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Le Mouvement jeunes communistes de France (MJCF) a tenu son 44e congrès à Bobigny du 11 au 13 avril. Alors qu’Assan Lakehoul a été réélu secrétaire général, Camille Mongin, étudiante en master d'économie de 22 ans, a été élue au poste de secrétaire nationale de l’Union des étudiants communistes (UEC).

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CC : Plus de deux cent soixante  jeunes militants, venus de toute la France pour ce congrès du MJCF, ont débattu et travaillé sur un texte d’orientation politique intitulé : « Une organisation proche, utile et révolutionnaire ». Quels sont les axes majeurs de ce texte ?

L’objectif de notre 44e congrès était de ressortir avec un texte utile, nous permettant à la fois d’avoir un outil politique clair et un guide concret pour l’organisation de notre militantisme. 

Notre nouveau texte d’orientation répond à ces exigences. Il s’inscrit dans la continuité et le développement. Il réaffirme les éléments essentiels de notre identité et de notre stratégie. Le MJCF lutte pour l’avènement d’une société communiste aux côtés du PCF. La richesse de notre héritage est rappelée, de la Révolution française à Lénine, en passant par Marx, Engels et Jaurès.

La recomposition des rapports de force internationaux structure notre analyse. Nous constatons la remise en cause de l’hégémonie étatsunienne et de son impérialisme, avec l’émergence de puissances comme la Chine. Cette perte de crédibilité du monde occidental pousse de nombreux pays à se tourner vers des formes de coopération alternatives, à l’image des BRICS+ (le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, l’Iran, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Indonésie et l’Éthiopie).

Nous affirmons que les logiques capitalistes et impérialistes représentent une menace grave et imminente pour le climat et la paix. Il est urgent de bâtir un nouvel ordre international, affranchi des logiques guerrières et capitalistes. Notre engagement pour la paix, la liberté et l’autodétermination du peuple palestinien s’inscrit dans cette perspective.

« Les jeunes de notre classe subissent
de plein fouet la casse du service public
de l’éducation, du démantèlement
de la formation professionnelle
à l’autonomisation de nos universités. »

Dans ce contexte, l’Union européenne, vassale des États-Unis, contribue au détricotage de nos conquêtes et prépare le terrain à l’extrême droite.

Notre République est à bout de souffle. Ses institutions, au service de la bourgeoisie, sont incapables de faire face à la vague réactionnaire. Racisme, antisémitisme et patriarcat s'exacèrbent, poisons de la division de la classe travailleuse. Les jeunes subissent de plein fouet la casse du service public de l’éducation, du démantèlement de la formation professionnelle à l’autonomisation de nos universités.

Mais si ce texte rappelle une chose, c’est que le MJCF se situe dans l’action. Nous affirmons l’ambition d’une organisation de jeunesse révolutionnaire, donc à vocation majoritaire. Une organisation qui refuse l’entre-soi et développe une stratégie d’implantation dans tous les pans de la jeunesse.

C’est pourquoi nous donnons naissance à des groupes et à des cercles à l’échelon de base de notre militantisme, avec une structuration au plus proche des lieux de vie : lycées, centres de formation d'apprentis (CFA), cités universitaires… Nous entendons développer cette stratégie dite « en branches ». Ainsi, l’UEC accueille aujourd’hui ces « bourgeons ». Nous voulons les faire grandir pour qu’ils deviennent, à terme, des branches à part entière, à l’image de l’UEC.

CC : À 22 ans, tu prends le relais de Léna Raud au sein de l’UEC. Quel regard portes-tu sur le travail accompli par les étudiantes et étudiants communistes ces dernières années, et quels sont, selon toi, les grands défis et priorités pour les mois à venir ?

Le mandat de Léna, dans la continuité de celui de Jeanne, a permis à l’UEC de se structurer sur les lieux d’enseignement supérieur et de définir clairement la stratégie qui nous mènera vers l’organisation de masse. Comme l’a confirmé le dernier congrès, l’UEC poursuit une stratégie qui porte ses fruits. À partir des réalités concrètes des étudiants, nous nous inscrivons dans une remise en cause du capitalisme.

