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Effondrements, catastrophes… Comment s’en sortir ?

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Chaque jour voit la venue d'une nouvelle inquiétante. Une crise globale avance, elle touche le climat, la biodiversité, la santé, la sécurité alimentaire, l'économie, l'avenir même de la planète. Comment l'analyser et que faire ?

par Aurélien Bonnarel et Pierre Crépel

La COP26 vient de s’achever. Les ONG, les partis progressistes, les pays pauvres sont plus que déçus. Comme le dit Ian Brossat, porte-parole du PCF, « le salut ne viendra pas de ce pitoyable compromis ». Il ne faut pas attendre que les grands pays pollueurs, leurs multinationales et leurs « marchés carbone » prennent de gaieté de cœur les mesures qui s’imposent. C’est aux peuples, à tous les niveaux (du local à l’international) de prendre les choses en main avant les plus grandes catastrophes, et ils en ont les moyens, ils peuvent montrer l’exemple, ils peuvent faire pression. Mobilisations citoyennes, combats électoraux, recours en justice, constructions par « en bas » : des convergences existent, des forces vives sont prêtes pour cela.

Un recours urgent à l’action
Le rapport du GIEC est sans appel : le changement climatique affecte les populations, les écosystèmes et les moyens de subsistance. Le dernier rapport appelle à un sursaut international pour tenir l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C au-delà des niveaux préindustriels.

« Les peuples ont des ressources en matière de raison, de fraternité, d’imagination, d’énergie, qui peuvent permettre une contre-attaque, tempérer de nombreuses catastrophes et rebondir dans une autre direction. »

Les changements à opérer ne se limitent pas à la lutte contre le dérèglement climatique, ils concernent aussi la biodiversité, les pandémies, la crise énergétique, les crises économiques, la sécurité alimentaire, les libertés, les migrations. Tout est lié. Le rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) alerte sur le fait que « la nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humai­ne ». Les populations du Sud, longtemps les plus vulnérables, subissent de plein fouet les effets de cette crise environnementale, qui n’épargne pas non plus les pays développés, comme en témoignent les récents épisodes climatiques extrêmes. Ce ne sont pas les fermetures de frontières, les subventions sans contreparties aux grands groupes privés, la mainmise de l’argent sur ce qui reste de solidaire, ni les atermoiements ou les quarts de mesures, qui résoudront quelque problème que ce soit. Il faut une ambition pour un vrai changement de société. Les communistes se prononcent pour une action résolue, et cela à tous les niveaux.

Le risque d’un découragement fataliste
Depuis 2015 des auteurs de l’effondrement ont gagné une audience impressionnante et conquis un public vaste qu’ils sensibilisent à l’urgence écologique. Pablo Servigne et Raphaël Stevens définissent ainsi leur démarche dans leur ouvrage, Comment tout peut s’effondrer : « La collapsologie est l’exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de notre civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder, en s’appuyant sur les deux modes cognitifs que sont la raison et l’intuition et sur des travaux scientifiques reconnus. » En quatre ans, ce discours apocalyptique a du succès en librairie, mais aussi dans les médias, où les deux auteurs sont très régulièrement invités pour évoquer la catastrophe environnementale. À certains points de vue, ils ont souligné des informations insuffisamment connues, montré la globalité des problèmes et sensibilisé à l’urgence écologique. Mais en appelant à se préparer à la catastrophe inéluctable, leurs discours paraissent davantage relever du prophétisme que de la science. Et ils font courir le risque d’un découragement fataliste au moment où la situation exige un recours urgent à l’action.

« Une mise en cause fondamentale du capitalisme est nécessaire : mais il ne s’agit pas d’“attendre la révolution”, toute action, même minime, est indispensable à court terme. »

Tout le monde s’exprime sur le sujet : des scientifiques, des militants associatifs, des personnalités politiques, et aussi des charlatans, des « survivalistes », etc. Les contributions qui suivent ne tranchent évidemment pas sur tout, parce que la vie, l’imprévu prennent toujours le dessus sur les analyses, mais il s’en dégagera l’idée générale suivante : la gravité de la situation est souvent sous-estimée ; cependant l’humanité, les peuples ont des ressources en matière de raison, de fraternité, d’imagination, d’énergie, qui peuvent permettre une contre-attaque, tempérer de nombreuses catastrophes et rebondir dans une autre direction. Pour cela, une mise en cause fondamentale du capitalisme est nécessaire : mais il ne s’agit pas d’« attendre la révolution », toute action, même minime, est indispensable à court terme.
Les visions d’un Trump ou d’un Bolsanaro sont caricaturales et irresponsables, l'un et l'autre nient l’évidence pour imposer de continuer comme si de rien n’était. La plupart des dirigeants des multinationales et les politiciens à leur service procèdent autrement : ils affirment, la main sur le cœur, que l’avenir de la planète et de l’humanité les angoisse au plus haut point, mais leurs actes semblent plutôt prouver le contraire. Les partis traditionnels de droite, du centre ou de pseudo-gauche sont à la peine ; le monde de l’argent mise souvent sur des Trump, des Bolsonaro, des Kast, des Zemmour, sur la confusion, l’irrationnel, le découragement, le nationalisme brutal, le mensonge cynique. D’un autre côté, il y a ceux qui tombent dans un pessimisme absolu comme cet ancien ministre de l’Écologie, réfugié dans une propriété rurale de survie.
Aujourd’hui, les humanistes, la jeunesse raisonnent et agissent autrement. Dans tous les pays, les jeunes ont marché par millions. Une nouvelle génération à la recherche d’un monde nouveau crie son refus des catastrophes qui s’annoncent implacablement si on continue selon les règles actuelles, Des associations naissent et se développent, ouvrent leurs champs d’action, et cela sur tous les continents. La conscience grandit qu’on ne peut espérer trouver une issue ni dans un « capitalisme vert », souvent mâtiné d’hypocrisie et d’affairisme banal, ni dans une politique de « petits pas » individuels.
Le dossier vise à stimuler la réflexion en présentant à la fois des acquis scientifiques, des analyses transversales et des propositions politiques soumises aux citoyens. Il faut indiscutablement changer de braquet.

Aurélien Bonnarel et Pierre Crépel sont membres du comité de rédaction. Ils ont coordonné ce dossier.

Cause commune • novembre/décembre 2021