«Alors que la guerre économique s’accompagne de ce qu’il faut bien appeler une puissante guerre idéologique, mobilisons-nous pour sauver les titres qui nous sont chers et aujourd’hui gravement menacés », déclarait Jean Jaurès à la fin de l’éditorial fondateur de L’Humanité, le 18 avril 1904.
«Alors que la guerre économique s’accompagne de ce qu’il faut bien appeler une puissante guerre idéologique, mobilisons-nous pour sauver les titres qui nous sont chers et aujourd’hui gravement menacés », déclarait Jean Jaurès à la fin de l’éditorial fondateur de L’Humanité, le 18 avril 1904. Dans la bataille pour l’hégémonie culturelle, les mouvements communistes et l’idéologie marxiste ont, depuis une quarantaine d’années, perdu de nombreuses batailles. Il suffisait, cet été, d’allumer sa télévision, de pianoter sur les réseaux ou d’entrer dans un kiosque de presse, pour voir s’étaler cette défaite dans la bataille des idées : débat sur le « passe sanitaire » qui fait l’impasse sur la question de la maîtrise publique du médicament face au monopole des grands groupes pharmaceutiques ou oublie que la vaccination devrait être prise en charge par les employeurs via la médecine du travail ; prise du pouvoir des talibans en Afghanistan, sans le moindre rappel du soutien apporté par les États-Unis aux talibans contre la République démocratique d’Afghanistan et l’URSS, au début des années 1980, après le coup d’État mené par les communistes afghans, en 1978 ; le traitement des émeutes à Cuba en faisant l’impasse sur l’embargo inique que lui imposent depuis une soixantaine d’années les États-Unis dans une Amérique latine qu’ils considèrent comme leur arrière-cour, etc.
Faire exister médiatiquement une voix alternative, quand dix milliardaires possèdent la quasi-totalité de la presse française, et dans un contexte où la presse écrite connaît une crise importante liée à la baisse massive de ses ventes et de ses recettes publicitaires, ainsi qu’à la révolution numérique, est un combat de tous les instants. Il est mené au quotidien par les salariés du journal L’Humanité, dont sont issus deux nouveaux projets : la création d’une revue sur les enjeux du travail, et la relance du magazine La Terre. Comme les revues du PCF (dont Économie & Politique, qui change sa formule), ce sont des outils de formation indispensables pour tous les militants désireux de réfléchir à leur action et à ses perspectives !
Création de la revue Travailler au futur
Alors que le travail est de plus en plus invisibilisé (personnels de livraison, de nettoyage), disparaissant du débat politique comme de l’espace médiatique, la revue Travailler au futur (TAF) – à laquelle s’ajoutent une plateforme numérique coopérative et des colloques, animés par un comité scientifique regroupant syndicalistes et chercheurs spécialistes du travail –, entend le remettre au centre, suivant les analyses de Marx qui en fait « la clef de voûte qui fait tenir ensemble les différentes composantes des sociétés humaines » (comme l’explique la présentation du hors-série consacré à Marx : Travail. Pourquoi Marx avait raison, paru en juin 2021, qui propose des analyses de textes et de concepts de Marx), en passant au crible ses diverses facettes, afin d’élaborer les conditions de l’émancipation humaine : le numéro 2 est ainsi consacré au travail des femmes, remettant en cause quelques idées reçues (comme celle que le travail des femmes aurait décru après la Première Guerre mondiale, liée à un calcul de l’INSEE qui ne prenait pas en compte l’activité des agricultrices, souvent non déclarées) et impensés (« le soupçon implicite de l’inactivité : une ouvrière licenciée, est-ce une chômeuse ou une femme qui “rentre au foyer” ? », donnant la parole à des militants syndicalistes français ou de l’Organisation internationale du travail, à des cinéastes, des économistes, des philosophes ou des historiens. Les volets « Entretiens » et « Expertises » qui approfondissent la thématique de chaque numéro sont suivis de deux rubriques qui laissent la place aux femmes et aux hommes eux-mêmes, et à leurs métiers : un portfolio réalisé par des photographes, montrant travailleurs ou formateurs en plein… travail, et une rubrique « Profils » qui donne la parole à des travailleurs ou futurs travailleurs, qui présentent leur métier, leur formation, le regard qu’ils portent sur eux et la façon dont ils le définissent et envisagent leur futur.
