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Ayons un peu de mémoire. Cette campagne dans le cadre des élections présidentielle et législatives avait bien étrangement commencé. Alors que la pandémie avait imposé un retour brutal aux réalités – services publics de santé, industrie, nécessité d’une coopération mondiale… –, le surgissement surmédiatisé d’Éric Zemmour à l’été dernier ramenait le débat public, Bolloré aidant, au petit monde des obsessions absurdes qui laissent au chaud les puissants : immigration, immigration, immigration…
Pendant ce temps, longtemps sous les écrans radar des grands médias, Fabien Roussel labourait la France avec ses rencontres des jours heureux. Premiers thèmes ? Agriculture, ruralité et alimentation dans le Puy-de-Dôme. Deuxièmes ? Santé et recherche en Haute-Garonne. Troisièmes ? Écologie, environnement, énergie en Ille-et-Vilaine. Quatrième ? Jeunesse dans la Vienne. Cinquièmes ? Emploi et pouvoir d’achat à Paris. Sixièmes ? Éducation et formation dans le Rhône. Il y avait de quoi prendre le candidat communiste pour un OVNI quand la campagne devait se réduire à un duel entre libéralisme souriant (mais féroce) et nationalisme violemment xénophobe (arborant sourire au besoin) autour du thème à peu près unique de l’immigration et de l’islam.

« Dans une campagne cadenassée d’avance, au milieu de forces politiques qui ont déserté tant de terrains décisifs, Fabien Roussel a bataillé pour imposer ces sujets et porter des propositions fortes au service des intérêts populaires. »

Il fallait être net sur ce terrain qui est un fort enjeu de lutte, et Fabien Roussel l’a été, proposant dans le droit fil de la loi Gayssot de 1990, l’inéligibilité pour les hommes et les femmes politiques tenant des propos racistes et antisémites, célébrant la Résistance quand d’autres réhabilitaient Pétain, appelant à la régularisation des travailleurs sans papiers quand un patronat rapace s’enrichit de leur exploitation tout en mettant les salariés avec papiers en concurrence impossible avec ceux à qui on les refuse… Pas davantage de fuite devant la question laïque, mais la vraie et l’entière : oui ou non, la France garantit-elle la liberté de tous ceux qui la peuplent de croire en ceci ou cela, de croire ou de ne pas croire ? Oui ou non, la France garantit-elle l’égalité entre tous ceux qui la peuplent, quelles que puissent être leurs positions religieuses ? Oui ou non, fait-on vivre la séparation des Églises et de l’État ?
Mais qui ne voit qu’il fallait faire exploser ce cadre de débat invraisemblablement étroit ? Qui niera que Fabien Roussel y a mis toute son énergie ? Il s’est notamment agi de faire entrer par la grande porte la question des salaires et des pensions de retraite, ces gros mots pour nos beaux Messieurs, tous d’accord pour penser que ce serait folie de les augmenter.
Entrez dans cette arène et, soudain, toutes les cartes sont rebattues. Les macronistes deviennent tout à coup parfaitement abstraits et confus. Droite et extrême droite finissent, au mieux, par parler augmentation mais glissent aussitôt un astérisque et des petites lignes : augmentation de l’argent versé directement aux salariés mais effondrement des cotisations sociales payées par l’employeur. Autrement dit, vous gagnerez plus mais… vous paierez beaucoup plus avec une Sécurité sociale à genoux. Pendant ce temps, Fabien Roussel parle clair : augmentation générale des salaires avec un SMIC net à 1 500 euros et brut à 1 923 euros ; aucune pension à moins de 1 200 euros.
Si vous n’avez pas été complètement lobotomisé par les discours sur la mondialisation-qui-veut-que-si-vous-êtes-payé-plus-qu’un-salarié-bulgare-hyperexploité-vous-faites-exploser-irresponsablement-le-coût-du-travail-alors-une-augmentation-vous-n’y-pensez-pas, la proposition de Fabien Roussel paraîtra pourtant de simple bon sens. La si timide coalition allemande ne va-t-elle pas elle-même augmenter le salaire minimum allemand de près de 25 %, le faisant passer de 9,82 euros brut à 12 euros le 1er octobre ? Ici, il s’agit simplement d’augmenter le SMIC de 20 %, c’est-à-dire le hisser un tout petit peu au-dessus du nouveau salaire minimum allemand. Bon sens et évidence après qu’on a applaudi les premiers de corvée et dû admettre leur incomparable utilité.

