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Le 6 novembre, le PCF a rendu publique une « version préliminaire pour concertation » de son Plan Climat Empreinte 2050. Ce document est en ligne et largement diffusé. Après une courte présentation, nous avons demandé
à deux militants impliqués dans ce travail de nous expliquer comment les sections et fédérations pourraient participer à son évolution et à sa diffusion.

Entretien avec Iban Dard-Merle et Frédérique Gallien

CC : D’abord qu’est-ce que le Plan Climat ?

FG : Il s’agit du premier plan soumis par un parti politique. L’urgence est là. Planifier ou subir le changement climatique, voilà le carrefour auquel est arrivé l’humanité. Parce que le réchauffement climatique s’accélère, parce que les alertes du GIEC et des dizaines de milliers de scientifiques qui fournissent un travail considérable par son ampleur et par sa rigueur nous le demandent. Cela nous oblige en tant que responsables politiques.
Ce plan travaillé par la commission nationale Écologie du PCF, avec le concours d’autres commissions nationales qui ont souhaité s’associer à sa démarche, des membres de la direction nationale et des militants issus de professions scientifiques, couvre une période allant jusqu’en 2050, et propose des transformations profondes des principaux secteurs émetteurs : transport, bâtiment, industrie et agriculture.

« Nos sensibilités diverses ne sont pas toutes travaillées de la même manière par le climat, c’est pourquoi l’enjeu premier est de partager les alertes des scientifiques »

Une conviction est au cœur de la démarche : ce grand défi qu’est la lutte contre le changement climatique ne pourra être relevé que dans la justice sociale et la coopération internationale. Ce plan montre ce que seront les transformations économiques, sociales et culturelles pour atteindre la neutralité carbone en réduisant les inégalités. Il intègre la réindustrialisation et le développement de l’emploi en France. Il s’appuie sur une démocratisation de la société et mobilise des moyens financiers inédits.

CC : En quoi Empreinte 2050 diffère-t-il des rapports produits par les associations écologistes (Shift Project, Negawatt, etc.), par les acteurs économiques et institutionnels (RTE, ADEME, etc.) ou les gouvernements de Macron (rapports d’impact des lois climats, énergie et résilience) ? Qu’est ce qui fait son originalité et sa force ?

IDM : Empreinte 2050 n’est pas simplement un rapport sur l’état actuel du monde. Il est encore moins centré sur le seul secteur de l’énergie. Il n’est pas uniquement conçu comme un programme de transition écologique, une simple composante d’une politique, mais comme un programme de sortie du capitalisme vers un nouveau système. En plus de proposer trois décennies de mesures sur la production et la consommation, nous allons plus loin : création de nouveaux services publics, investissements concrets pour ceux qui existent déjà, dans la formation et la recherche. La question du travail est centrale dans ce projet. Nous voulons une réorganisation structurelle de notre paysage économique, avec des nationalisations d’ampleur dans tous les secteurs (transport, énergie, banque, etc.) et des restructurations administratives autour de pôles publics. Notre transition n’est pas « décroissante », mais, au contraire, elle sera l’opportunité d’un sursaut économique, intégré dans une société socialiste. Enfin, notre démarche est démocratique, dès la création même de ce plan et pour l’avenir.

« Empreinte 2050 est le point de départ d’une concertation la plus large possible pour que l’écologie communiste soit aussi un plan pour le progrès social et une élévation générale de la qualité de vie. à nous de nous en emparer ! »

CC : Le plan est-il figé ? Comment les communistes, les citoyennes et les citoyens peuvent-ils s’en saisir ?

FG : Non. C’est la première étape d’un travail au long cours. Ce plan a besoin de toutes et de tous, des militantes et militants communistes aux responsables publics, élus, scientifiques, ouvriers, ingénieurs et travailleurs, syndicats, citoyennes et citoyens. Réagir aux propositions, faire part de l’expertise de chacun, contribuer pour enrichir le texte initial, permettra d’ici l’automne 2024 de présenter une nouvelle version à nos instances, qui sera réactualisée et enrichie chaque année en fonction des évolutions scientifiques et techniques, et des débats.

CC : Iban, tu es étudiant en design, nullement ingénieur énergéticien ou climatologue, pourquoi t’es-tu investi comme présentateur de ce Plan Climat ?

IDM : Le design, s’il veut assumer ses responsabilités écologiques et sociales, doit être révolutionnaire et radical. Si les dirigeants politiques et la bourgeoisie ont leur rôle dans la crise écologique que nous vivons, ma discipline en est au moins tout aussi responsable. On ne peut plus concevoir d’étudier sans penser à notre devoir environnemental. C’est l’affaire de tous et spécialement celle de la jeunesse. Partout autour de moi, j’entends parler de la planète, du climat, de l’environnement, de la biodiversité. Il est certain que la crise du XXIe siècle préoccupe, questionne, démoralise, angoisse. C’est pourquoi j’en appelle aux jeunes tout particulièrement à se saisir de ce plan, afin de trouver un lieu de construction collective d’espoir. Le 6 novembre, lorsque la vidéo s’est arrêtée, au milieu de la fédé et des camarades, je l’ai dit : « Je suis fier de mon parti. » Alors oui, il y a encore beaucoup à faire, et c’est tout l’intérêt ; c’est même cela qui m’a attiré. Nous avons la possibilité de pratiquer notre avenir. Nous clamons l’urgence de la lutte radicale et surtout collective, nous le parti de la politique non électoraliste, le parti de la planification.

CC : En quoi va consister ce travail de présentation ?

