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Souvenez-vous, « le monde d’après » tant vanté durant la pandémie de covid 19. On nous disait qu’on allait voir ce qu’on allait voir, que l’austérité, promis, juré, c’était terminé. Pour les bourgeoisies européennes, on sait désormais de quoi il en retourne : l’imposition d’une nouvelle cure d’austérité à l’échelle du continent est bel et bien à l’ordre du jour.

UNE NOUVELLE MISE SOUS TUTELLE BUDGÉTAIRE

Le 26 juillet dernier, le conseil de l’Union européenne, sur proposition de la commission, a déclaré avoir ouvert six procédures de déficit excessif, à l’encontre de la France, mais également de l’Italie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne et de la Slovaquie. Il s’agit de la première du genre depuis la pandémie. Cela signifie que la France, théoriquement, pourrait se voir imposer une amende à hauteur de 0,1 % du PIB, soit 2,5 milliards d’euros. Dans les faits, le message est surtout politique. Il s’agit d’une nouvelle mise sous tutelle budgétaire. Dans les prochaines semaines, la France va devoir présenter un plan de réduction de la dette, exposant la trajectoire pour y parvenir. En clair, les économies sur la dépense publique. En novembre, la commission se prononcera sur ce plan.

« L’acceptation de ce retour à l’austérité libérale européiste fait partie du coup de force macroniste, en cours en France depuis les résultats du second tour des législatives. »

Ici apparaissent les conséquences concrètes du retour des règles budgétaires décidées en avril dernier, constituées des fameuses règles maastrichtiennes des 3 % de déficit budgétaire et des 60 % de PIB de dette. Elles sont désormais assorties d’une trajectoire pluriannuelle remplissant cet objectif. C’est le manque d’investissement productif en France qui est ciblé.

UN PROJET DE CLASSE
Derrière cela émerge un projet politique conservateur et libéral, associé à la nature austéritaire par essence de la construction capitaliste européenne. À peine réélue en fonction par le Parlement européen, le 18 juillet, à la tête de la commission européenne, Ursula von der Leyen imprime la marque de sa famille politique, qui est une des grandes gagnantes des élections européennes, étant arrivée en tête dans douze des vingt-sept pays membres. C’est donc bien un projet de classe qui est mis en œuvre, avec le soutien actif d’Emmanuel Macron. Il entend ainsi faire payer aux populations les difficultés économiques dont les politiques mises en œuvre depuis trop longtemps menacent la zone euro. Cette orientation brutale ne fera qu’enfermer le continent dans la stagnation, la régression sociale, l’appauvrissement d’une partie grandissante de ses citoyens et citoyennes. Ce qui affaiblira encore davantage nos services publics et les nécessaires investissements publics qu’appellent l’indispensable réindustrialisation de notre pays et la non moins indispensable transition écologique.

Ce projet de classe est également profondément antidémocratique. En France, c’est un gouvernement maintenu envers et contre la volonté populaire, un gouvernement qui a essuyé trois défaites électorales en un mois. Rappelons que le conseil de l’Union européenne est composé des représentants des gouvernements des pays membres. C’est donc un gouvernement sans légitimité populaire qui a accepté que la France soit ainsi mise sous tutelle et qui a engagé notre pays alors qu’il n’a aucun mandat pour élaborer le prochain budget de la nation. L’acceptation de ce retour à l’austérité libérale européiste fait partie du coup de force macroniste en cours en France depuis les résultats du second tour des législatives.

LE RÔLE D’UN GOUVERNEMENT DU NOUVEAU FRONT POPULAIRE
C’est dire enfin l’ampleur de la bataille politique à mener. Seule la constitution d’un gouvernement du Nouveau Front populaire permettra d’engager les combats nécessaires pour protéger notre pays, et démontrer qu’il est possible d’emprunter un nouveau chemin en Europe. Lui seul pourra redresser le pays, trouver les moyens de remettre de l’ordre dans les finances publiques par une réforme fiscale de justice qui créera de nouvelles recettes, procéder aux investissements nécessaires et agir en faveur d’un fonds de développement économique, social et écologique européen pour les services publics financé par la Banque centrale européenne. Lui seul pourra engager avec les partenaires de la France les discussions à même de donner un autre cap à la construction européenne, celui d’un développement soutenable, conciliant justice sociale et justice environnementale, pour répondre à l’intérêt général.

« Seul un gouvernement du Nouveau Front populaire pourra engager avec les partenaires de la France les discussions à même de donner un autre cap à la construction européenne, celui d’un développement soutenable, conciliant justice sociale et justice environnementale. »

Pour le PCF, il convient aussi d’engager une discussion approfondie avec ses partenaires européens sur les outils, les moyens et les objectifs de cette bataille, alors que les cadres actuels d’intervention en Europe souffrent d’un manque d’efficacité et de réactivité. Il faudra imaginer avec eux de nouvelles modalités d’action, respectueuses des diversités nationales et politiques, pour répondre aux nouveaux enjeux et à la nouvelle période de la lutte de classe en Europe ainsi qu’aux urgences politiques, alors que la droite et l’extrême droite sont partout à l’offensive, pour dessiner un nouvel espoir pour les peuples d’Europe.

Vincent Boulet est membre du comité exécutif national, chargé des relations internationales du PCF. Il est vice-président du Parti de la gauche européenne.

Cause commune 40 • septembre/octobre 2024