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Marie-Jeanne Gobert, membre du comité exécutif national, responsable de l’organisation de la conférence nationale revient sur le déroulement de celle-ci et sur le vote. Elle analyse ces deux moments forts pour les communistes et fait le point sur les prochaines étapes du processus démarré en mars dernier.

Propos recueillis par Ségolène Mathieu

Les 10 et 11 avril le PCF a réussi, malgré la situation sanitaire, à réunir plus de mille délégués, hommes et femmes, pour une conférence nationale en visioconférence. Que représente cette prouesse technique et démocratique ?

Dans les conditions de restrictions drastiques imposées par la situation sanitaire, derrière la prouesse technique, qui n’est pas mineure, la réussite, reconnue par toutes et tous, de la conférence est le résultat d’une volonté des communistes, cadres et adhérents. Il ne s’agissait pas seulement de réunir mille participants, ce qui est déjà remarquable. Il s’agissait de créer les conditions d’une vraie discussion. Cet engagement s’est construit dans un débat de plusieurs semaines, lui aussi surmontant les contraintes matérielles. La réussite technique de cet exercice démocratique sans équivalent, avec une telle participation, témoigne non seulement de la détermination des adhérentes et adhérents du PCF à être partie prenante d’un débat exigeant et complexe mais est aussi un élément de confiance.

Pouvez-vous présenter les traits saillants des débats, et les situer par rapport à la conférence nationale de 2016 ?

L’état d’esprit n’est plus le même. Ni chez les communistes, ni surtout dans le pays. La situation politique a changé. Si seulement cinq années nous séparent du choix de 2016, déjà très discuté à l’époque, beaucoup de transformations se sont opérées depuis. Des transformations qui révèlent la puissance et les dangers de l’offensive du capital ainsi que la profondeur du rejet et du besoin de changement qui travaille le pays ! Ainsi, pour une très large majorité de communistes, cela implique d’investir pleinement les échéances nationales, présidentielle et législatives, de 2022.

« Dans son discours au soir des résultats, Fabien Roussel a donné à voir l’ambition qu’il proposait pour cette campagne : un moment de luttes et de propositions pour relever le défi des jours heureux. »

Il y a en quelque sorte une « politisation » de la question de la candidature. Pas seulement pour les communistes, mais en général. Si lors du congrès de 2018, la pression pour une candidature communiste répondait à la conviction que son absence à cette élection nationale majeure depuis une quinzaine d’années, s’était traduite par l’effacement du PCF, l’élection de Macron, l’effondrement du PS et de la droite, la montée en puissance de l’extrême droite, sa dédiabolisation marquent une nouvelle période. Arrive la covid-19. Tout est bouleversé. Une crise d’une profondeur inouïe, après celle de 2008, n’en est qu’à ses débuts sur le plan économique et social si rien ne change. Des idées identifient la gauche, et nous particulièrement, comme le rôle de la puissance publique, de l’État, mais aussi des services publics, le sens du travail des salariés en première ligne dans la lutte contre la pandémie, la lutte contre les inégalités. La mise en cause des dogmes libéraux appelle des réponses crédibles et indispensables. La participation à l’élection présidentielle ne se pose plus essentiellement en tant que présence dans la compétition, mais comme le moyen de mener le combat politique. Battre Macron et faire reculer Le Pen sont au centre des enjeux, de même que la mise en chantier d’une politique nouvelle. Dans l’état d’esprit de la conférence il y a l’envie des militants d’en découdre et d’être visibles dans une telle bataille nationale, ce qui explique le résultat.

En simplifiant, je dirais que pour penser 2022, les communistes ont été amenés à approfondir le choix du congrès, à penser la candidature comme un moyen d’intervention non seulement dans le débat d’idées, mais pour être acteurs de la bataille politique. Et par rapport à 2016, il y a les leçons tirées des suites de 2017, notamment pour les législatives, avec la discussion d’un contrat inscrit dans une stratégie de refondation de la gauche sans partenaire privilégié a priori, au regard des débats qui la traversent. Créer aujourd’hui les conditions d’une majorité de gauche en 2022, avec, pour les communistes, l’objectif d’un groupe parlementaire communiste renforcé.

« La réussite technique de cet exercice démocratique sans équivalent, avec une telle participation, témoigne non seulement de la détermination des adhérentes et adhérents du PCF à être partie prenante d’un débat exigeant et complexe, mais est aussi un élément de confiance. »

J’ajouterais une impression personnelle. Le 100e anniversaire du Parti communiste français, la commémoration de la Commune de Paris ont donné une certaine actualité au communisme, pas seulement comme idée, mais en tant qu’héritage avec son originalité française.

Les 7, 8 et 9 mai les communistes se sont exprimés en grande majorité pour porter la candidature de Fabien Roussel à la présidentielle de 2022, comment analysez-vous ce vote ?

