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L’Humanité a 120 ans. Libre journal de création communiste, indépendant des puissances de l'argent, il est un organe de presse absolument singulier dans le paysage médiatique national et européen à l’heure où le pluralisme de la presse est toujours plus menacé. Pour cette occasion et en prévision de la prochaine fête de l’Humanité, Cause commune a rencontré le directeur du journal et sénateur communiste de la Seine-Saint-Denis, Fabien Gay.

Propos recueillis par Nicolas Tardits

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CC : En avril 1904, Jean Jaurès fondait le journal L’Humanité. En tant que directeur du journal, tu as pu fêter les cent vingt ans du quotidien qui a toujours fait résonner la voix des travailleurs. Comment as-tu vécu ce moment ?

Ce fut un très beau moment ! Avec toutes les équipes de L’Humanité, nous voulions fêter d’une belle manière cet important anniversaire. Nous avons souhaité le faire à notre image, en mettant les lectrices et les lecteurs, indispensables à l’existence, à la pérennité et au développement du journal, au cœur de ces événements. Ils sont les véritables actrices et acteurs du journal et font partie intégrante de l’histoire de L’Humanité.
Ainsi, le 18 avril dernier, cent vingt ans jour pour jour après la fondation du journal par Jean Jaurès, nous avons ouvert au public, pour la première fois de notre histoire, la traditionnelle conférence de rédaction et nous avons organisé une journée portes ouvertes. Sous la houlette de Maud Vergnol et de Sébastien Crépel, codirecteurs de la rédaction, la conférence s’est donc tenue en public et en direct.
Pour l'occasion, nous avons sorti un quotidien qui reprend les codes typographiques de la première une, celle de 1904 ; un livre anniversaire avec cent vingt unes, retraçant son histoire, commentées par cent vingt personnalités ainsi qu’un hors-série iconographique, « Instantanés d’humanité » avec deux cent cinquante photos originales.
Nous voulions à la fois montrer combien L’Humanité a été le témoin quotidien des moments importants de l’histoire et faire connaître aux plus jeunes générations les combats passés et ceux qui restent à mener.

« Cette année, la fête de l’Humanité sera placée sous le signe de la paix et de la solidarité internationale, de la résistance aux idées nauséabondes de l’extrême droite et à l’austérité décidée et mise en œuvre par Macron et les forces qui le soutiennent. »

Nous avons poursuivi cette journée par un débat avec les cent cinquante lectrices et lecteurs présents, sur nos métiers, nos projets, nos envies de développement. La visite des locaux a permis de mettre en valeur certains métiers, plus dans l’ombre, et pourtant indispensables pour la parution de chaque numéro, tels que les relecteurs, les iconographes, les correcteurs, les secrétaires de rédaction mais aussi les services généraux, les équipes de la fête, la direction ou les équipes de la régie publicitaire, Comédiance.
L’Humanité compte aujourd’hui cent cinquante salariés. Toutes et tous jouent un rôle essentiel dans la chaîne de production pour que L’Humanité arrive chaque jour dans les boîtes aux lettres ou dans les kiosques.
Comparativement à d’autres quotidiens nationaux, nous sommes une toute petite équipe. C’est un défi journalier immense pour être au cœur de l’actualité, pour rédiger des articles de fond, détaillés et argumentés, pour relayer les luttes sur l’ensemble du territoire national, confronter les idées avec le souci de toujours permettre aux lectrices et aux lecteurs de se forger leur propre opinion et leur esprit critique.
Nous avons également organisé un banquet qui s’est déroulé dans les salons de l’hôtel de ville de Paris, un lieu chargé d’histoire de la Révolution française et de la République.
Ce fut une réussite ! Plus de sept cents personnes y ont participé, dont de nombreuses personnalités venues d’horizons différents, mais aussi une centaine de soutiens militants du PCF que je veux chaleureusement remercier.
Ce banquet a été concocté par Thierry Marx, chef étoilé de renom, avec qui nous partageons une vision politique commune : conjuguer accessibilité financière et qualité.
Enfin, cette année commémorative va se poursuivre à travers cent vingt initiatives avec nos lectrices et lecteurs sur tout le territoire : ici, un banquet, là, une conférence sur le pluralisme de la presse ou encore des rencontres-débats sur des sujets d’actualité. Nous sommes d'ailleurs disponibles pour répondre à des sollicitations jusqu’à la fin de l’année.