« Nous ne pouvons laisser perdurer indéfiniment ce pouvoir arrogant au seul service des riches qui piétine les intérêts de notre peuple et de notre planète, détruit méthodiquement notre modèle social durement acquis. »

Sauf que ce qui devrait être la position la plus sincèrement partagée devient une rareté dans notre étrange paysage politique. Emmanuel Macron n’a que des chèques et quelques aides à proposer par-ci par-là. On ne touche pas aux salaires. Un peu d’assistance pour calmer le bon peuple, voilà tout. Cinq ans de pouvoir avec le PS et EELV entre 2012 et 2017 ? Une seule augmentation du SMIC. Elle ne vous a pas marqués ? C’est assez normal, c’était en 2012 et, après les puissants discours du Bourget et autres rodomontades contre la finance, l’augmentation s’est élevée à 0,6 % ! Alors, forcément, 20 %, ce qui est pourtant un minimum si on souhaite que le monde du travail puisse vivre dignement, ça décoiffe et ça détonne.
Je ne reviens pas sur la revendication de Fabien Roussel d’un droit populaire au beau et au bon qui a suscité l’invraisemblable tollé qu’on sait. Au passage, je signale cette remarque d’un grand sculpteur : « Fabien Roussel parle des artistes, c’est le premier que j’entends en parler. »
On pourrait parler encore de la Sécurité sociale, de la jeunesse, de l’emploi, des services publics de la santé, de l’éducation, de la justice, de la police, de la recherche… Il faudrait évoquer encore tout le volet environnemental et industriel, l’ambition d’une fiscalité juste, d’un nouvel âge de la démocratie, de la révolution féministe nécessaire…
Dans une campagne cadenassée d’avance, au milieu de forces politiques qui ont déserté tant de terrains décisifs, Fabien Roussel a bataillé pour imposer ces sujets et porter des propositions fortes au service des intérêts populaires.
Quelle question se pose donc désormais ? Voulons-nous, voulez-vous donner de la place à ces enjeux pour sortir du pataugeage permanent dans les diarrhées identitaires ? Voulons-nous, voulez-vous donner de la force à ces idées, ces positions, ces propositions de nature à ouvrir le chemin à une France des jours heureux ?

« Les élections qui viennent peuvent compter fort pour enclencher une dynamique tout autre : chaque bulletin Fabien Roussel est un poids du bon côté de la balance, pour le monde du travail, celui de la création, la paix et le devenir de notre planète. »

Les angoisses sont nombreuses – à l’heure où ces lignes sont écrites, commence une guerre terrible avec son lot d’horreurs et de lourdes incertitudes pour l’avenir – et chacun mesure qu’elles poussent au statu quo rassurant. Le statu quo est pourtant impossible. Nous ne pouvons laisser perdurer indéfiniment ce pouvoir arrogant au seul service des riches, qui piétine les intérêts de notre peuple, et de notre planète, détruit méthodiquement notre modèle social durement acquis. Nous ne pouvons laisser croire que la seule alternative serait le choix de la réaction la plus brune, choix de guerre civile qui laisserait le grand capital en paix. Les élections qui viennent peuvent compter fort pour enclencher une dynamique tout autre : chaque bulletin Fabien Roussel est un poids du bon côté de la balance, pour le monde du travail, celui de la création, la paix et le devenir de notre planète. Qu’ils soient nombreux au soir du 10 avril et c’est une heureuse perspective d’avenir qui peut s’ouvrir.

Guillaume Roubaud-Quashie, directeur de Cause commune.


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Cause commune • mars/avril 2022