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À l’approche des municipales, Ian Brossat, porte-parole du PCF, nouvellement élu président de l’Association des élus communistes et républicains (ANECR), répond à Cause commune sur les enjeux de la période et les objectifs des communistes.

Propos recueillis par Léo Purguette

Vous venez d’être élu président de l’Association nationale des élus communistes et républicains. Quel rôle entendez-vous lui faire jouer ?
Pour moi, l’ANECR doit avoir un double rôle. D’une part, celui d’aider les élus de la famille communiste à élaborer et défendre des positions communes sur les sujets d’actualité. D’autre part, celui de mener un certain nombre de combats pour obtenir des avancées concrètes.
Les élus communistes se sont, par exemple, illustrés récemment en adoptant dans un grand nombre de collectivités des arrêtés contre le glyphosate et l’utilisation des pesticides. Je suis convaincu que nous devons amplifier ces combats communs et donner plus de visibilité aux actions que nous menons parfois chacun dans son territoire. L’association se doit d’être à la fois laboratoire d’idées et force de mobilisation au service des élus progressistes.

« Pour évoquer le communisme municipal du XXIe siècle, il suffit de regarder toutes les innovations mises en place par nos maires, par nos élus en situation de responsabilité sur tout le territoire. »

Emmanuel Macron multiplie les réformes, les élus communistes ont-ils un rôle à jouer pour s’y opposer ?
Évidemment. Les attaques lancées par Macron auront des répercussions dans tous les territoires, et notamment sur les personnes les plus fragiles. Je pense à la réforme des retraites qui s’attaque à un des piliers de notre protection sociale, le système par répartition. Elle conduira à une baisse de pouvoir d’achat certaine, puisque le montant alloué aux retraites sera plafonné, alors même que le nombre de seniors augmente. Je pense à la réforme des allocations-chômage, qui retire 3,4 milliards de pouvoir d’achat aux ayants droit sur la période 2019-2021. Je pense à la réforme des aides personnalisées au logement (APL), qui vient là encore s’attaquer aux plus modestes, avec des baisses qui sont estimées à 1 000 euros en moyenne par famille sur un an. Je pense enfin à la baisse des dotations de nos collectivités, puisque dans le budget 2020, dans lequel l’engagement de compenser à l’euro près la suppression de la taxe d’habitation est foulé aux pieds. Tout cela pour financer les cadeaux fiscaux somptuaires aux plus riches, au secteur financier et aux grandes entreprises…

Beaucoup considèrent que les élus locaux remplissent leur mission dans des conditions de plus en plus difficiles.
Les collectivités territoriales sont attaquées, et les élus locaux ont de moins en moins de marges de manœuvre pour remplir leur mandat au service des populations. De ce point de vue, Emmanuel Macron n’a pas changé la ligne de ses prédécesseurs. Nos territoires sont mis sous pression et sont considérés comme un gisement d’économies considérables par les libéraux qui se succèdent à l’Élysée. Nicolas Sarkozy avait cassé la taxe professionnelle et lancé un plan de suppressions de postes nommé « RGPP » (révision générale des politiques publiques). François Hollande a extorqué 13 milliards d’euros de coupes budgétaires aux collectivités et continué les suppressions de postes avec la « MAP » (modernisation de l’action publique), Emmanuel Macron à son tour torpille les finances locales en supprimant la taxe d’habitation et en exigeant 13 nouveaux milliards de coupes claires, tout en approfondissant les attaques contre la fonction publique territoriale. Les élus locaux, qui sont au plus près de leurs concitoyens et sont donc « à portée de baffe », doivent faire face à ce rouleau compresseur néolibéral. D’où l’enjeu pour notre association de défendre les élus locaux, et d’agir pour qu’on leur donne les moyens d’œuvrer au service de leur territoire. Une chose est sûre : malgré ces con­traintes, les collectivités locales progressistes continuent à innover. Les élus communistes en apportent la démonstration tous les jours.

« C’est en tendant la main pour des unions les plus larges possible sur la base des contenus les plus ambitieux possible que nous abordons ces élections. »

Les élections municipales sont une échéance importante pour le PCF et son implantation. Quels sont vos objectifs ?
Les élections municipales sont capitales. D’abord parce que les communes sont des boucliers sociaux. Elles développent des services publics et sociaux au plus près des populations. Quand l’État est défaillant, ce sont bien souvent elles qui prennent le relais pour protéger ceux qui en ont besoin. Sur le plan national, elles marqueront une respiration démocratique majeure, alors qu’Emmanuel Macron mène une offensive politique d’une brutalité inouïe en multipliant les fronts. Dans la bataille qui s’annonce, le PCF entend tout faire pour empêcher la droite – qu’elle soit macroniste ou estampillée LR – et l’extrême droite de gagner des positions. Nous avons l’ambition de renforcer notre implantation locale de 6 700 élus dont 700 maires. Pour cela, nous comptons sur deux facteurs : la reconnaissance du travail réalisé par les municipalités sortantes à direction communiste, et les perspectives d’union à gauche face à une droite et à une extrême droite menaçantes. C’est, en effet, en tendant la main pour des unions les plus larges possible sur la base des contenus les plus ambitieux possible que nous abordons ces élections. Des signaux très positifs de rassemblement émanent de plusieurs villes, je pense à Marseille.

