabilités du MEE est élargi, en cohérence avec l’objectif chinois de la construction de la civilisation écologique.

« Les « cinq liens » seront réalisés, à savoir, relier le dessus et le dessous de la terre ; relier le rivage et l’eau ; relier la terre et la mer ; relier les zones urbaines et rurales et relier le monoxyde et le dioxyde de carbone. »

Le nouveau MEE inclut les fonctions de supervision de la pollution des ressources en eau, de l’air, de la mer et de la pollution d’origine agricole. Pour ce qui est de la protection des ressources en eau, le nouveau MEE intègre l’élaboration des plans de régionalisation écofonctionnelle de l’eau, la gestion de l’écoulement des eaux usées et la protection de l’eau des bassins hydrographiques, ainsi que les responsabilités en matière de protection de l’environnement du bureau de dérivation des eaux sud-nord pour la zone concernée par le projet. Ainsi le MEE intervient aussi bien dans la prévention et le contrôle de la pollution des eaux souterraines que des eaux de surface et dans la protection écologique de l’ensemble. De même en ce qui concerne l’atmosphère, le MEE a la responsabilité de la lutte contre le changement climatique et de la réduction des émissions de carbone. En incorporant la responsabilité de la réduction des émissions de carbone, le MEE peut imposer l’application de mesures d’économie d’énergie et de réduction d’émission de carbone. Le MEE se voit aussi confier les responsabilités concernant la protection du milieu marin, ce qui aidera la Chine à coordonner globalement la prévention, la gestion et la pollution des terres et des mers. En outre, les fonctions de supervision et de pilotage des pollutions d’origine agricole qu’assurait le ministère de l’Agriculture ont été confiées au MEE. Ce qui permet là aussi d’unifier milieu urbain et rural.

« La concentration des responsabilités en une seule administration permet au MEE de déployer et d’exercer des pouvoirs de supervision et de gestion environnementale de manière unifiée. »

La recherche d’une harmonisation
Afin de remédier à la fragmentation des politiques et de la législation environnementales et d’éviter des incohérences et des contradictions entre les politiques environnementales émises par différents ministères, la création du MEE permet d’entreprendre la planification globale des futures politiques et législations environnementales, et ainsi d’harmoniser et d’unifier les politiques et la législation environnementales en Chine.
Plusieurs projets de loi, tels que la loi sur la lutte contre le changement climatique, le règlement national sur l’administration des échanges de droits d’émission de carbone et les mesures sur l’administration des quotas de carbone pour les véhicules à énergie nouvelle, sont en cours de rédaction en Chine, dans un souci d’harmonisation des fonctions de la commission du développement et de la réforme (CDR) et du MEE en matière de lutte contre le changement climatique et de réduction des émissions des principaux polluants. Les documents actuels de la loi sur l’eau et de la loi sur la prévention et la lutte contre la pollution de l’eau, édictant les mesures de supervision et de contrôle d’écoulement des eaux usées dans les rivières, ainsi que le protocole des techniques de surveillance des zones maritimes proches des égouts assurées auparavant par trois administrations, devront être harmonisés.

« L’administration environnementale chinoise a connu six grandes réformes. »

La concentration des responsabilités en une seule administration permet au MEE de déployer et d’exercer des pouvoirs de supervision et de gestion environnementale de manière unifiée. Cette unification présente l’avantage de mieux contrôler les comportements des entreprises concernant la réduction des émissions de dioxyde de carbone et les échanges de droits d’émission de carbone. En ce qui concerne l’eau, le MEE devra élaborer et améliorer les plans de régionalisation écofonctionnelle de l’eau, durcir les conditions de déversement des eaux usées dans les rivières, intensifier les efforts pour la protection des bassins hydrographiques, et en général lutter contre la pollution de l’eau. En outre, le MEE renforcera le contrôle des permis de prélèvement des eaux dans le projet de dérivation d’eaux sud-nord et la gestion de la protection de l’environnement de la zone du projet. Un plus grand intérêt sera porté à la dépollution et à la protection environnementale des sols et des eaux souterraines dans le processus de sélection des sites de construction, d’exploitation et de délocalisation des entreprises. Avec la création du MEE, le champ de compétence de l’administration environnementale chinoise sera étendu et les « cinq liens » seront réalisés, à savoir : relier le dessus et le dessous de la terre ; relier le rivage et l’eau ; relier la terre et la mer ; relier les zones urbaines et rurales et relier le monoxyde de carbone et le dioxyde de carbone. La diffusion d’informations environnementales et l’appel à participation du public, mis en place par le précédent ministère de la Protection de l’environnement, seront poursuivis dans le sens d’une plus grande ouverture et d’une plus grande transparence.

Jingjing Fan est juriste. Elle est docteure en droit public de l'université d'Aix-Marseille.

Cause commune n° 22 • mars/avril 2021