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L’exposition-événement au Grand Palais.

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Au premier plan, reconstitution du dispositif scénique réalisé d’après les plans de Lioubov Popova pour Le Cocu magnifique de Fernand Crommelynck (mise en scène de Vsevolod Meyerhold, 1922), Musée théâtral Bakhrouchine, 1967. © Sputnik France

Présentant plus de quatre cents œuvres conçues entre 1917 – année de la révolution d’Octobre – et 1953 – année de la mort de Staline –, l’exposition Rouge. Art et utopie au pays des Soviets se déployait sur les deux étages des galeries nationales du Grand Palais, du 20 mars au 1er juillet 2019.
Le premier étage, lumineux et ouvert, consacré aux années Lénine, offrait un panorama riche des tendances artistiques de l’époque (suprématisme, constructivisme, réalisme pictural), avec des œuvres multimédia (photomontages, affiches, fenêtres ROSTA, architecture, costumes et mises en scène théâtrales, art mobilier, cinéma) de Kazimir Malevitch, Alexandre Rodtchenko, Gustav Klutsis, Alexandre Deïneka, Varvara Stepanova, et bien d’autres.
Au second étage, le visiteur entrait dans une tout autre atmosphère, celle des années Staline. Des expérimentations cinématographiques révolutionnaires de Sergueï Eisenstein, nous passions au kitsch du réalisme socialiste. Le choc était bien entendu réfléchi : murs gris, lumière pâle, espaces clos, température avoisinant les 10°C en hiver (on se croyait presque en Sibérie !), une mise en scène mise au service de la dramatisation. Un discours accusateur prévisible et justifié mais tout de même un peu forcé.
Cette exposition monographique très visitée a eu l’avantage de participer à renouveler l’imaginaire existant autour de la révolution d’Octobre auprès du « grand public », ne la concevant plus comme un bloc monolithique, mais bel et bien, dans ses premières années, comme un vivier d’expérimentations infini où l’art et la vie se sont confondus, où l’imaginaire et les avancées technologiques se sont rencontrés, où les interactions sociales et le rapport au travail se sont réinventés, dans la construction d’un monde de tous les possibles.

Élodie Lebeau