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Ian Brossat, adjoint à la ville de Paris chargé du logement, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés et directeur de campagne de Fabien Roussel pour l’election présidentielle, trace la feuille de route des communistes pour cette campagne et en présente les axes forts.

Propos recueillis par Ségolène Mathieu

Le 6 juillet dernier, le PCF lançait sa « caravane des jours heureux » pour aller à la rencontre des vacanciers et faire connaître Fabien Roussel. Quels enseignements en avez-vous tiré ?
À travers la candidature de Fabien Roussel, nous avons fait le choix de nous présenter de nouveau devant les Françaises et les Français, après quinze années d’absence à l’élection présidentielle. Quoi que l’on pense de cette élection, elle demeure le rendez-vous majeur de notre Ve République, celui qui structure le temps démocratique et idéologique. Nous avons pris la décision de nous représenter avec la volonté de rester fidèles à ce que nous n’avons jamais cessé d’être : ouverts, généreux, populaires.
Si je rappelle cela en préambule, c’est parce que c’est cette volonté-là qui nous a conduits naturellement à l’idée d’une caravane d’été comme première forme d’action militante, plus légère, si j’ose dire, plus festive, plus libre dans la discussion.

« L’élection présidentielle, ce n’est pas une transat en solitaire mais une course en équipage. Nous avons désormais déployé les voiles, à nous toutes et tous de jouer désormais ! »

Et le bilan de ces deux mois d’échanges est allé bien au-delà de nos espérances. À cet égard, je voudrais remercier chaleureusement Olivier Marchais, grand artisan de cette caravane, ainsi que l’ensemble des militantes et militants qui ont donné de leur temps cet été.
Nous avons parcouru six mille kilomètres et traversé vingt-quatre départements.
La caravane nous a permis d’échanger avec cinq mille six cents vacanciers et travailleurs saisonniers, parmi lesquels de très nombreux non-communistes, un peu plus de quatre mille trois cents au total. Cela a été l’occasion de renforcer le parti, ce qui est un point d’appui pour l’avenir : nous avons ainsi réalisé quarante et une adhésions au Parti communiste, et dix aux Jeunesses communistes.
Surtout, ces rencontres se sont déroulées dans une totale liberté de dialogue : à partir de ces heures de discussions avec les Françaises et les Français, nous voyons très nettement des attentes se dégager. Par exemple, le prélèvement à la source des multinationales, le droit aux vacances, le pouvoir d’achat et les salaires. Il ressort que les gens ont des priorités très ancrées dans leur vie quotidienne ; ce qu’ils attendent de nous, ce sont des mesures très concrètes et applicables à court et moyen terme. ça n’a de sens pour eux que si nous sommes concrets. Ce sera le fil de rouge de notre campagne.

La caravane a marqué le lancement de la campagne de Fabien Roussel et des communistes. Quels vont être les autres temps forts dans les mois qui viennent ?
Nous venons de clôturer une magnifique fête de l’Humanité qui a permis, à la suite de la caravane d’été, de poursuivre ce dialogue avec les femmes et les hommes de gauche, si attachés à cette grande fête populaire. Nous allons continuer dans ce sens, celui du dialogue direct, sans filtre, avec les Françaises et les Français.

« À travers la candidature de Fabien Roussel, nous avons fait le choix de nous présenter de nouveau devant les Françaises et les Français, après quinze années d’absence à l’élection présidentielle. »

Cet automne, nous allons initier une série de déplacements, sept grandes soirées thématiques. Nous irons non pas dans les métropoles mais dans des sous-préfectures, dans des villes ou villages plus modestes : la gauche n’y va plus beaucoup, nous voulons, nous, renouer ce contact et ce dialogue. Ces échanges vont nourrir notre programme, que nous dévoilerons cet hiver.

