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Yan Pei-Ming, Mao, 2005, Musée national des arts du XXIe siècle, Rome.
Photo : André Morin. Courtesy of Fondazione MAXXI.

 

La Chine se démarque d’une croissance exponentielle dans le monde multipolaire de l’art contemporain comme dans le reste des activités mondiales. Si les places fortes des États-Unis et d’Europe restent en course, c’est 41 % de ce marché qui est occupé par la Chine. Pékin est soucieuse de son soft power et se montre exigeante dans la formation qu’elle offre aux artistes dans les écoles qu’elle administre. L’enseignement artistique chinois est conditionné à rude sélection, ce qui amène depuis des décennies des jeunes artistes chinois à chercher une reconnaissance à l’étranger. Yan Pei-Ming est de ceux-là.
Il a d’abord été artiste de propagande, peignant en particulier la figure de Mao Zedong, pour pouvoir se procurer son matériel d’artiste. Refusé aux Beaux-Arts de Shanghai, il arrive en France en 1980 à 19 ans et intègre les Beaux-Arts de Dijon où son talent de portraitiste est remarqué bien qu’éloigné des mouvements phares de l’époque, comme le minimalisme. Il se passionne pour Courbet qui est connu en Chine pour être « un artiste révolutionnaire, à l’image très liée à celle de la Commune de Paris. On insistait beaucoup sur l’aspect politique de sa peinture et tout le monde le connaissait, de l’ouvrier à l’artiste débutant », rappelle l’artiste.
Les portraits de Yan Pei-Ming sont des grands formats, peints à grosse brosse, provoquant des effets de matière et dans une seule teinte nuancée. Les portraits sont pour lui l’objet d’une confrontation et d’un dialogue. Ceux de Mao s’exposent aux côtés de ceux de son père, associant deux figures paternelles, biologiques et symboliques, ou encore, face à des anonymes, questionnant la manière avec laquelle l’image extirpe l’humain du monde matériel, le transposant dans une sphère d’intemporalité. Le passage du statut du portrait à celui d’icône, dans le cas de Mao, n’a eu de cesse d’exercer une fascination, par exemple dans l’œuvre d’Andy Warhol : un témoignage du phénomène international induit par la Révolution chinoise que Mao Zedong incarna.
Axel Loscertales

Cause commune n° 22 • mars/avril 2021