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La commémoration du centenaire du PCF a été perturbée par la crise sanitaire : heureusement, de nombreux ouvrages sont disponibles, pour réfléchir à l’histoire du Parti communiste français et à ses spécificités, toujours actuelles !

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Communistes dans les Bouches-du-Rhône

sous la direction de Gérard Leidet
Association Former, Transformer, Partager, 2020

par Pierre Labrousse
Communistes dans les Bouches-du-Rhône retrace l’historique du Parti communiste dans un département marqué par une forte histoire industrielle et sociale et par une fédération qui compte encore aujourd’hui parmi les plus importantes en nombre d’adhérents. L’ouvrage est le fruit d’un travail d’érudition sur les fonds de la fédération, réalisé par son collectif Archives, histoire, mémoire. Le dépôt de ces fonds aux archives départementales des Bouches-du-Rhône en 2018 fut le moment phare d’un travail entrepris depuis le début des années 2000, permettant d’aboutir à ce livre. Il retrace de manière chronologique, les événements marquants et les moments forts de la fédération, ainsi que les principaux événements d’ordre national. Si le PCF des Bouches-du-Rhône est né en 1921, il s’inscrit dans un mouvement historique beaucoup plus large qui est celui du mouvement ouvrier et de l’héritage révolutionnaire français. Ainsi, le livre part de 1789 et retrace en quelques pages, avant de se concentrer sur le parti en tant que tel, les principaux événements de cette histoire-là (Révolution de 1789, fondation de l’AIT, fondation de la SFIO, etc.). Le choix de reprendre de manière chronologique les événements correspond à la volonté de ne pas proposer de problématiques mais de faire la démonstration de la diversité et de la présence du PCF dans les Bouches-du-Rhône. Le livre met donc en évidence ce qui fait l’histoire du PCF : ses militants, ses élus, mais également les évolutions de la société française et le contexte dans lequel il évolue. Ainsi, à l’inscription de l’activité des communistes dans des dynamiques nationales s’ajoutent des enjeux typiquement locaux : le système Defferre à Marseille par exemple, ou la zone industrialo-portuaire de Fos, qui est l’objet de fortes mobilisations, mais qui est aussi l’occasion pour le PCF de développer des revendications en lien avec le cadre de vie, point de départ des travaux des communistes sur les questions écologiques et environnementales. Moments électoraux et moments de luttes se succèdent, rythmés par les conférences fédérales (ensuite nommées congrès départementaux) et dressent le portrait d’un parti investi et mobilisé sur tous les fronts. On remarque également le rôle central du journal La Marseillaise, dont les unes apparaissent de manière récurrente. Ce rôle n’est pas uniquement d’informer, comme en témoigne par exemple la collecte organisée par le journal pour soutenir la grève illimitée des dockers en mars 1950. Ainsi, Communistes dans les Bouches-du-Rhône, s’il explore les moments marquants du parti dans le département, donne aussi de la visibilité aux archives de la fédération, et peut également présenter un intérêt pour les historiens ou les chercheurs en herbe.


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100 ans de parti communiste français

sous la direction de Guillaume Roubaud-Quashie
Le Cherche Midi, 2020

par Axel Loscerdales
La séquence médiatique autour du centenaire du PCF s’est particulièrement concentrée sur un ouvrage, dirigé par Guillaume Roubaud-Quashie et Valère Staraselski. Si la préface de Fabien Roussel apporte une griffe militante à cet ouvrage, c’est un véritable objet de recherche qui est proposé par les deux historiens. En témoigne la postface de Claude Mazauric, historien de la Révolution française. En donnant une visibilité à une trentaine de chercheurs et doctorants, ce livre offre une lecture à la fois grand public et est rigoureux dans son approche du point de vue de la perspective historique. Le plan de l’ouvrage est linéaire, comme une frise chronologique déroulant année après année un événement marquant sur une double page, en l’inscrivant dans un contexte politique national ou international. Année après année, le lecteur découvre un événement qui fait date, tel que le congrès fondateur de Tours, ou un temps politique marquant, à l’instar des élections présidentielles de la Ve République. Certains de ces événements sont aussi sujets à des réflexions de fond, tels que l’année de la femme en 1975, rappelant le combat féministe du PCF, la question de l’écologie en 1991 ou encore la loi de 2004 et le rapport des communistes à l’école. Cet effet de mise en abyme, mettant en valeur les événements dans l’événement, amène le lecteur à une prise de conscience de la riche histoire de cette formation politique centenaire, parti des ouvriers et des intellectuels, du débat et de l’émancipation collective. Sans occulter les moments difficiles de l’histoire des communistes français, c’est un regard analytique que posent des chercheurs, certes militants, sur l’aventure sociale, politique, somme toute humaine, dont le PCF fut une roue motrice et qu’il n’a eu de cesse d’accompagner. Un ouvrage grand public portant une haute ambition scientifique, accessible à toutes et tous pour se plonger dans un siècle d’épopée politique.