Quels sont les enjeux de la campagne et les axes forts que va devoir défendre Fabien Roussel ? Comment les communistes vont-ils s’organiser ?
Jamais les inégalités entre ceux qui détiennent le capital et l’immense majorité d’entre ceux qui n’ont que leur force du travail pour vivre n’ont été aussi criantes. En cinq ans à l’Élysée, Emmanuel Macron a permis aux cinq cents plus grandes fortunes de France de doubler leur patrimoine. Il est passé de 570 à 1 000 milliards d’euros. Quant aux patrons du CAC, leur salaire a augmenté de 30%.
Vous me direz, heureusement que c’est la crise, parce que si ce n’était pas le cas, qu’est-ce que ce serait ? Vos salaires ont-ils augmenté de 30% ? Avez-vous vu l’argent ruisseler par magie dans vos poches ? Ce qui ruisselle, pour la grande majorité des gens, c’est le prix des factures. Gaz, électricité, essence, assurance, alimentaire… Tout. Et je ne vous parle pas du logement. En résumé, plus que jamais, c’est nous tous qui trinquons pendant que eux, les plus riches, sirotent le champagne. Cela s’appelle le capitalisme. Chacun voit bien que tout cela nous entraîne dans le précipice et que rien de bon ne peut en sortir. Cela ne peut pas durer parce que le capitalisme épuise les hommes comme il épuise les ressources et la nature.
Dans le même temps, nous sommes, depuis 2017, dans un moment politique tout à fait particulier, notamment caractérisé par un épais brouillard idéologique, qui prend parfois des formes assez inquiétantes. Redevenir aux yeux des Françaises et des Français un repère politique clair et fiable, dans ce brouillard ambiant, telle est notre ambition.

« Nous irons non pas dans les métropoles mais dans des sous-préfectures, dans des villes ou villages plus modestes : la gauche n’y va plus beaucoup, nous voulons, nous, renouer ce contact et ce dialogue. »

Nous avons décidé de mener cette campagne avec la volonté, le désir de s’extraire de ce brouillard politique pour aborder des sujets utiles aux gens – comme nous l’avons fait sur le vaccin et la santé, en affirmant ce que doit être l’horizon de la gauche, comme nous le faisons encore sur les salaires et le monde du travail, sur l’éducation, sur la sécurité aussi, et nous l’assumons, en somme sur tous les sujets qui appellent des réponses politiques de gauche. Ensuite, nous voulons – et c’est notre second objectif – être de nouveau audibles et parler aux gens de gauche mais aussi et surtout à ceux qui se sont détournés de la politique, aux abstentionnistes qui auparavant votaient et s’en sont lassés. C’est vers eux qu’il faut nous tourner ces prochaines semaines.
Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse sur ce dégoût de la politique. Les médias en parlent comme si cela était subitement tombé du ciel. C’est en fait le résultat d’un long processus politique qui s’est ouvert en 2005. Ce qui a dégoûté les gens, c’est le référendum européen de 2005, quand les Français se sont rendu compte qu’on se moquait de ce qu’ils avaient exprimé ; c’est aussi le fait d’avoir été trois millions dans la rue en 2010 comme en 2015, contre la réforme des retraites et la loi travail, et que les gouvernements ont ignoré ce mécontentement et sont chaque fois passés au bulldozer ; ce qui a dégoûté les gens, c’est de voir les APL amputés tandis que les cadeaux fiscaux, avec la suppression de l’ISF en particulier, se multipliaient. À tous ceux-là, nous voulons nous adresser de nouveau et leur dire que, nous, communistes, absents du débat politique présidentiel ces quinze dernières années, nous sommes et serons toujours des gens de parole, sur qui ils peuventcompter. Leur dire que nous aurons le courage de mener des réformes populaires. Ce que nous proposons, c’est un pacte pour bâtir ensemble la France des jours heureux.

Face aux nombreuses candidatures que répondre à ceux qui désespèrent de l’unité de la gauche ?
D’abord, attendons de voir combien la gauche aura véritablement de candidats. Pour notre part, nous en aurons effectivement un et ce, pour deux raisons. La gauche est faible non pas parce qu’elle serait divisée, mais parce qu’elle ne parle plus concrètement aux Français. La gauche, toute mouillée, c’est 25% aujourd’hui. C’est cela qui nous inquiète. Les communistes dirigent sept cents communes, compte un groupe à l’Assemblée nationale, un autre au Sénat : je me permets de le rappeler parce que cette légitimité du terrain, tout le monde ne l’a pas ; nous, nous l’avons.
Et c’est parce que nous avons cette implantation, parce que nous avons cette connaissance de la réalité quotidienne, y compris de celle des petites villes, que nous avons des choses à dire aux Françaises et aux Français. Nous voulons défendre des convictions et porter une vision pour la France, un projet de société pour les cinq-dix prochaines années.

