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Au sein de l’Union européenne, malgré les traités, l’austérité, la concurrence et leurs dogmes-carcans, malgré un fonctionnement institutionnel profondément autoritaire et opaque, il existe, au sein même de ces institutions, un champ politique de luttes à mener et de victoires à conquérir.

Des sujets mis à l’ordre du jour en amont des politiques nationales
Le parlement européen, en effet, bien que privé du droit d’initiative législative, se prononce dans la procédure de codécision sur des dossiers majeurs, qui concernent directement les conditions de vie de tout un chacun : conditions de travail, politiques budgétaires, énergétiques, transports, etc. Il vote sur des sujets déterminants : le climat, l’évasion fiscale, les droits des femmes, ou encore les services publics. Autant de sujets mis à l’ordre du jour des sessions du parlement européen bien souvent en amont des politiques nationales. Les élus communistes et apparentés ont la possibilité d’agir concrètement et de faire de leurs mandats des leviers d’action.

« Les élus communistes se doivent d’être le pied dans la porte, qui fait entrer, par effraction s’il le faut, la lutte dans l’hémicycle et tous les acteurs qui la composent. »

Leur premier rôle est d’être les porte-parole des luttes, de faire entendre une voix différente des discours habituellement prononcés au plus haut niveau de décision politique. C’est témoigner de la réalité du terrain, dénoncer les injustices, mettre devant leurs responsabilités ceux qui font la sourde oreille. Le mandat d’eurodéputé ouvre une fenêtre médiatique et donne une opportunité de prendre la parole dans l’espace public. Concrètement, les députés européens peuvent interpeller les différentes institutions européennes comme la commission ou la Banque centrale européenne (BCE) et celles-ci seront dans l’obligation de leur fournir une réponse.

Une opacité à combattre
Ils peuvent aussi rendre accessible l’enceinte parlementaire à ceux qui en sont largement exclus. Les processus décisionnels européens sont en effet des plus opaques et difficiles à saisir lorsqu’on n’est pas un « lobbyiste » professionnel ou un eurocrate aguerri. Ne nous trompons pas, cette opacité est voulue, organisée pour tenter d’exclure du champ politique les acteurs qui peuvent constituer des forces de résistance : syndicats, associations, ONG, autres acteurs et militants. Accès aux textes, aux agendas, aux documents confidentiels, déchiffrage du jargon législatif, c’est un véritable travail de diffusion et de décryptage d’informations qui doit être fait pour défendre les intérêts populaires. Ils ont également un rôle de lanceur d’alerte, qui permet de rendre visibles les rouages antidémocratiques, de soulever les scandales, d’analyser les propositions et de rendre publique et accessible l’activité parlementaire. En d’autres termes, les élus communistes se doivent d’être le pied dans la porte, qui fait entrer, par effraction s’il le faut, la lutte dans l’hémicycle et tous les acteurs qui la composent.
Loin de se perdre dans les méandres parlementaristes, une utilisation stratégique des droits d’amendement, de vote et du travail en commission permet de se positionner concrètement et précisément sur chacun des sujets abordés. C’est l’occasion de formuler des propositions, de pousser plus loin le travail de convergence avec nos partenaires politiques, syndicaux et associatifs nationaux et européens. Cela oblige nos adversaires à se positionner par rapport au contenu produit et permet la construction d’alternatives concrètes avec les autres forces communistes et progressistes au niveau européen. Certes, les rapports de forces sont très défavorables au sein de l’hémicycle (430 membres de droite, conservateurs, extrême droite ou libéraux sur 751, contre seulement 52 GUE/NGL), il reste néanmoins possible de remporter des victoires au sein du système, lorsque la mobilisation populaire est suffisante. Le rejet à deux reprises de la directive de libéralisation des ports en 2003, puis en 2006, en fait foi. Nos députés citent plus loin d’autres exemples.
Nous ne changerons évidemment pas la nature de l’Union européenne, rien qu’en faisant élire plus d’élus communistes au parlement européen, mais nous pouvons choisir de faire de ces élus un bras armé de plus pour construire le rapport de forces nécessaire à la construction d’une Europe des peuples et des nations libres, souverains et associés. Loin d’un parlementarisme stratosphérique, coupé des réalités du monde, malheureusement courant dans ce genre d’hémicycles, il est possible de mener, au sein du parlement européen, une lutte utile et qui paye. n

Marie-Lou Badie et Charlotte Balavoine sont collaboratrices des députés GUE/NGL au parlement européen.


Élections europé́ennes, mode d’emploi

Les é́lections europé́ennes auront lieu le 26 mai 2019. Le parlement européen compte actuellement 751 sièges. Après le Brexit, ce nombre s’abaissera à 705. Un rééquilibrage par pays fera passer le nombre de députés franç̧ais de 74 à̀ 79.
La loi française fixant les modalité́s électorales impose deux seuils. Le seuil de remboursement, c’est-à-dire le seuil au-dessus duquel les frais de campagne seront remboursés par l’État, et le seuil de repré́sentativité, c’est-à-dire le seuil au-dessus duquel les listes auront effectivement des député́s qui pourront sié́ger au parlement europé́en. Pour les prochaines élections europé́ennes en France, le seuil de remboursement est fixé à 3 % des suffrages et le seuil de représentativité à 5 %.

Cause commune n°9 • janvier/février 2019