C’est ce que nous faisons avec la campagne logement. Nous partons d’une réalité commune à l’ensemble des étudiantes et étudiants : la difficulté à se loger en l’absence d’autonomie financière. Ensuite, nous portons des revendications qui exposent notre projet de société : véritable service public national du logement, revenu étudiant…

« Il est urgent de réaffirmer un service public fort, capable de garantir l’accès à toutes et à tous un enseignement de qualité, sans sélection sociale déguisée. »

De nombreux grands travaux restent à mener à l’UEC. Nous devons continuer la construction des cercles dans les cités universitaires. C’est par la structuration au plus proche que le mouvement saura s'enraciner de manière durable. Nous devons développer une nouvelle stratégie nous permettant de nous implanter sur des lieux d’enseignement supérieur autres que les universités comme les instituts universitaires de technologie (IUT) ou les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Cela nous permettra d’être présents dans des départements qui ne possèdent pas forcément d’université ou de grande ville étudiante et de parler plus largement.

CC : Ce congrès a été marqué par la présence de délégations internationales, notamment palestiniennes et israéliennes, unies dans leur opposition à la politique coloniale du gouvernement israélien. Comment l’UEC compte-t-elle porter une voix pour la paix dans les facultés ?

Les questions internationales occupent une place essentielle dans la vie universitaire. Les étudiantes et les étudiants sont nombreux à vouloir comprendre et débattre des grands enjeux de notre monde. La question de la Palestine en est un exemple concret. En témoignent les multiples manifestations qui ont eu lieu au cours de l’année sur les campus.

L’UEC relaie les appels à la paix et à la justice en Palestine sur les campus. Elle crée des espaces accessibles et réguliers de discussion et de mobilisation.

C’est dans cette optique que nous organisons les « Quinze jours pour la paix », un temps fort de notre calendrier militant, qui permet de traiter les grandes questions internationales à partir de l’actualité. Cette année, la Palestine était évidemment au cœur de ces quinze jours. L’idée est de rendre ces moments les plus accessibles possible avec, par exemple, l’organisation de cafés de L’Avant Garde mais aussi d’événements plus larges, festifs et culturels, comme des concerts ou des tournois sportifs. La branche étudiante mène également de front la bataille nationale pour la reconnaissance de l’État de Palestine par la France.

CC : Parmi les décisions centrales du congrès, a été adopté le lancement d’une vaste campagne nommée « 1 million d’emplois, pour sortir les jeunes de la précarité et révolutionner la France ». Comment l’UEC entend-elle s’en emparer dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur pour mobiliser largement la jeunesse étudiante ?

Effectivement, cette grande campagne nationale a été adoptée. Elle permet de relier les questions d’orientation, de formation et d’insertion professionnelle des jeunes. Le capitalisme ne répond pas à nos aspirations, avec cette campagne, nous voulons prendre notre avenir en main.

Pour l’UEC, la question de l’emploi et de sa juste planification est évidemment liée à celle de l’enseignement, pour lequel nous revendiquons également une planification. De la même manière que nous refusons le « marché » du travail, nous refusons le « marché » de l’enseignement et de la recherche. L’enseignement supérieur est un pilier de notre société. Pourtant, il semble aujourd’hui isolé du monde du travail.

Ce phénomène peut s’expliquer par plusieurs éléments. D’abord, par une perte de confiance dans les institutions et dans la parole scientifique attaquée par les réactionnaires. De même, le nombre de prérequis pour entrer dans l’enseignement supérieur ne fait que croître. Avec Parcoursup puis Mon master, l’accès aux études supérieures s'est restreint, transformant l’enseignement supérieur en un véritable système élitiste. Enfin, les coûts liés à la vie étudiante exacerbent les inégalités et limitent  encore davantage l’accès à l’enseignement supérieur.

« C’est par la structuration au plus proche, la poursuite de la construction des cercles dans les cités universitaires que le mouvement s’implantera de manière durable. »

Tout cela sert les libéraux qui ne souhaitent pas un enseignement supérieur, émancipateur et formateur pour les futurs jeunes travailleurs, mais bien un outil au service du capital.

Il faut donc s’organiser pour mener cette campagne en militant dans les lieux d’enseignement supérieur abandonnés par les forces politiques que sont les IUT, les IFSI ou encore les IRTS (Institut régional du travail social). Ces formations dites « professionnalisantes » sont les premières victimes de la privatisation de l’enseignement supérieur.

CC : Dans une tribune, tu as récemment affirmé que l’enseignement supérieur n’est pas un luxe et qu’y renoncer, c’est accepter le déclin du pays. Face aux logiques de sélection et de précarisation, que faudrait-il changer dans l’enseignement supérieur pour qu’il devienne un véritable levier de transformation sociale et démocratique ?