CC : Comment L’Humanité a-t-elle réussi, au fil des décennies, à continuer d’exister et à se renouveler malgré les pressions financières, les transformations du journalisme et du champ politique ?

L’Humanité a évidemment évolué en cent vingt ans d’existence. Nous sommes devenus un groupe de presse, qui , en plus de son quotidien, s'est enrichi d'un magazine et maintenant d'une plateforme numérique. Nous sommes aussi une entreprise de communication et d’événementiel avec la Fête de l’Humanité, ainsi que l’organisation de colloques et d’événements. Nous poursuivons notre développement pour devenir un groupe déployé sur l’espace numérique et la vidéo.
Mais « notre but », celui que Jaurès évoquait dans son premier éditorial, reste inchangé. Participer à la réalisation de l’humanité pleine et entière, en promouvant la paix, la justice sociale et environnementale et l’égalité entre les humains. Donner à chacun et chacune une information fiable et vérifiée en restant indépendant financièrement.

« Sans communistes, il n’y aurait plus d’Humanité. Mais sans l’Humanité, le PCF serait terriblement affaibli, dans sa capacité militante et ses idées. »

Cette bataille financière est intimement liée à notre combat pour une information libre et de qualité. Je rappelle que nous sommes sous contrôle du tribunal de commerce jusqu’en 2031. Mon prédécesseur, Patrick Le Hyaric, a lutté pendant vingt ans pour maintenir à flot L’Humanité . J’essaie avec humilité, à la tête de ce beau collectif, de poursuivre cette mission. Nous payons nos dettes chaque année, nous n’en contractons pas de nouvelles et avons réalisé l’exploit de mettre le groupe à l’équilibre financier l’an dernier.
Mais cela reste fragile. Le numérique demande beaucoup d’investissements malgré un équilibre économique difficile à trouver. Il faut l’équivalent de quatre abonnés numériques « pour remplacer » un abonné papier. Cela exige un effort constant, d’autant plus que l’on peut s’abonner en un clic… et se désabonner de la même façon.
Tous les métiers de la presse papier sont confrontés à la concentration mais aussi à des problèmes financiers : impression, distribution, kiosquier. D'année en année, la Poste, dont c'est pourtant la fonction première, se désengage de sa mission de service public, qui est de livrer le jour J nos abonnés. Nous menons un combat contre ses nombreux dysfonctionnements qui découragent à juste titre nos lecteurs et sont la cause de désabonnements. La livraison de la presse est un service public, mission première régalienne de la Poste.
Enfin, nous luttons pour conserver et développer les aides à la presse, qui ne sont pas une aumône mais une garantie pour tout le secteur et ses métiers de maintenir une information plurielle, pluraliste et de qualité.

« Nous luttons pour conserver et développer les aides à la presse, qui ne sont pas une aumône mais une garantie pour tout le secteur et ses métiers de maintenir une information plurielle, pluraliste et de qualité. »

C'est pourquoi, les campagnes de souscription et le soutien financier des lectrices et des lecteurs de L’Humanité ont toujours été et demeurent indispensables. Ces lectrices et les lecteurs, mais aussi « les Amis de L’Humanité », « la Fondation Humanité en partage » sont une particularité dans le monde de la presse, puisqu’ils sont à la fois les propriétaires du journal et ses meilleurs défenseurs et promoteurs.
La presse participe à l’information et au débat démocratique nécessaires pour confronter les opinions. Sa liberté est garantie constitutionnellement, les aides doivent donc être sanctuarisées, pérennisées et même développées, notamment pour les groupes comme le nôtre qui sont désavantagés, voire privés de publicité privée.