Les motivations sont sans doute diverses. Et le résultat est net. C’est très important, d’autant que cela vient comme on l’a vu au terme d’un débat où plusieurs options étaient en discussion. Il y a nécessairement une dimension collective, avec la volonté que les propositions, le projet du parti soit au mis au cœur du débat public pour faire grandir des idées et des avancées sociales et démocratiques indispensables à toute alternative politique de gauche. Et il y a probablement également une dimension personnelle, un bon accueil aux passages médiatiques de Fabien Roussel. Bon accueil qui tient à la personne et sans doute à l’accord entre le « personnage » et le message. Une campagne implique que l’incarnation des idées corresponde le mieux aux messages. Ça vaut pour toutes les élections. Plus encore pour la présidentielle. D’autres responsables de cette génération ont ces qualités, à l’évidence. L’excellente campagne des européennes de Ian Brossat l’a démontré, même si la nature de l’échéance et le temps ont joué contre nous pour obtenir un meilleur résultat. Choisir le secrétaire national dans le moment présent, c’est sans doute pour l’ensemble des militants la façon la plus nette d’identifier le candidat à l’ambition de l’intervention dans la campagne. J’ajoute que cela confère à cette candidature une dimension rassembleuse. C’est un message clair pour le pays et pour les communistes.

Comment rassembler l’ensemble des militants pour désormais mettre en œuvre ce choix ?

Le rassemblement a déjà commencé à se construire dans l’élaboration commune par la discussion, la confrontation, la décision démocratique, et il va se poursuivre par un travail permettant à chacune et chacun de trouver sa place dans la campagne, dans l’action, ce que tu appelles la mise en œuvre. Il faut partir du principe et de la réalité, que tous les communistes, militants et dirigeants sont animés par la même volonté de réussite du parti, de regagner en influence, pas principalement pour nous-mêmes mais pour une politique nouvelle, utile à nos concitoyens, aux travailleurs. Les chantiers ne manquent pas. La direction a une responsabilité, elle doit créer les conditions de ce rassemblement, en faisant confiance à l’intelligence collective, en libérant les énergies. Ce qui est déterminant, nous le savons d’expérience, c’est l’engagement commun dans l’action, au plus près des réalités du pays, des femmes et des hommes. C’est en travaillant au rassemblement populaire que se construit l’unité des communistes. C’est là que se trouve le centre de gravité du rassemblement.

À la suite de ce vote, quelle va être la feuille de route des communistes pour les prochains mois ?

Je dirai de façon lapidaire que 2022 se joue maintenant. Comme « l’après-covid » se joue dans la manière dont on traite la pandémie aujourd’hui, concrètement, au plus près des urgences, et en faisant de ces réponses immédiates un socle et une force pour une politique nouvelle. Dans son discours au soir des résultats, Fabien Roussel a donné à voir l’ambition qu’il proposait pour cette campagne : un moment de luttes et de propositions pour relever le défi des jours heureux.

« Le 100e anniversaire du Parti communiste français, la commémoration de la Commune de Paris ont donné une certaine actualité au communisme, pas seulement comme idée, mais en tant qu’héritage avec son originalité française. »

Il s’agit de faire grandir le projet d’une nouvelle République sociale, démocratique, écologiste, féministe, antiraciste, projet lié à un pacte pour sortir la santé des mains des logiques marchandes et des laboratoires pharmaceutiques, un pacte qui nous libère du poids de la finance et fasse jouer un autre rôle aux banques et aux assurances, pour créer des emplois, un pacte qui ouvre enfin l’espoir pour chacun d’avoir un emploi stable, correctement rémunéré, un pacte qui donne les moyens à notre pays, à notre jeunesse de reprendre la main sur nos moyens de production, sur nos outils de travail, pour nous engager pleinement dans une véritable transition écologique.

Quelles sont les raisons qui ont amené à repousser le congrès à l’automne 2022 ?

Une première consultation a été lancée par le conseil national le 7 novembre 2020 afin de recueillir l’avis des secrétaires fédéraux pour décider de notre calendrier en 2021. À l’issue de celle-ci, le conseil national du 12 décembre a pris la décision de convoquer une conférence nationale en avril avec à l’ordre du jour la présidentielle et les législatives et de repousser le congrès à l’automne.

En inversant le calendrier, le débat sur les échéances de 2022 a pu se mener en profondeur. Le choix d’une candidature à la présidentielle et du travail pour un pacte d’engagements communs pour les élections législatives constitue une décision marquante de l’histoire de notre parti.

Il place les directions devant un défi considérable, celui pour le parti d’être présent dès maintenant dans le débat des échéances 2022 avec l’ambition de regagner l’engagement, le vote de millions de femmes et d’hommes en faveur d’un projet en rupture avec les logiques du capitalisme, cœur du projet communiste et condition indispensable pour battre la politique du pouvoir actuel et les idées du Rassemblement national.

« La mise en cause des dogmes libéraux appelle des réponses crédibles et indispensables. La participation à l’élection présidentielle ne se pose plus essentiellement en tant que présence dans la compétition, mais comme le moyen de mener le combat politique. »

Au-delà de ce défi, les directions nationale et fédérales ont la responsabilité de conduire les élections départementales et régionales dont le calendrier a été bousculé. Celles-ci doivent être l’occasion d’agir en faveur de rassemblements à même de faire reculer la droite, de mettre en débat nos propositions, de conquérir de nouveaux élus et de renforcer l’influence du PCF.

Ces chantiers majeurs ne permettent pas d’envisager tout le travail préparatoire d’un congrès tant sur les questions nationales qu’internationales et l’ensemble des questions liées à la vie de notre parti. En outre, à l’issue de la séquence électorale de 2022, nous serons nécessairement dans une nouvelle situation politique qui nécessitera une appréciation et des propositions largement débattues par les communistes, ce que permettra la tenue du congrès dans la foulée.

Cause commune24 • juillet/août 2021