Le 30 décembre 1920, Paul Vaillant-Couturier lit l’acte de naissance de la Section française de l’Internationale communiste. Des minoritaires continuent le Parti socialiste de l’Internationale ouvrière, la « vieille maison », selon l’expression de Léon Blum.
À propos de la guerre et de la Révolution d’Octobre
La « Grande Guerre », outre ses conséquences démographiques, modifie les conditions de vie, de travail et de pensée. Des dirigeants socialistes et syndicalistes n’ont pas respecté leurs engagements de s’y opposer. Un courant hostile à l’effort de guerre se structure après la révolution bolchevique.
À partir de 1918, des événements de nature révolutionnaire se produisent en Europe. En France, on considère la révolution russe comme dangereuse. Dans le Parti socialiste, les minoritaires l’emportent en octobre 1918. Dans la CGT, les conceptions de Léon Jouhaux triomphent. Socialistes et syndicalistes minoritaires, nullement confondus, cherchent des modèles dans la révolution russe et l’Internationale communiste, qui veut provoquer la révolution mondiale.
Les échecs du mouvement ouvrier
Après la fin des combats, des affrontements reprennent avec des grèves et un puissant 1er mai 1919. Les travailleurs gagnent : conventions collectives, journée de huit heures, augmentation de salaires, arrêt de la guerre contre-révolutionnaire en Russie. La stratégie de la direction de la CGT – la grève générale – se heurte, en mai 1920, à la répression. La défaite du Parti socialiste SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) aux élections législatives de novembre 1919 conduit à rechercher une autre voie.
Voie communiste nouvelle ou voie socialiste classique ?
L’espoir peut venir du bolchevisme. Un Comité de la IIIe Internationale lance le Bulletin communiste, en mars 1920, avec Boris Souvarine, pour faire connaître les idées bolcheviques.
« Socialistes et syndicalistes minoritaires, nullement confondus, cherchent des modèles dans la révolution russe et l’Internationale communiste, qui veut provoquer la révolution mondiale. »
Le Parti socialiste décide d’entreprendre des discussions avec la IIIe Internationale (IC), après la rupture avec la IIe.
La stratégie de l’IC change d’orientation. Après l’échec de la révolution mondiale, il faut faire adhérer les partis socialistes à l’IC et les bolcheviser ensuite. Cette rupture avec le réformisme se manifeste dans les vingt et une conditions qui énoncent les principes de tout parti communiste de type nouveau.
Que faire de la IIe Internationale ?
Dans le mouvement ouvrier surtout, les idées réformistes connaissent des avancées orchestrées et résistent. Trois grands courants divisent la France socialiste, avec des situations régionales différentes.
Autour du quotidien Le Populaire, en communion de pensées avec des socialistes « centristes » européens, un Comité pour la reconstruction de l’Internationale (CRI) s’organise. S’en détachent, après le congrès de l’IC, Louis-Oscar Frossard et Marcel Cachin. Les partisans de la motion d’« adhésion sous réserves à la IIIe Internationale » sont dénoncés comme des « réformistes avérés ».
« Cette scission, aux origines multiples, cristallise la contradiction contenue dans le couple réforme-révolution, par l’émergence de deux forces politiques, de deux modes de pensée, de deux cultures. »
Depuis la fin de 1919, un Comité de résistance à la IIIe Internationale développe les raisons de s’opposer à l’adhésion. Ils sont rejoints par les signataires de la motion « pour l’unité internationale » autour de Léon Blum.
Des négociations s’engagent pour élaborer la motion d’adhésion à l’IC pour le congrès. Les dirigeants du Comité de la IIIe Internationale, en prison, y prennent une part active.
À la veille du congrès de Tours
Les discussions dans le parti s’étalent sur plusieurs semaines et intéressent de larges courants d’opinion. L’adhésion à la IIIe Internationale l’emporte. La seule interrogation porte sur l’attitude des reconstructeurs.
Pendant la première partie du congrès de Tours, les représentants des fédérations affirment en majorité leurs choix d’adhérer à l’IC. Puis interviennent les représentants des grands courants qui traversent le parti. Dans les coulisses, des négociations se poursuivent notamment entre ceux qui se prononcent pour l’adhésion. Les partisans de l’IC ne sont pas absents et le rôle de Clara Zetkin ne se limite pas à la lettre lue à la tribune ou à son apparition dans la salle devenue obscure. Le télégramme du comité exécutif de l’IC rappelle l’exigence de ne pas conclure d’accord avec les amis de Jean Longuet et avec la politique réformiste.
Chaque courant estime avoir fait le bon choix mais rien n’est encore décisif. Souvent, le souhait d’éviter la cassure entre reconstructeurs et partisans de l’adhésion à la IIIe Internationale, formulé ou non formulé, plane sur les débats.
La ligne de cassure demeure incertaine. Pour les deux forces, les années de reconstruction confirmeront, accentueront ou inverseront les choix de Tours. La scission ne prend effet que par la pratique politique et sociale. Cette scission, aux origines multiples, cristallise la contradiction contenue dans le couple réforme-révolution, par l’émergence de deux forces politiques, de deux modes de pensée, de deux cultures.
Jacques Girault est historien, Il est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris-XIII.
Cause commune n° 14/15 • janvier/février 2020