« Le capitalisme épuise les hommes comme il épuise les ressources et la nature. »

Je pense, par exemple, à la répartition des richesses entre les individus mais aussi entre les territoires, ce qui est souvent oublié à gauche ; à la question de l’énergie, dont l’enjeu va être majeur ces prochaines années à la fois en matière de pouvoir d’achat pour les familles et les PME mais aussi quant à l’indépendance stratégique ; au défi démographique qu’il va nous falloir affronter avec, d’un côté, la jeunesse qui sort abîmée par cette crise de la covid et, de l’autre, les plus de 65 ans, que ce soit à travers les retraites ou le sujet de la dépendance des aînés qui commence à inquiéter les familles. Nous avons des propositions à faire aux Françaises et aux Français et nous le ferons.

Outre la présidentielle, les législatives se profilent, quelle sera la stratégie du PCF ?
Le PCF a la volonté de rassembler très largement pour ces élections en instaurant un pacte législatif avec l’ensemble des forces politiques de gauche, avec le souci de la dimension locale, qui importe et qu’il convient de respecter. Le Parti communiste est moteur et sert de passerelle entre les différents courants politiques pour réussir ces élections législatives.

La rentrée sociale sera chargée, particulièrement avec les « réformes » des retraites et de l’assurance-chômage. Comment le PCF et son candidat vont-ils s’impliquer dans ces batailles ?
Nous allons nous impliquer sur ces deux sujets de casse sociale sans précédents, comme nous l’avons toujours fait, c’est-à-dire en ayant un pied dans la rue et un pied dans les institutions. S’agissant des retraites, nous sommes convaincus que ce sera l’un des grands enjeux de cette élection. Notre projet est l’exact inverse de celui présenté par Emmanuel Macron. Nous sommes pour le droit de partir à la retraite à 60 ans, avec une bonne pension. Nous défendons une réforme financée par une cotisation sur les revenus financiers mais aussi par la création d’un million d’emplois utiles à la société et par l’égalité salariale.

Cette rentrée est également marquée par la quatrième vague de covid-19 sur fond de défiance vis-à-vis de la vaccination et de récupération des manifestations antipasse sanitaire par l’extrême droite. Quelles sont les armes du PCF face à cela ?
La vaccination et le passe sanitaire sont deux choses tout à fait différentes, sur lesquelles le parti a pris des positions très claires. Pour en finir avec la pandémie, nous exigeons la levée des brevets et les transferts de technologie afin de permettre à tous les peuples du monde d’accéder à la vaccination la plus large, la plus rapide. Fabien Roussel fait valoir la nécessité de libérer les vaccins du monde de la finance, l’exigence de soutenir la recherche publique.

« Ce que nous proposons, c’est un pacte pour bâtir ensemble la France des jours heureux. »

Nous souhaitons agir pour la vaccination généralisée, et cette bataille est loin d’être gagnée. Près de trois millions de Françaises et de Français, parmi les plus fragiles, n’y ont pas encore accès ; dix millions de Français ne sont toujours pas vaccinés. Bien souvent, ce sont les mêmes qui ne vont jamais chez le médecin, ou sont éloignés des soins. Ils vivent dans la pauvreté. Cette pandémie met en évidence les dégâts provoqués par la casse de notre système de santé publique et les terribles inégalités qui se creusent entre les classes sociales, les départements, les milieux ruraux ou urbains.
Enfin, il faut former des dizaines de milliers de médecins, d’infirmiers, de soignants, ouvrir des hôpitaux et des lits, permettre à chacun d’avoir à proximité une maternité, un service d’urgence, à la campagne comme dans les grandes villes. Voilà une politique de progrès à mettre en œuvre dans tout le pays ; elle fait le choix du public pour tout ce qui concerne l’hôpital et la santé.

Que faut-il retenir de cette édition de l’université d’été qui avec la fête de l’Humanité marque la rentrée sociale des communistes ?
L’une et l’autre sont des rendez-vous précieux pour les communistes, parce qu’elles sont l’occasion de se retrouver – après plusieurs mois de confinement et d’isolement, c’est important – mais aussi et surtout parce qu’elles leur permettent de dialoguer, de penser ensemble, d’imaginer le monde de demain collectivement. C’est notre identité que de savoir travailler ensemble. L’élection présidentielle, ce n’est pas une transat en solitaire mais une course en équipage.
Nous avons désormais déployé les voiles, à nous toutes et tous d’avancer ensemble !

Cause commune n° 25 • septembre/octobre 2021