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à Vaulx-en-Velin, nous avons posé à divers acteurs de la vie sociale, en général proches voire membres du PCF, les trois questions suivantes :

1) Quel est selon toi l’effet politique de ce confinement ? Quelles traces va-t-il en rester ?
2) Quelles sont tes espérances pour le monde d’après ?
3) Quelles sont tes suggestions ? Quelle serait la première décision que tu prendrais si tu étais au gouvernement ?

Lucas, surveillant

1) Cela a entraîné un repli sur soi pour beaucoup de personnes. Il est difficile de relancer le militantisme après cette période. Il y a aussi une grande fracture numérique, notamment entre les seniors et les juniors.
2) Je ne crois pas à la remise en cause spontanée du capitalisme en raison de cette pandémie. C’est la gestion capitaliste de casse des services publics et de l’industrie qui a amplifié la catastrophe sanitaire, il faut donc porter un processus de changement radical de société, le socialisme.
3) Augmentation du SMIC de 400 euros net afin de vivre dignement, car ce sont les travailleurs de l’ombre qui ont tenu le pays à flot, ce sont eux les premiers de cordée, pas le capital. Plan d’embauche massif dans les services publics et revalorisation du salaire des soignants.

Elise, employée

1) La population a pris conscience de nombreux problèmes : les coupes budgétaires dans les hôpitaux, l’importance des métiers « invisibles » ou peu valorisés, l’importance de l’achat local (frontières fermées) et des commerces de proximité. Il en restera une meilleure prise en compte de la planète, le développement des modes doux, des circuits courts, du local ; il y aura davantage d’intérêt pour les axes politiques verts.
2) La solidarité et le développement durable.
3) Mes suggestions : améliorer les transports en commun et baisser leurs prix, créer un vrai réseau de pistes cyclables, empêcher les centres commerciaux de s’implanter à proximité des petits commerces, investir dans la prévention de la santé et ainsi diminuer le coût du curatif. Mais la première décision à prendre est de rencontrer les vraies gens, ceux qui sont sur le terrain à gérer la crise : les infirmiers, les enseignants... pas les hauts gradés qui ne sont pas sur le terrain.

Nans, intérimaire

1) Le confinement et ses causes ont renforcé un rejet de l’establishment politique traditionnel qui disait n’importe quoi, tout le temps. L’abstention et le soutien aux pseudo-candidats antisystème vont hélas fonctionner à plein, soit une « raoultisation » de la politique.
2) Je ne suis pas très optimiste. J’attends surtout que le PCF soit à la hauteur pour proposer un vrai projet de rupture face à un système économique et politique qui menace du pire.
3) Travailler à la construction de nouvelles solidarités tant que la maladie est là, notamment avec le Secours populaire, au sein des sections et cellules du PCF (aides aux courses, petits travaux, aides aux devoirs par correspondance, etc.). Tous les avis doivent être écoutés pour la santé des Français. Ma première décision, un plan pluriannuel de développement des hôpitaux et de la médecine libérale (souvent oubliée malheureusement), moins pour l’immédiat que pour faire face aux inévitables crises futures.

Chantal, bibliothécaire, retraitée

1) Cela sert bien les dirigeants qui avancent peu à peu vers une monarchie absolue (voire une « dictature »), en prenant l’Assemblée nationale pour une pure chambre d’enregistrement : ce mouvement existait déjà mais ça l’a renforcé. La culture et l’éducation sont les grandes perdantes : pour le gouvernement, elles sont dangereuses parce qu’elles permettent de réfléchir.
2) Il y a une certaine prise de conscience qui existe et qui s’accroît peut-être. J’ai l’espoir que ce soit le début d’un grand mouvement où on se serre les coudes pour repartir à la conquête d’acquis sociaux et d’égalités.
3) Redévelopper l’hôpital public et la santé pour tous autrement, c’est-à-dire de façon humaine, ainsi que l’éducation, donc avec plus de personnel formé à tous les niveaux.

Tatiana, employée

1) Un repli sur soi et une défiance accrue envers les gouvernants et la politique en général.
2) Cela paraît peut-être en contradiction avec ma réponse à la première question, mais je pense qu’il va y avoir davantage d’entraide et de solidarité entre les gens.
3) Je baisserais les budgets militaires et j’augmenterais ceux des hôpitaux et de la recherche, je renationaliserais les entreprises vitales.

Evelyne, employée

1) La continuation de la casse de l’emploi avec une bonne excuse, la covid ! L’ inquiétude de l’avenir. La pauvreté qui a explosé. La mobilisation qui s’est éteinte.
2) Retrouver la confiance envers nos hommes politiques. Des grandes luttes pour garder nos acquis. Que nous puissions vivre dignement, que chacun d’entre nous puisse avoir un toit, du travail, que nos enfants aient un système éducatif à la hauteur de notre pays, des loisirs, des vacances pour tous… Pouvoir être heureux !
3) Relocaliser nos industries, plus de solidarité, produire français et de proximité. Le partage des richesses pour le plus grand nombre et non pas pour les actionnaires.