CC : Pour élargir son lectorat et toucher de nouveaux publics le journal a enclenché une véritable « révolution numérique » l’année dernière. Comment avez-vous réussi à intégrer les nouvelles technologies et les plateformes numériques ?

La lecture est mon premier combat. Je pense que l’affaiblissement du débat politique va de pair avec un affaiblissement de la lecture. Je suis effaré de constater qu’un certain nombre de responsables politiques et au-delà ne lisent pas la presse et ne lisent pas tout court. Il faut lire pour s’informer, s’éveiller, apprendre et s’émanciper. Pour une organisation communiste, il est indispensable de faire de ce combat une priorité. Renverser l’ordre établi, dépasser le système capitaliste et inventer le chemin pour le communisme, tout cela exige une conscientisation de toutes celles et de tous ceux qui veulent ce changement. Je dis régulièrement à nos équipes qu’on peut produire le meilleur journal du monde, si personne ne le lit, alors nous ratons notre mission.
Les habitudes de lecture ainsi que les moyens de s’informer se sont transformés. Qu’on le veuille ou non, la presse papier recule et la part des abonnements uniquement papier décroît.
Quand je suis dans le RER B, je vois bien que personne ou presque ne lit un journal papier, et je constate que tout le monde est connecté sur son smartphone.

« La révolution numérique est aussi une condition nécessaire pour diversifier nos publics, notamment toucher les plus jeunes, plus éloignés de la presse traditionnelle. »

Nous avons lancé, après la rénovation de nos titres – quotidien et magazine – en janvier 2022, notre révolution numérique en juin de la même année. Nous avons investi 1,3 million d’euros pour une nouvelle plateforme numérique et pour concevoir une application. Cette révolution était indispensable. Les autres quotidiens nationaux ont effectué cette transformation depuis déjà plusieurs années, en investissant des dizaines de millions d’euros. Même si nous avons été parmi les premiers à disposer d’un site internet, nos difficultés financières nous ont lourdement handicapés dans ce développement.
Pour nous aider, nous avons recruté de nouveaux profils de community manager, marketing digital et renforcé notre équipe vidéo qui a créé de nombreux formats adaptés aux réseaux sociaux.
L’Humanité s’est considérablement développée sur les réseaux sociaux. Nous avons dépassé les cent mille abonnés à notre chaîne You Tube, huit cent mille sur Facebook, quatre cent mille sur X (ex-Twitter) et nous approchons des cent mille sur Instagram.
Ces nouveaux projets portent leurs fruits. La fréquentation du site a doublé et nous sommes rentrés dans le Top 100 des sites les plus visités, à quatre places du JDD. Le nombre d’abonnés numérique vient de dépasser à la fin de l’année 2023 les dix mille. Le but est de doubler ce chiffre en trois ans.
Cette révolution numérique était une condition nécessaire pour diversifier nos publics, notamment toucher les plus jeunes, plus éloignés de la presse traditionnelle. Qu’on le veuille ou non, les réseaux sociaux sont une source privilégiée d’accès à l’information chez les jeunes. Cela constitue un véritable enjeu de démocratisation et d’accès à une information fiable, dans un contexte où les chaînes d’information sont omniprésentes et matraquent toutes le même discours, de même que des influenceurs très suivis structurent les représentations, loin de toute rigueur journalistique et de logique de déontologie.
Nous sommes en train de monter un studio qui nous permettra de lancer en septembre prochain des émissions de débats sur le réseau social interactif Twitch et à terme cela pourrait devenir l’Humanité TV.

CC : L’évolution du paysage médiatique inquiète, singulièrement la concentration des médias dans les mains de quelques grands propriétaires. Quel regard portes-tu sur cette transformation et sur le danger qu'elle représente pour la liberté de la presse ?

