«Il n’y a pas de paradis fiscal en Europe », déclarait, en octobre dernier, Pierre Moscovici, commissaire aux Affaires économiques et financières, fiscalité et douanes. Après les Wiki Leaks (2010), Offshore Leaks (2013), Lux Leaks (2014), Swiss Leaks et Bel Leaks (2015), Panama Papers et Bahamas Leaks (2016), Malta Files (mai 2017) et autres scandales internationaux qui éclatent tous les trois mois, on aurait pu se dire qu’il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Suite aux révélations des Paradise Papers en novembre 2017, le même commissaire commentait : « Le monde opaque de l’évasion fiscale apparaît soudain au grand jour. » Comique de répétition, véritable incompétence ou complicité ?Il est vrai que, quand on représente une institution bâtie par et pour le capital, on ne compte pas les mille milliards qui disparaissent en Europe dans l’évasion, la fraude et l’optimisation fiscale. La stratégie de la Commission, avec la complicité de nos gouvernements, c’est de tout faire… pour que rien ne bouge.
En juin 2016, suite aux Panama Papers, le parlement européen, malgré sa majorité ultra libérale-conservatrice, avait créé une commission d’enquête sur les blanchiments de capitaux, l’évasion et la fraude fiscale. Après avoir adopté un rapport plein de bonnes intentions et avec très peu de propositions concrètes en octobre 2017, celle-ci a tenu sa dernière réunion le 28 novembre. La Commission quant à elle était censée plancher sur une révision de la directive de 2015 sur le blanchiment d’argent en fournissant notamment une « liste noire » des paradis fiscaux. Par deux fois cette liste a été retoquée par le parlement tant elle semblait loin de la réalité : aucun État européen, seulement onze pays ne comprenant pas… le Panama ! De quoi douter lorsqu’on annonce que, pour faire face aux nouvelles révélations des Paradise Papers, la Commission est en train de revoir sa « liste noire », de nouveau sans y inclure aucun État membre. En 2016, pourtant Oxfam publiait un classement des quinze pires élèves du monde en matière d’évasion fiscale. Parmi eux figuraient Chypre, le Luxembourg, l’Irlande et les Pays-Bas.
Dans un monde où 0,01 % des plus riches parviennent à esquiver 30 % des impôts et où 40 % des profits des multinationales atterrissent dans les paradis fiscaux, c’est l’équivalent de huit millions de personnes qui ne peuvent pas avoir accès aux soins de santé à cause de l’évasion fiscale.
Soulever cette question, c’est donc soulever celles de l’intensification de la lutte de classe et de l’accaparement des richesses. En ce sens, les révélations des Paradise Papers, concernant les montages d’optimisation fiscale pratiqués par des multinationales et des célébrités au niveau mondial, ne sont que la partie visible de l’iceberg.
Face à l’ampleur du phénomène, il nous faut passer à l’offensive. La saisie de la justice par le lanceur d’alerte Raphaël Halet (Lux Leaks) le 27 novembre dernier, pour « non-respect des sources », est un premier pas qui démontre la nécessité d’un cadre juridique européen et international de protection des lanceurs d’alerte. Mais, bien au-delà, la mise en place de la COP fiscale mondiale proposée par les parlementaires communistes et adoptée par l’Assemblée nationale est une priorité absolue. L’évasion fiscale aujourd’hui n’est pas un dommage collatéral des politiques néolibérales, mais bien le cœur du système lui-même. La combattre est impératif pour construire notre projet révolutionnaire.
Charlotte Balavoine est membre du collectif Europe du PCF.
Cause commune n° 3 - janvier/février 2018