Par

En Chine, il y a la volonté de renouveler le vivier du service public par le recrutement de jeunes « mieux éduqués, plus compétents, plus professionnels, plus intègres et sélectionnés au mérite ».

Pendant plusieurs siècles, l’examen impérial (le « Keju ») a représenté le principal mécanisme de sélection d’entrée dans la fonction publique de l’Empire du Milieu. Il se basait sur la connaissance des classiques confucéens propres, était-il dit, à s’assurer de la moralité des candidats et de leur capacité à diffuser celle-ci dans la sphère publique. Ce système méritocratique issu du confucianisme favorisant une certaine forme de mobilité sociale est resté un élément structurant de l’idéologie publique chinoise, à l’exception de la période maoïste.

La modernisation administrative
Avec la politique de réforme et d’ouverture lancée par Deng Xiaoping en 1978, la modernisation administrative allait s’imposer comme un outil nécessaire à la mise en œuvre des nouvelles orientations. Le statut de la fonction publique est alors au cœur des relations entre l’État et le Parti et la Constitution de 1982, toujours en vigueur, exprime la détermination des autorités d’instituer durablement les fondations de la politique de modernisation. La Constitution, et à travers elle l’État, restant clairement subordonnée au Parti communiste chinois (PCC). Le 14e congrès du PCC d’octobre 1992 réaffirme ainsi l’objectif de réforme de la fonction publique. Il n’est plus question de la séparation du Parti et de l’État, un temps envisagé au début des années 1980, mais d’un contrôle plus poussé de l’administration par le Parti. Celui-ci s’en tint depuis lors à cette ligne.

Recrutement et formation
Les dirigeants entreprennent une restauration des filières de formation des élites intellectuelles et de la bureaucratie, renouant, d’une certaine façon, avec la tradition méritocratique de l’Empire. Ces trente dernières années, six cycles de réforme de l’administration publique (en 1982, 1988, 1993, 1998, 2003 et 2008) ont été expérimentés et appliqués pour adapter les structures existantes et développer leur capacité d’action dans un contexte économique, social et international en pleine transformation. Ils devaient répondre à la nécessité de renouveler le vivier du service public par le recrutement de jeunes « mieux éduqués, plus compétents, plus professionnels, plus intègres et sélectionnés au mérite ».
Une loi précisant le statut des fonctionnaires adoptée en 2005 détaille les conditions de recrutement, promotion, évaluation et sanction. Une nouvelle grille de rémunération est mise en place ; un bureau de la fonction publique (Civil Service Bureau) est établi au sein du ministère des Ressources humaines avec pour mission notamment de superviser les gouvernements locaux dans la gestion de ces ressources. Cette loi définit une fonction publique moderne « aux caractéristiques chinoises », c’est-à-dire conjuguant le professionnalisme méritocratique d’une administration moderne et le leadership politique et idéologique du PCC. Elle inclut la généralisation des concours dans les recrutements et promotions.

« La refonte administrative a entraîné la mise en place de diplômes comme le master en administration publique (MPA) transférant aux universités une partie de la responsabilité de la formation des cadres, assurée jusqu’alors par les écoles du Parti. »

Dans le cadre d’un nouvel environnement politique, la réforme de l’administration publique de 2008 est mise en œuvre. Le gouvernement central fait alors de la notion de « développement scientifique » la principale ligne directrice définie par le PCC pour le développement futur de la Chine. La réforme stipule que la Chine doit « parvenir à une transformation fondamentale des nouvelles fonctions gouvernementales afin de créer un environnement plus propice au développement, d’offrir des services publics de qualité et plus nombreux ».
La refonte administrative a entraîné la mise en place de diplômes comme le master en administration publique (MPA) transférant aux universités une partie de la responsabilité de la formation des cadres, assurée jusqu’alors par les écoles du Parti. À la différence de ce qui se pratique dans les écoles du Parti et les écoles d’administration, les candidats, titulaires au minimum d’un diplôme de niveau bac + 3, y sont admis sur examen, indépendamment de leur appartenance au PCC ou de leur rang hiérarchique dans leur administration d’origine. Déployées depuis les années 1950, les écoles du Parti aux niveaux central, provincial et municipal continuent de dispenser des formations managériales pour les cadres communistes destinés à prendre de nouvelles responsabilités
En conclusion, la modernisation de la formation des agents de l’État peut être comprise comme un outil d’adaptation du système actuel en vue de son maintien, un changement qui se construit de l’intérieur : non pas en opposition au système, mais au contraire en une forme de soutien pragmatique, privilégiant la stabilité sociale et le développement économique.  

Dominique Bari est journaliste. Elle a été correspondante permanente de L'Humanité en Chine.

Cause commune n° 39 • juin/juillet/août 2024