Le fait que la presse soit détenue par la grande bourgeoisie industrielle n’est pas nouveau. Jean Jaurès faisait déjà ce constat lors de la fondation de L’Humanité.
Cela s'est fortement accéléré, et nous avons assisté à un mouvement de concentration avec des trusts de presse comme le groupe Hersant dès le milieu des années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Une concentration tellement forte que quelques milliardaires, parmi lesquels on trouve Arnault, Niel, Pigasse, Bouygues ou les familles Dassault et Bolloré, possèdent plus de 80 % des exemplaires diffusés de la presse quotidienne nationale et 95 % de la presse hebdomadaire généraliste.
Le groupe Bolloré avec Vivendi possède Canal Plus et ses chaînes comme C8 et CNews, et rachète Lagardère avec Europe 1, Prisma, Voici et Télé-Loisirs. Nous pouvons citer également le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky qui veut revendre Marianne parce que sa ligne éditoriale ne lui convient pas, ou Saadé, déjà propriétaire de journaux (La Provence, Corse-Matin, La Tribune) qui rachète Altice Média (BFM/RMC), alimentant la concurrence entre pôle libéral et pôle d’extrême droite parmi les grands propriétaires de groupes de presse.
Cette mainmise financière standardise l’information avec des lignes éditoriales qui finissent toutes par se ressembler. C’est un risque pour le pluralisme de la presse, qui devrait pousser les progressistes à porter une grande loi anticoncentration. Dans un monde bouleversé et complexe où les chaînes dites d’« information en continu » structurent et saturent le débat politico-médiatique pendant des jours à base
de polémiques, de rumeurs (buzz) et autres discours. La réflexion est jetée en pâture, alors qu’elle est nécessaire pour comprendre ce monde en guerre, les enjeux environnementaux et l’économie.

« Faire vivre une presse communiste, militante, engagée, avec des informations fiables et vérifiées, qui s’ouvre à tous les combats émancipateurs et de paix, qui donne la parole à celles et ceux qui en sont privés ailleurs, est plus que jamais nécessaire. »

L’Humanité fait figure d’exception dans ce paysage. Nous donnons la parole aux grévistes, alors qu'ils sont qualifiés de terroristes sur certains plateaux télé. Nous montrons la réalité sociale de la banlieue quand d’autres y déversent leur haine ou ne la voient qu’à travers le prisme policier. Nous invitons des chercheurs et des scientifiques pour qu'ils nous informent et nous alertent sur le changement climatique, tandis que des climatosceptiques sont omniprésents ailleurs aux heures de grande écoute. Pire, une quarantaine d’experts de tout, spécialistes de rien, qui ne sont en réalité que de vulgaires diffuseurs des discours libéral ou d’extrême droite sont devenus des faiseurs d’opinion.
Enfin, une autre menace plane au-dessus des médias. Alors que nous réglons à peine le pillage de nos contenus par les GAFAM avec les droits voisins, nous sommes confrontés à l’Intelligence Artificielle (IA), capable de reproduire notre écriture et de répandre de fausses informations (fake-news), à l’aide de réseaux sociaux, par l'intermédiaire de puissants algorithmes.
Demain, des métiers entiers seront menacés au prétexte d’économies d’échelle par une écriture automatisée. Là aussi, nous devons nous organiser pour contrecarrer ceci.

CC : Face à la montée de l'extrême droite en Europe, et aux reproches souvent adressés à la presse d'être les vecteurs de cette progression, comment est-il possible de contrer efficacement la désinformation et les discours de haine véhiculés par les médias ?

Cette montée de l’extrême droite partout dans le monde est inquiétante. En tant que communistes, nous devons nous en inquiéter au plus haut point. Notre ADN, c’est l’antifascisme, le combat contre les idées de racisme, d’antisémitisme et de haine.
Les accointances entre patrons de presse et pouvoir politique ne sont plus à prouver. Elles sont d'ailleurs assumées : Bolloré ici, Murdoch et Musk outre-Atlantique, etc.

