Par

Le gouvernement d’extrême droite polonais a décidé d’engager une bataille contre la Cour de justice de l’Union européenne sur la question de la primauté du droit européen. Il convient de démêler l’écheveau et la grande confusion qui règne sur ce concept.

Tout d’abord, le gouvernement polonais, qui s’illustre tristement par sa xénophobie et sa lutte contre les droits des femmes, cible son combat. Il ne mène pas une bataille contre l’Union européenne libérale capitaliste. Il en est même un des principaux promoteurs, quand il s’agit de déréguler et de s’en prendre au maximum aux droits des travailleurs. Il mène en réalité une bataille contre les droits élémentaires du peuple polonais. Il cherche, par exemple, à étouffer les nombreuses luttes en faveur des droits des femmes qui se mobilisent sur le mot d’ordre Strajk kobiet (grève des femmes). Dans le même temps, l’UE cible ses combats contre le gouvernement polonais. Un rapport du conseil de l’Europe de septembre 2021 a rendu des conclusions alarmantes sur la régression grave des droits des femmes en Pologne et sur la situation très préoccupante des violences domestiques. Ce n’est certes pas un rapport de l’UE, mais du conseil de l’Europe. Pourtant, l’UE ne dit rien et ne fait rien à ce propos. Et la Pologne reste le principal bénéficiaire, en somme brute, des fonds structurels européens.
En outre, la « primauté du droit européen » n’est nullement inscrite dans les traités européens. Aucun peuple, ni aucun parlement n’ont ratifié ce principe. Il s’agit d’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui s’est imposée au fil du temps comme le bras armé des traités européens. Ses arrêts produisent une jurisprudence qu’elle considère comme s’imposant aux États membres. Cette question de la primauté du droit européen apparaît dès 1964 dans un arrêt de cette cour, alors Cour de justice des communautés européennes, qui déclare : « à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des États membres […] et qui s'impose à leurs juridictions. » Or rien dans ledit traité, en l’occurrence celui de Rome de 1957, ne va dans cette voie.
Nous avons donc d’un côté un gouvernement d’extrême droite qui veut imposer au peuple de son pays de nouvelles régressions, et de l’autre un « principe » qui n’en est pas un, et qui a été utilisé par les libéraux pour aller plus loin que le contenu des traités dans l’intégration capitaliste de l’Union européenne.
Il importe par conséquent pour la gauche de se battre autour de trois idées. D’une part, la souveraineté démocratique des peuples et des nations n’a rien à voir avec le souverainisme nationaliste de l’extrême droite. Il en est même l’antithèse, car ses fondements sont la démocratie et les droits des peuples. Or le souverainisme d’extrême droite nie ses deux principes fondamentaux. D’autre part, toute délégation de souveraineté doit se faire avec l’accord des nations, en consultant les peuples et les parlements nationaux. Enfin, les coopérations européennes doivent se faire en alignant les droits sociaux et démocratiques des peuples vers le haut. Ce sont autant de ruptures fondamentales avec l’ordre libéral européen existant, et avec le souverainisme de droite.  

Cause commune • novembre/décembre 2021