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Tuna Altınel, libéré le 30 juillet 2019 après quatre-vingt un jours de prison, est toujours bloqué en Turquie (passeport confisqué depuis le 12 avril 2019) et ne peut donc pas reprendre son activité d'enseignant-chercheur à l'université Lyon 1. Acquitté lors de son premier procès en septembre 2019, le tribunal de Balıkesir a prononcé également son acquittement à l’issue de son second procès le 24 janvier 2020. Ce second acquittement a été confirmé en septembre 2020 après le rejet par la cour d'appel du pourvoi en cassation du procureur. Tuna Altınel espère enfin récupérer son passeport mais les délais sont encore très incertains. Nous reproduisons son dernier message.

Istanbul, le 12 septembre 2020

Ami-e-s solidaires,

Il y a quatre mois, le 10 mai, j’ai publié un texte sur mon procès en appel, alors au point mort. Aujourd’hui, c’est avec un sentiment de soulagement réservé que j’écris ces lignes. À l’époque la mobilisation internationale de diverses institutions, dont mon université, et d’organisations savantes venait de commencer, donnant lieu à l’envoi de lettres à la cour d’appel ; elle a porté ses fruits. Le pourvoi en cassation initié par le procureur a été rejeté par ladite cour, et mon acquittement est définitif depuis le 3 septembre 2020.
Dans un procès à des fins politiques, les moyens du droit sont souvent insuffisants. La Turquie, comme tout pays où la justice n’est plus qu’un mot creux, regorge de tels procès. Contre ce fléau, il n’y a qu’un seul remède efficace : la solidarité des individus, des institutions sensibles à la démocratie. La conclusion du procès qui m’a été intenté en est une preuve. Je vous remercie.
Mais l’acquittement au procès pénal ne met pas fin à cette séquestration dans mon propre pays, qui a débuté le 12 avril 2019 par la confiscation de mon passeport à mon arrivée en Turquie. Ce passeport attend de m’être restitué. Suite au refus en septembre 2019 par la préfecture de Balıkesir de me le rendre, avec mon avocate Meric Eyüboglu nous avions entamé une procédure administrative. Celle-ci s’est terminée fin juillet 2020 par un rejet de notre demande, malgré mon acquittement confirmé par la cour d’appel, non encore définitif à l’époque. Aujourd’hui, l’acquittement étant devenu définitif, mon avocate conteste ce rejet. Elle a aussi renouvelé la demande de restitution auprès de la préfecture de Balıkesir. Nous maintenons notre vigilance.
La préservation de la démocratie, le respect des droits humains imposent une vigilance continue. J’écris ces lignes au moment du 40e anniversaire du coup d’état militaire qui a bouleversé la Turquie. En quarante ans, nous n’avons pas su affronter comme il fallait les dégâts de cette tragédie, défendre avec vigilance les acquis démocratiques, et nous voilà de nouveau au fond d’un gouffre noir. Sur le plan personnel, au lieu de me contenter de mon acquittement et de la restitution de mon passeport, je demanderai des dédommagements pour mon emprisonnement injuste et la violation de mes droits. Je continuerai à dénoncer le consulat de Turquie de Lyon, qui, au lieu de servir ses citoyens, les espionne, les calomnie et s’acharne sur des associations légales en les qualifiant de ramifications d’organisations terroristes.

Ami-e-s solidaires, restons uni-e-s pour la défense de la démocratie, valeur fondamentale de l’humanité.

Tuna Altınel

Voir Cause commune n° 13 (rassemblement de soutien à Tuna Altınel à Lyon le 11 juillet 2019).
https://www.causecommune-larevue.fr/tuna_altinel
Le site de soutien à Tuna : http://math.univ-lyon1.fr/SoutienTunaAltinel/

Cause commune n° 20 • novembre/décembre 2020