« La gratuité des transports en commun, grand combat du XXIe siècle, alliant impératif écologique et impératif social. »

Une multitude de configurations d’alliance se dessine en fonction des villes. La stratégie du PCF et son orientation politique ne risquent-elles pas d’en devenir illisibles ?
La France compte près de 35 000 communes, et il faudrait une seule stratégie nationale imposée d’en haut ? C’est impensable. Les réalités locales sont diverses, il est bien naturel que les configurations politiques le soient aussi. Je l’ai dit, nous avons une boussole valable partout : rassemblement large mais contenus hauts. L’un ne peut aller sans l’autre. Nous ne diluerons pas notre projet progressiste pour obtenir « des postes », comme disent certains. Notre stratégie nationale, c’est de faire élire des hommes et des femmes de terrain, qui seront demain des fabricants de progrès social au quotidien.

« Les réalités locales sont diverses, il est bien naturel que les configurations politiques le soient aussi. »

Quels seront les marqueurs des communistes dans cette campagne ?
Nous aborderons les élections municipales avec plusieurs grands axes de batailles à mener. La défense de l’échelon communal, attaqué parce qu’il constitue une cellule de base de la démocratie locale. La lutte contre l’application de l’austérité aux collectivités territoriales. Enfin, la promotion d’un nouvel essor des services publics locaux. Par exemple, la gratuité des transports en commun, grand combat du XXIe siècle, alliant impératif écologique et impératif social. Une révolution qui a d’ores et déjà fait la démonstration de sa viabilité et de son efficacité là où elle est mise en place, comme à Dunkerque. Selon un récent sondage, 80 % des répondants sont favorables à la gratuité des transports en commun. C’est un vrai point d’appui pour mener campagne.

Dans de nombreuses communes, les communistes siégeront dans une majorité conduite par un maire d’une autre couleur politique. Comment peser sur la gestion municipale dans ce cadre ? Par ailleurs, les élus d’opposition peuvent-ils quelque chose ?
Être élu d’opposition est un travail difficile, où les marges de manœuvre sont réduites. Batailler contre les choix politiques de nos adversaires réclame une grande énergie… Mais les élus communistes montrent tous les jours qu’ils sont utiles pour s’opposer efficacement aux menées de la droite et même pour faire aboutir des projets. Sans eux, qui représenterait les intérêts des habitants des quartiers populaires dans les municipalités contrôlées par la droite ? Je pense aussi au travail que font les nôtres dans les villes conquises par le Rassemblement national. Ce n’est pas pour rien que les édiles d’extrême droite ciblent les communistes en priorité : ils savent que nous serons toujours en première ligne pour mobiliser la population contre leurs régressions.

« Nos territoires sont mis sous pression et sont considérés comme un gisement d’économies considérables par les libéraux qui se succèdent à l’Élysée. »

On parle souvent du communisme municipal pour évoquer les réalisations du passé. À quoi pourrait-il ressembler au XXIe siècle ?
Pour évoquer le communisme municipal du XXIe siècle, il suffit de regarder toutes les innovations mises en place par nos maires, par nos élus en situation de responsabilité sur tout le territoire. Quelques exemples : l’instauration de budgets participatifs permettant aux citoyens de trancher les projets à financer comme à Montreuil, l’implantation d’un centre de santé dans un désert médical comme à Grigny, la mise en place d’une complémentaire santé communale comme à Allonnes, un « check-up » santé offert aux jeunes de 18 ans comme à Villeneuve-Saint-Georges, la création d’un relais des assistantes maternelles comme à Gentilly, la mise à disposition de locaux et de moyens humains et technologiques pour aider les élèves en difficulté comme à Gennevilliers, la municipalisation de l’eau avec gratuité des trente premiers mètres cubes consommés comme à Roquevaire, l’aide au développement d’entreprises de l’économie sociale et solidaire comme à Tarnos, la mise en place avec la métropole de chaudières à biomasse pour accroître la part des énergies renouvelables comme à Vénissieux, 50 % de repas bio dans les cantines municipales comme à Martigues, des projets innovants de démocratie locale et de concertation avec les habitants comme à Dieppe ou La Courneuve, la mise en place d’un permis de louer contre l’habitat indigne comme à Aubervilliers… Malgré les difficultés qui s’accumulent, nos communes sont autant de républiques sociales à elles toutes seules. Voilà notre modèle.

Propos recueillis par Léo Purguette

Cause commune n° 14/15 • janvier/février 2020