« Je suis effaré de constater qu’un certain nombre de responsables politiques et au-delà ne lisent pas la presse et ne lisent pas tout court. Il faut lire pour s’informer, s’éveiller, apprendre et s’émanciper. »

Mais là où, dans les années 1980, un Berlusconi constituait un empire européen à partir de la chaîne de télévision italienne Canale 5, les Bolsonaro et autres populistes mettent en cause la presse sur toute la planète en multipliant les attaques contre les journalistes. Ils diffusent leurs idées via les réseaux sociaux devenus leurs canaux officiels de propagande. Partout, les journalistes deviennent des cibles et risquent la prison, voire la mort.
C’est pour cela que faire vivre une presse communiste, militante, engagée, avec des informations fiables et vérifiées, qui s’ouvre à tous les combats émancipateurs et de paix, qui donne la parole à celles et ceux qui en sont privés ailleurs est plus que jamais nécessaire.

CC : En son temps, Jaurès n’a eu de cesse de promouvoir la résolution pacifique des conflits et d’éviter le recours à la guerre. Aujourd'hui, alors qu'un tiers des peuples sont plongés dans la guerre, y compris sur le continent européen, comment conçois-tu le rôle de L’Humanité ?

Nous sommes viscéralement attachés à la paix, comme l'était le fondateur de L’Humanité en son temps. Malheureusement, un tiers de l’humanité est plongé dans le chaos de la guerre, avec ses morts et ses blessés innombrables, avec son lot de destructions, avec, au fond des cœurs, indéracinables, la haine et les rancœurs entre les peuples.
L’Humanité a été de tous les combats contre la guerre, contre la colonisation et pour le droit à l’autodétermination, de tous les peuples. Nous poursuivons ce combat en nous plaçant résolument au côté du peuple palestinien qui subit la colonisation, l’apartheid et un risque plausible de génocide, comme l’a affirmé la Cour internationale de justice. Notre hors-série sur Gaza s’est vendu à plus de dix mille exemplaires, preuve s'il en était besoin, que nos lecteurs et lectrices sont sensibilisés et mobilisés sur ce conflit.
Notre rôle est d’informer, de donner les clés pour décrypter en replaçant les informations dans un contexte géopolitique et historique. Nous envoyons des reporters sur place, en Ukraine par exemple, pour relater et témoigner.
Nous pouvons ainsi relayer les appels à la solidarité ou l’organiser, comme en 2022 où nous avons remis un chèque de 150 000 euros au Secours populaire pour les réfugiés ukrainiens.

« Nous luttons pour conserver et développer les aides à la presse, qui ne sont pas une aumône mais une garantie pour tout le secteur et ses métiers de maintenir une information plurielle, pluraliste et de qualité. »

Bref, informer, relayer les luttes, mobiliser, tel est le rôle de L’Humanité . Et, le 25 mai, pour commémorer le discours de Jaurès au Pré-Saint-Gervais en 1913, nous organiserons dans cette ville, à l’école Jean-Jaurès, la première université pour la paix, avec des historiens, des chercheurs, des syndicalistes et des ONG.
Enfin, il est utile de rappeler que les contextes de guerre sont meurtriers pour la profession. En témoigne la mort de plusieurs centaines de journalistes, essentiellement palestiniens, à Gaza.

CC : Si L’Humanité n’est plus l’organe central du PCF, les communistes sont toujours ceux qui font vivre le journal, le lisent et le diffusent. Quelle est selon toi la place qu'occupe L’Huma pour les communistes et comment les militants peuvent continuer de soutenir et de faire vivre  le journal dans les années à venir ?