Depuis le processus de Bologne et la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités), l’enseignement supérieur a été entraîné dans une logique d’autonomisation qui, en réalité, marque le désengagement de l’État. Ce processus met en concurrence universités, diplômes, chercheurs et étudiants, affaiblissant le sens même d’un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Si l’on veut que l’ESR devienne un véritable levier de transformation sociale et démocratique, il faut rompre avec cette logique.

« Investir dans les filières techniques, scientifiques et d’ingénierie pour préserver et transmettre les savoir-faire industriels. »

Il est urgent de réaffirmer un service public fort, capable de garantir l’accès à toutes et à tous à un enseignement de qualité, sans sélection sociale déguisée. Cela passe par une planification de la recherche tournée vers les besoins humains et non vers les logiques de profit. Il faut mettre fin à la dépendance au financement privé qui oriente les travaux vers les intérêts des marchés, au détriment de l’intérêt général.

Cette planification de la recherche doit s’accompagner d’une planification des formations, pour former aux métiers nécessaires à la transition écologique, à la justice sociale, à la souveraineté démocratique. L’ESR doit redevenir un outil d’émancipation et de progrès collectif.

CC : Alors que l’ESR privé capte désormais plus de 26 % des étudiants, au détriment de la qualité et de l’égalité d’accès au savoir, quelle réponse politique opposer à cette privatisation rampante de l’université ?

La privatisation de l’ESR est le résultat d’un désengagement progressif de l’État, à commencer par le manque d’ambition politique pour le service public universitaire. Ce retrait se traduit concrètement : fermeture de licences, diminution du nombre de places, absence de formations dans des disciplines de pointe, et sélection sociale via Parcoursup ou Mon master. Chaque année, des milliers de jeunes se retrouvent sans solution, non pas parce qu’ils manquent d'aptitudes ou de volonté, mais parce que nos universités sous-financées n'ont pas assez de places.

Le privé prospère là où l’État se désengage, et cela n’est pas un accident.

Face à cela, notre réponse doit être claire : nous devons affirmer l’urgence de la formation pour toutes et tous, reculer sur l’autonomisation des établissements qui crée de fortes inégalités territoriales, et investir massivement dans l’ESR, à la fois en le finançant mieux et en construisant de nouvelles universités. Nous voulons une France qui produit et innove ; mais cela nécessite des jeunes bien formés, ce que les politiques libérales semblent avoir oublié.

Redonner du sens à l’ESR, c’est aussi redonner du sens au travail des jeunes, à leur avenir. Il faut des formations connectées aux besoins du pays comme aux aspirations de la jeunesse.

CC : Tu es étudiante en master d’économie, gestion de l’environnement et développement durable : dans ce contexte de désindustrialisation massive, comment articuler formation, recherche et réindustrialisation pour répondre aux besoins sociaux et écologiques du pays, loin des logiques de profit à court terme ?

Articuler formation, recherche et réindustrialisation est crucial pour répondre aux urgences sociales et écologiques. Tant que l’objectif premier restera la rentabilité à court terme, cela ne mènera à rien de bon. Le cas d’ArcelorMittal à Dunkerque, que j’ai étudié  dans le cadre de mon master, en est une parfaite illustration.

« Le privé prospère là où l’État se désengage, et cela n’est pas un accident. »

Le secteur de l’acier, fortement émetteur de CO2, est au cœur des enjeux de transition écologique. Il est impératif d’investir dans la recherche pour développer des technologies moins polluantes, telles que les fours à arcs électriques, les procédés DRI (de réduction directe du fer), mais aussi des technologies de captage et de stockage du carbone. Mais la décarbonation de la sidérurgie ne se décrète pas : elle nécessite une planification industrielle cohérente, des investissements massifs et une vision de long terme, intégrant les enjeux d’environnement, d’emploi et de souveraineté.

La fermeture des hauts fourneaux pose la question de la perte de compétences, de la réduction de notre capacité productive et de notre autonomie stratégique. Elle pourrait entraîner la disparition de synergies locales précieuses. Par exemple, les hauts fourneaux d’ArcelorMittal chauffent la ville de Dunkerque grâce à leur chaleur fatale (produite en surplus). Le « laitier », sous-produit de l’acier, est utilisé pour remplacer le sable dans la fabrication du ciment, permettant d’en décarboner la production.

Former les jeunes à ces enjeux est une priorité. Il faut investir dans les filières techniques, scientifiques et d’ingénierie pour préserver et transmettre les savoir-faire industriels. La formation doit s’articuler avec la recherche pour concevoir des solutions durables et concrètes, afin que les futurs professionnels soient en mesure de relever les défis environnementaux et sociaux qui les attendent.

Cause commune44 • été 2025