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On a tendance à voir l’Union européenne comme un bloc monolithique, elle est en fait un terrain où les rapports de forces politiques et sociaux s’affrontent en permanence. Mon expérience en témoigne.

Élue en juillet 2017, j’ai dû immédiatement décider du meilleur moyen d’être utile au cœur de l’institution. Pour mes assistants qui sont également des militants et pour moi-même la réponse a été rapide. Mes collègues Patrick Le Hyaric (PCF) et Marie-Christine Vergiat (Front de gauche) s’étaient investis respectivement sur les questions de libre-échange et de Palestine ou sur les questions migratoires. Il manquait dans notre composante française PCF/FdG une élue dont l’activité parlementaire soit directement connectée aux luttes sociales et au combat anti-austéritaire. J’héritais de mon prédécesseur la commission budget ; je me suis positionnée pour siéger dans celle des transports puis, dans la foulée, j’ai pu également devenir vice-présidente de l’intergroupe service public, ce qui a donné une cohérence à mon action. Il n’était pas question d’être une eurodéputée exilée à Bruxelles, se perdant dans des heures de commissions obscures et de réunions avec les « lobbyistes ». Pas question non plus d’être de ceux qu’on n’entend jamais, aux abonnés absents, cautionnant par leur silence la grande machine de l’Europe qui oppresse. J’ai donc travaillé mon mandat sur deux terrains.

Des combats de proximité
D’abord, celui de la proximité, ce qui m’a amenée à me déplacer une fois par mois au minimum dans un des départements de ma circonscription du grand Ouest pour tisser un lien entre terrain et parlement européen. C’est ainsi que la PAC et aujourd’hui le combat contre les réductions budgétaires inscrites dans le prochain cadre financier pluriannuel, la création d’un droit européen à la souveraineté et la sécurité alimentaire, voire celle d’une sécurité sociale de l’alimentation, ont pris une place importante dans mon engagement. La bataille du rail du printemps 2018, de même que les luttes locales sur la Poste et sur l’énergie avec les actions du PCF sur les barrages hydrauliques m’ont également amenée à initier un audit sur les directives de libéralisation de ces trois services publics et sur quatre pays de l’UE : la France, l’Allemagne, l’Espagne et la Slovaquie. Un travail dont les conclusions vont pouvoir alimenter les mobilisations comme notre campagne électorale. La défense des libertés et de la démocratie, qui est pour moi intimement liée à la refondation d’une politique européenne de progrès social et humain, a pris une part importante dans mon action. J’essaie de participer aux initiatives unitaires sur les migrants au côté de Marie-Christine Vergiat ; je suis également très active auprès des prisonniers politiques – en Catalogne avec la plateforme Union européenne- Catalogne ou, bien sûr, en France avec Georges Ibrahim Abdallah. Ensuite, je me suis battue pour arracher des avancées concrètes sur des dossiers emblématiques de l’affrontement politique, très souvent aux côtés de syndicalistes et de militants d’ONG. J’étais présente au forum social de Bahia au Brésil en mars 2018, qui a marqué un grand moment de résistance des forces de gauche d’Amérique latine, du mouvement féministe avant l’élection de Bolsonaro. Aujourd’hui, j’aide à la constitution d’un lieu de débat permanent entre la GUE et des acteurs altermondialistes afin que notre groupe soit un point d’appui institutionnel pour leurs batailles.

« Nous avons réussi en juillet l’exploit de faire rejeter l’ensemble du paquet routier en session plénière. »

Au niveau parlementaire, cela permet un travail efficace en commission, mais sans se perdre dans les méandres eurocratiques. Synthétiques, clairs et efficaces, nous portons nos revendications sans détour et au cœur du système.

L’exemple d’un combat victorieux
Le rapport de forces nous est largement défavorable mais, avec la mobilisation populaire et l’appui du mouvement social, il est possible d’enrayer la machine. L’un des combats les plus importants que j’ai pu mener pendant mon mandat est celui des chauffeurs routiers. Tout au long de ces mois, nous avons lutté, main dans la main, avec les routiers ; ce fut un combat rude mais qui a fini par payer. Nous avons travaillé les sujets du temps de travail, des travailleurs détachés, du repos dans la cabine dans un dialogue continu avec la CGT route et la section route d’ETF (European Transport Federation). Nous avons porté les intérêts des travailleurs sur tous les fronts, tant en commission transports par le jeu des votes d’amendements, que dans les manifestations devant le parlement européen ou encore en plénière par le vote. Ce dossier est loin d’être clos, mais nous avons déjà réussi en juillet l’exploit de faire rejeter l’ensemble du paquet routier en session plénière. n

Marie-Pierre Vieu est députée (PCF) au parlement européen.

Cause commune n°9 • janvier/février 2019