L’histoire de L’Humanité est intimement liée à celle du PCF, de ses militantes et militants. Journal socialiste à sa création, il devient, en 1921, un journal communiste et même l’organe central du parti de 1923 à 1994. Il y a trente ans, le choix a été fait, par un congrès, qu'il ne soit plus l’organe central mais un journal communiste, indépendant du parti. C’était un choix unique et audacieux, qui n’a aucun équivalent dans le monde.
Cela fait du statut de notre journal une originalité qui est une force et qui permet de s’ouvrir à différentes idées de la gauche de transformation sociale et écologique. C'est, parfois, je le sais, mal compris et même mal vécu, par une partie des militantes et des militants du PCF.
Personne ne veut nier ce que nous sommes, ou « minimiser » la place des communistes dans le journal ou dans le débat d’idées. Notre rôle est de proposer chaque jour une analyse communiste sur tel ou tel événement, lutte ou révélation sociale. Celles et ceux qui lisent L’Humanité, et qui ne s’arrêtent pas aux unes, ne peuvent que constater que la place des communistes, de leurs idées n'est pas minimisée, au contraire. Les parlementaires, élus, dirigeants, candidats et chroniqueurs communistes y ont toute leur place.
Mais un journal, c’est aussi un lieu où l'on accueille, où l'on discute, où l'on débat, y compris avec des gens avec lesquels on est en désaccord. Pour ma part, je ne lis pas le journal pour découvrir ce que je sais déjà, mais pour m’informer, me mettre en garde, m’interroger et parfois même, pourquoi pas, m’irriter.
Même si le numérique nous permet de toucher un public différent, les lecteurs de L’Humanité sont déjà divers : syndicalistes, hommes et femmes de gauche, du monde de la culture, jeunes… Nous voulons continuer à remplir notre mission : être utile au plus grand nombre.
Je sais ce que nous devons aux militantes et militants communistes, qui restent majoritaires, dans les dons et souscriptions, dans la vente militante avec les CDH, et la construction, la promotion et la tenue de la fête de l’Humanité.
Sans communistes, il n’y aurait plus d’Humanité. Mais sans L'Humanité, le PCF serait terriblement affaibli, dans sa capacité militante et ses idées. J’ai la conviction que renforcer l’un revient à renforcer l’autre.

CC : La Fête de l’Humanité approche. Comment ce grand rendez-vous contribue-t-il à la mission et à l’identité du journal ? Quels objectifs voulez-vous atteindre avec cette nouvelle édition de la fête ?

Cette quatre-vingt-neuvième édition sera l'occasion de fêter nos cent vingt ans. Elle sera placée sous le signe de la paix et de la solidarité internationale, de la résistance aux idées nauséabondes de l’extrême droite et à l’austérité décidée et mise en œuvre par Macron et les forces qui le soutiennent.

« Notre but, celui que Jaurès évoquait dans son premier éditorial, reste inchangé. Participer à la réalisation de l’humanité pleine et entière, en promouvant la paix, la justice sociale et environnementale et l’égalité entre les humains. »

Nous voulons contribuer à en faire le grand rendez-vous politique et populaire de la rentrée et à ouvrir un chemin d’espoir pour la jeunesse, les travailleuses et les travailleurs. Dans l’Agora, comme dans tous les espaces officiels, des débats seront organisés par les équipes de la rédaction.
Mais il faut aller au-delà, il faut absolument que, dans chaque stand, dans les allées, la politique reprenne toute sa place. Je sais combien il est difficile de tenir un stand, je mesure l’exigence et l’énergie que cela demande. Mais il est aussi indispensable de rencontrer et de discuter avec ce public jeune et divers, qui bien souvent n'a de contacts avec les communistes qu'à cette occasion.
Notre fête doit être placée sous le signe du respect et les échanges d’idées doivent primer. Je ne laisserai personne insulter les communistes ou les caricaturer. À l’inverse, soyons conscients qu'un rétrécissement, voire une sectarisation, serait mortifère pour nous.
Ces dernières années, l’ensemble des forces politiques, de nouvelles forces syndicales et associatives nous ont rejoints. Et actuellement, nous avons de nouvelles sollicitations. Tant mieux, bienvenue à tout le monde.
Nous avons cette année fait un énorme investissement sur un terrain qui ne nous appartient pas, ce qui nous permettra d'accueillir les personnes à mobilité réduite et de faciliter les déplacements des camarades plus âgés. Comme son nom l’indique, notre fête doit être inclusive. Mais, pour équilibrer financièrement cette opération, nous devons absolument vendre sept mille cinq cents bons de soutien supplémentaires.
Il faut donc dès maintenant se mettre en action et organiser des initiatives de vente du bon de soutien. La programmation culturelle plaît, des surprises vont encore être dévoilées et nous comptons sur notre collectif militant pour réussir une belle et grande fête.

Cause commune n° 39 • juin/juillet/août 2024