Ernest, marginal

1) Le monde prend conscience que le système actuel (il n’y a pas de plan B, etc.) n’est plus viable. En être réduit au XXIe siècle à gérer une épidémie comme au Moyen-Âge, c’est anachronique. Ces événements s’ajoutent à la catastrophe climatique, les gens s’en rendent de plus en plus compte.
2) La récupération par les charlatans, les fanatiques religieux et les imposteurs, doit être submergée par une prise de conscience constructive. Il faut que les partis, les syndicats et les associations s’unissent en France, mais surtout dans le monde.
3) D’abord soumettre telles quelles (et non sous une forme trahie) les propositions de la convention citoyenne sur le climat. Ensuite, organiser à l’échelle nationale et internationale des conventions citoyennes sur la santé, appliquer telles quelles leurs conclusions à titre expérimental, puis en faire le bilan.

Brahim, boucher

1) Il y a beaucoup de gens en dépression, ils sont découragés et vont avoir du mal à reconstruire une activité.
2) Pour le moment, pas grand chose, on nous a trop trompés ; si ce sont les mêmes qui dirigent, ça continuera de la même façon.
3) D’abord dire la vérité aux gens et non leur parler comme à des gamins, en leur affirmant quelque chose (sans preuve) un jour et le contraire le lendemain. Je reconnaîtrais mes erreurs et je les corrigerais avec modestie. Il faut faire confiance à la population

Clément, musicien

1) Je pense que la mauvaise gestion de cette crise et toutes les incohérences qui ont été pointées vont renforcer la méfiance envers la classe politique.
2) J’espère que la solidarité et l’empathie qui ont émergé pendant cette période difficile seront pérennes. L’union du peuple, la prise de conscience d’une crise écologique et sociale globale est le levier nécessaire pour aller dans le bon sens.
3) Lutter contre la précarité me semble la priorité absolue : pourquoi ne pas mettre toutes mes forces dans la bataille pour instaurer un vrai revenu universel !

Ange, secrétaire

1) Ce confinement a privé les oppositions politiques d’un travail de terrain. La vie politique ne peut être faite de visu, sauf pour ceux dont les moyens techniques permettent de communiquer avec le plus grand nombre de citoyens. Il risque fort qu’il y ait un effacement de certaines forces politiques localement et, par ruissellement, au niveau national. Nous ne sommes pas encore prêts à vivre, à militer, à débattre derrière nos écrans.
2) Le confinement a montré l’importance des solidarités, nous n’avons jamais autant besoin des autres et des associations, cette solidarité doit perdurer. L’État doit en prendre conscience et donner plus de moyens à toutes ces associations. Il faut aussi stopper la casse des services publics et celle de l’emploi, dans nos villes, nos régions, en France. Donc retrouver une vie militante, de terrain, une vie sans masque et sans peur des lendemains, une vie culturelle, avec spectacles, expositions, concerts...
3) Ma première décision serait l’augmentation des salaires pour tous, pour vivre et non survivre, et la taxation des profits, la deuxième des services publics au service de tous, la troisième des habitats qui nous permettent de vivre, de cohabiter dignement.

Matthias, photographe

1) C’est une occasion en or sur laquelle le gouvernement va se précipiter pour faire passer quantité de mesures qu’il avait sous le coude ou en cours, et accroître son autoritarisme.
2) Que l’indignation qui monte se transforme pour changer l’organisation de la société.
3) La question n’est pas très bien posée parce que les décisions à prendre sont mondiales, bien plus que nationales. Il faut d’abord s’attaquer au problème démographique, on ne peut pas laisser la population du monde augmenter ainsi de façon incontrôlée. Ensuite, il ne faut pas laisser les spéculateurs accaparer la terre, il faut la distribuer à ceux qui la travaillent et former ceux-ci à une agriculture efficace et respectueuse de l’environnement.

Chantal, employée

1) C’est la perte de notre vie sociale. Certains pourront la surmonter, mais pour d’autres c’est déjà la catastrophe : disparition des repères, voire de la mémoire pour des personnes âgées. Les hommes politiques en ont profité.
2) Je ne suis pas sûre que la population soit aussi malléable qu’ils le croient. Elle a envie de retrouver la liberté, et peut-être même d’en avoir davantage.
3) J’exposerais la situation telle qu’elle est, avec sa gravité, mais aussi ses incertitudes, ses débats, les désaccords entre spécialistes. Les gens ont droit à la vérité : moins on les prend pour des imbéciles, plus ils savent être responsables.

Cause commune n° 21 • janvier/février 2021