Reparution de La Terre
La Terre, hebdomadaire créé en janvier 1937 par le PCF et dirigé par Waldeck Rochet, ouvrier maraîcher devenu petit propriétaire, secrétaire, en 1934, de la section agraire du PCF, avait cessé de paraître en 2015, victime de la crise de la presse papier. Créée dans le contexte de la lutte contre le fascisme, à un moment où des organisations comme les comités de défense paysanne d’Henri Dorgères, proches des groupes d’extrême droite, porteuses d’une pensée réactionnaire et corporatiste réussissent à capter la colère de nombreux paysans, La Terre porte durant trois quarts de siècle les analyses et le programme du PCF à destination des paysans et notamment de la petite paysannerie propriétaire (dont la propriété est désormais assimilée à un outil de travail) et s’inscrit dans une volonté – couronnée de succès, comme en témoigne encore l’ancrage du PCF dans les départements ruraux – de développer la politisation communiste dans les campagnes (on peut lire à ce sujet la biographie de Waldeck Rochet par Jean Vigreux, Waldeck Rochet. Une biographie politique, parue aux éditions de La Dispute en 2000).
Nouvellement reparu (depuis l’hiver 2020/2021) en une formule trimestrielle, la revue a désormais pour sous-titre : « Le magazine du vivant » et entend s’adresser à tous ceux, des agriculteurs aux consommateurs, qu’intéressent les problématiques et les enjeux de l’agriculture, ainsi que les engagements multiples des acteurs des campagnes : elle propose une rubrique sur l’actualité (questions relatives à la grippe aviaire, à l’effet du Brexit sur la pêche, au prix du lait, à l’enseignement agricole, ou encore aux inondations), une rubrique sur les initiatives développées dans les campagnes, « Campagnes en mouvement », mêlant réflexions théoriques, autour de la volonté de concilier production agricole et biodiversité, et informations plus pratiques sur des associations ou coopératives existantes, un dossier « Point de mire » (« Nos campagnes au temps du Covid-19 »; « Manger mieux »), un gros-plan sur les campagnes d’une région, puis une série de chroniques mêlant conseils de jardinage, de cuisine, étude d’œuvres, interviews d’auteurs et comptes rendus de livres portant sur le vivant. Pour plus de réactivité à l’actualité et pour s’ouvrir à ses lecteurs, elle est également adossée à une plate-forme coopérative (https://www.laterre.fr/, onglet « Contribuer »). À l’heure où l’ écoblanchiment (green washing) a le vent en poupe, cette revue est d’autant plus bienvenue qu’elle ne se complaît ni dans l’ostentation superficielle, ni dans le catastrophisme, et porte une vision de l’écologie qui conçoit l’environnement non pas comme une entité, mais comme la résultante, façonnée par l’action humaine, de logiques économiques et de politiques sociales. Les deux revues sont diffusées dans les kiosques, mais on peut aussi s’y abonner, par courrier (service Diffusion 3, rue du Pont-de-l’Arche 37550 Saint-Avertin) ou sur le site shnrevue.fr.
Nouvelle formule pour Économie et politique
Par ailleurs, une revue militante du PCF a fait, en juin 2021 peau neuve, pour le plus grand bonheur de ses lecteurs non spécialistes d’économie, et dans le but d’en conquérir de nouveaux, militants politiques ou syndicaux, professeurs ou étudiants, ou plus largement tous ceux qui souhaitent comprendre le fonctionnement économique du capitalisme et des crises que nous vivons, mais aussi s’appuyer dessus pour penser leurs luttes et convaincre qu’un autre monde est possible : Économie & Politique, bimensuel animé par des militants chercheurs, syndicalistes et politiques, qui est désormais « la seule revue marxiste d’économie en France » (https://www.economie-et-politique.org/2021/03/21/bientot-une-nouvelle-formule-deconomie-politique-pour-relever-les-defis-daujourdhui/) et entend répondre aux questions de celles et ceux en qui, après l’échec des politiques néolibérales et social-démocrates, grandit « l’idée d’une révolution, d’un changement de système, tout en exprimant le besoin de dépasser le modèle de type soviétique. » Articles traitant de l’actualité de façon concise et pédagogique, rubriques d’analyses et de réflexions côtoieront rubriques à vocation pédagogique (par exemple, la rubrique « Un chiffre expliqué » où on lira pourquoi les statistiques du chômage au sens du BIT donnent depuis le début de la pandémie une image complètement faussée de la situation du marché du travail, ou encore la rubrique « Des luttes immédiates au projet communiste » qui visera à « mettre en évidence en quoi des objectifs et des propositions mises en avant dans tel ou tel moment de la bataille politique sont porteuses à la fois d’efficacité immédiate pour répondre aux revendications et atteindre des objectifs sociaux et écologiques urgents, parce qu’elles sont aussi porteuses d’une logique opposée à celle de l’accumulation capitaliste »).
On peut s’abonner sur le site, mis à neuf lui aussi : https://www.economie-et-politique.org/ où il est aussi disponible en ligne gratuitement.
Marine Miquel est coresponsable des rubriques « Lire » et « Critiques ».
Cause commune n° 25 • septembre/octobre 2021