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Une fois n’est pas coutume, nous ne parlerons pas d’un ou d’une poète en particulier mais d’un mouvement qui naît parmi les poètes du monde entier. Le 28 novembre dernier a été présenté, devant un public chaleureux, à la Bourse du travail de Paris, une anthologie multilingue intitulée Halte au feu ! Elle réunit les cent trente premiers poètes qui ont pris part à la « chaîne mondiale des poèmes pour la paix ». Cette initiative lancée en 2022, au début de la guerre en Ukraine, en Europe, dans le cadre du Mouvement mondial des poètes, a suscité des débats parfois vifs et finalement la création d’un nouveau réseau international, « Poètes de la planète », maintenant présent sur tous les continents. Aujourd’hui plus de trois cents poètes y ont contribué, y compris des poètes issus de pays belligérants, comme la Russie et l’Ukraine, Israël ou la Palestine. Personne, sans doute, parmi les participants ne s’illusionne quant aux pouvoirs de la poésie. Jamais un poème ne pourra arrêter un missile. Mais les mots ne sont pas sans force. Cette mobilisation des poètes et d’autres artistes avec eux (musiciens ou graphistes) peut contribuer à ce que s’affirme un courant culturel pro-paix. Celui-ci est encore modeste, mais il commence à exister. Et dans l’atonie générale de l’opinion publique sur ces sujets, particulièrement en France, l’existence et le développement de ce mouvement méritent qu’on ne fasse pas silence dessus.
Il s’agit là de la reprise d’une grande tradition à laquelle ont contribué en leur temps Romain Rolland ou Pablo Picasso, Paul Éluard ou Nazim Hikmet. Mais dans les conditions du monde d’aujourd’hui. Plutôt que d’accepter de choisir un camp contre l’autre, ces poètes (à travers une grande diversité d’opinions et de points de vue) disent que, quelles que soient les responsables des guerres en cours, il faut arrêter le massacre. Face aux défis climatiques, sociaux, anthropologiques mêmes, auxquels nous sommes confrontés, l’humanité à mieux à faire que de s’entretuer.

Francis Combes

 

Christine Zeytounian-Beloüs
(Russie-France)
j’étais prêt à tout
pour tuer l’ennemi
j’ai perdu mon honneur
pour tuer l’ennemi
rejetant la pitié
pour tuer l’ennemi
j’ai sacrifié mon fils
pour tuer l’ennemi
j’ai menti à mon peuple
pour tuer l’ennemi
j’ai dévasté cent villes
pour tuer l’ennemi
versant des flots de sang
pour tuer l’ennemi
en mourant j’ai compris :
c’était moi l’ennemi

 

Maram al-Masri (Syrie)
Y a-t-il une excuse pour les guerres ?
La guerre n’a pas besoin d’excuse
Elle met le feu ici et là
Elle va de long en large, occupe tout l’espace
Elle détruit, tue, incendie
fière de son pouvoir
et de ses crimes
Qui est le perdant ?
Qui est le gagnant ?
Il n’y a qu’elle.

 

Olivier Mayer (France)
Danger enfants
Au bord du cratère large et profond
De la décomposition générale,
Seul intact, l’ours en peluche

 

Jotamario Arbeláez (Colombie)
Après la guerre
Un jour
après la guerre
s’il y a la guerre
et si après la guerre il y a un jour
je te prendrai dans mes bras
un jour après la guerre
s’il y a la guerre
si après la guerre il y a un jour
Si après la guerre j’ai des bras
je te ferai l’amour avec amour
un jour après la guerre
s’il y a la guerre
si après la guerre il y a un jour
si après la guerre il y a l’amour
et s’il y a avec quoi faire l’amour

Cause commune n° 42 • janvier/février 2025