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Les communistes en Tarn-et-Garonne 1920-1944

PCF 82, 2020

par Arnaud Daimé
Qu’apprendre du Tarn-et-Garon­ne ? C’est un département rural agricole, sans réel bastion ouvrier ; un territoire qui n’a jamais été majoritairement rouge. Et pourtant, si l’on prend le temps de se pencher plus précisément sur la vie des camarades et sur leurs conditions militantes durant la période, leurs réalisations en particulier pendant la Résistance n’en sont pas moins remarquables. L’élection du député communiste Pierre Juge à la Libération en témoignera. À l’initiative du PCF 82, un travail de presque une année a été mené sur l’histoire des communistes dans le département : un temps nécessaire pour consulter de nouvelles archives aujourd’hui accessibles, pour recueillir les derniers témoignages précieux. Ce travail de documentation, d’information et de réflexion qui prend appui sur une grande rigueur historique s’est concrétisé par ce bel objet de plus de quatre cent vingt pages. La première partie du livre concerne les jeunes années du PCF de 1920 à la fin des années 1930. Il s’agit de remettre sur le devant de la scène des militants trop méconnus qui ont permis à ce département de prendre sa part dans l’épopée sociale et historique du début du XXe siècle. Ces recherches inédites sur les débats qui ont suivi le congrès de Tours (en particulier grâce à la lecture du journal régional communiste Ordre nouveau, 1921) sont éclairantes sur l’état d’esprit des militants d’alors. La seconde partie est la réédition intégrale du remarquable ouvrage, aujourd’hui épuisé, Le PCF dans la Résistance en Tarn-et-Garonne qui avait été édité en 1985 sous la direction de Marcel Maurières. Ce texte avait été écrit à la fois par les derniers témoins des événements et grâce à un important travail de documentation. L’édition de 1985 est présentée ici, enrichie par des éléments nouveaux ou de contextualisation complétant ainsi l’histoire de la Résistance dans le département. Dans cette histoire, la place des femmes était trop souvent minimisée. Pourtant, que ce soit pour de l’aide logistique, pour soigner, nourrir, aider à la cache d’armes ou même en tant que responsables de maquis FTPF et FTP-MOI, les militantes ont assuré un rôle déterminant dans le réseau communiste clandestin. Grâce à une trentaine de portraits de militantes, les femmes retrouvent leur juste place dans cette histoire de la Résistance. Enfin, la dernière partie du livre rapporte le rôle majeur tenu par les guérilleros espagnols communistes dans la Résistance. Formés à la lutte armée, leurs connaissances militaires et leur esprit de sacrifice font qu’ils se trouvent souvent à l’avant-garde des combats. Ce chapitre revient également sur la création de la UNE (Union nationale espagnole) présente dans le département, ainsi que sur la détention des républicains dans des camps et les luttes mémorielles en cours à ce sujet.
Dans sa dernière lettre avant d’être fusillé à 19 ans, Louis Sabatier, capitaine FTPF, se demandait ce que représentait « la vie d’un homme en comparaison du bonheur de l’humanité ». Raconter l’histoire de ces militants, mis à l’honneur à la Libération ou restés dans l’ombre, est la moindre des choses que nous puissions faire pour nous montrer dignes d’eux. Un livre pour rappeler que les communistes ont su lutter, défendre leur idéal et parfois payer de leur vie leur attachement à la liberté, et ce partout en France.


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Libres comme l’art. 100 ans d’histoire entre les artistes et le PCF

Yolande Rasle et Renaud Faroux
Éditions de l’Atelier, 2020

par Axel Loscerdales
La crise sanitaire n’aura pas eu raison de l’ambitieux projet porté par Yolande Rasle et Renaud Faroux, dont le catalogue est sorti en fin d’année 2020, une annonce réjouissante pour les amateurs d’art et d’histoire. Annonciateur d’une grande exposition prévue pour cette année, ce bel ouvrage, préfacé par Pierre Laurent, dévoile la riche collection d’œuvres du PCF, mais également un certain nombre de prêts témoignant de la manière avec laquelle le parti centenaire n’a pas usurpé son titre de « parti de l’art ». La célèbre Joconde à moustache de Marcel Duchamp – LHOOQ, offerte au PCF par Louis Aragon, ouvre l’exposition qui sillonne le XXe siècle, traversant les grands mouvements artistiques modernes et contemporains. Commençant sur les dadaïstes et les surréalistes de l’entre-deux-guerres, on retrouve des incontournables : Pablo Picasso, Fernand Léger, Alberto Giacometti… aux côtés d’artistes plus discrets comme le Toulousain Marc Saint-Saëns. Des avant-gardes aux réalismes, d’abstractions en figurations, le parcours rend méthodiquement compte de la pléthore d’artistes ayant gravité autour de la sphère intellectuelle communiste, à l’instar d’Eduardo Arroyo, compagnon des luttes internationales. Comme un écrin de cette initiative, une large place est accordée au siège du PCF et à son architecte Oscar Niemeyer. « La maison du travailleur libre » est en effet devenu un bâtiment classé et un lieu prisé de projets artistiques de toute nature. La création récente est également mise à l’honneur, à travers des photographies des mouvements sociaux des dernières années d’André Lejarre. Une composition détonante de Jerk 45 du collectif 9e Concept, au nom évocateur de C’est un scandale, met en scène Georges Marchais dans un univers coloré et mécanique. Une frise chronologique accompagnée de documents et de photographies conclut l’ouvrage, mettant en perspective les luttes les plus actuelles, en dialogue politique constant avec un parti résolument tourné vers la culture et l’avenir !

Cause commune n° 22 • mars/avril 2021