IDM : Tout d’abord, l'essentiel, il me semble, est de transmettre l’importance de la considération écologique. Nos sensibilités diverses ne sont pas toutes travaillées de la même manière par le climat, c’est pourquoi l’enjeu premier est de populariser les alertes des scientifiques. Ce document, parce que pragmatique, est dense, trop dense pour des formations de trois quarts d’heure. C’est pourquoi les exposés seront menés différemment en fonction des nécessités. L’exhaustivité n’est pas évidente ; il vaut mieux s’adapter aux préoccupations des participants, du temps attribué et des enjeux spécifiques (territoire, élus, politique locale, etc.). Il ne faut pas assommer de chiffres : ceux-ci pourront être trouvés dans la brochure. Profitons de ces temps dédiés pour développer collectivement une réflexion systémique sur ce que nous voulons. Parce que la crise est globale, tous les pans de notre société devront être transformés. En clair, s’approprier la centaine de pages d’Empreinte 2050, c’est déjà gagner une étape décisive !

« Empreinte 2050 n’est pas uniquement conçu comme un programme de transition écologique, une simple composante d’une politique, mais comme un programme de sortie du capitalisme vers un nouveau système. »

CC : La fédération du Rhône a été l’une des premières à monter une commission écologie ? Quel était le projet ?

FG : Même si cela est peu connu, l’écologie est depuis longtemps une constante transversale à toutes les luttes portées par les communistes. La première commission écologie a vu le jour en 1969. C’est un sujet qui mobilise la jeunesse et peut lui permettre de s’impliquer en politique. Il y a eu une étape avec les Assises communistes de l’écologie, les 4 et 5 mai 2018, dont les actes ont été publiés sous forme d’une brochure Écommunisme, dans le cadre de la préparation du 38e congrès national (Ivry, 23-25 novembre 2018). La commission Écologie du Rhône a vu le jour à la suite de ce congrès.

CC : La commission a-t-elle déjà pris des initiatives autour du Plan Climat ?

FG : Oui. Dès le 19 septembre 2023, Sylvestre Huet, journaliste scientifique, a été invité à expliquer les dernières conclusions du GIEC lors d’une conférence autour de son livre Le GIEC, Urgence climat, le rapport incontestable expliqué à tous (Tallandier, 2023). Une écoute collective de la conférence nationale du 6 novembre a été organisée au local fédéral. Nous avons organisé aussi, avec la commission Formation, des soirées sur des thèmes voisins, en particulier sur les mobilités : le Lyon-Turin et plus généralement le ferroviaire dans la région le 23 octobre (avec Robert Leroy, syndicaliste cheminot de Savoie), la gratuité des transports urbains le 14 novembre (avec Cyril Cineux, adjoint PCF aux transports de Clermont-Ferrand), les zones à faible émission ou ZFE le 7 décembre (avec Jacques Baudrier, adjoint PCF à Paris). Ces soirées étaient ouvertes à des sympathisants. Avec la commission Culture, nous avons invité le 17 novembre Étienne Ghys, le secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. Bien sûr, le thème était plus vaste, puisqu’il concernait l’ensemble des sciences et leurs relations avec la société.

CC : Quelle est la suite prévue ?

FG : Il s’agit d’abord de diffuser les données scientifiques issues du dernier rapport du GIEC, de faire connaître la version 1 du plan Empreinte 2050, de se former pour animer des débats au sein des sections, de la fédération du Rhône et de celles de la région si besoin, d’associer un maximum de camarades, militants, citoyens non encartés, élus, instances syndicales, à la réflexion en cours : comme nous l’avons dit, ce plan est destiné à être amendé et enrichi. Cinq camarades de la commission écologie du Rhône et notre secrétaire fédéral sont inscrits aux formations nationales organisées pour présenter le plan Empreinte 2050, dont Iban, qui a suivi la première. Le volet agriculture et sa déclinaison européenne seront exposés début janvier dans une ferme chevrière à Marennes (69). Un événement concernant la partie B2 (isolation des logements) est prévu en mars dans un quartier populaire. Une présentation sera organisée dans le cadre de la coopérative des élus. Une action fédérale est envisagée autour des polluants éternels ou PFAS qui empoisonnent la vie des habitants du sud de Lyon. Mais il faut également solliciter toutes les compétences, les bonnes volontés et motivations qui accepteront d’en débattre. C’est ainsi que nous allons solliciter l’avis de l’Académie des sciences, belles lettres et arts de Lyon, dont la commission Écologie a présenté ses travaux récemment. Nous comptons également, en février ou mars, lancer un ciné-débat avec le film de Gilles Perret La Ferme des Bertrand autour des nécessaires transformations de l’agriculture. Nous participerons au salon Primevère à Lyon-Eurexpo du 1er au 3 mars et à la fête de l’Humanité du Rhône les 25 et 26 mai. La liste n’est pas close.

CC : Quelles sont vos conclusions ?

FG : Le plan Empreinte 2050 est une nouvelle étape dans la vie du PCF : il propose des transformations profondes des principaux secteurs émetteurs de CO2 et de GES. Il n’est pas à prendre ou à laisser, c’est le point de départ d’une concertation la plus large possible pour que l’écologie communiste soit aussi un plan pour le progrès social et une élévation générale de la qualité de vie. A nous de nous en emparer !

IDM : Empreinte 2050 est historique, c’est l’expression même du pouvoir des masses, de notre démocratie et de nos valeurs communistes. Un dernier mot pour les jeunes : approprions-nous ce texte et saisissons-nous de notre avenir. l

Iban Dard-Merle est étudiant en design. Il est membre du MJCF et présentateur du Plan Climat.
Frédérique Gallien est membre du conseil national du PCF. Elle est secrétaire de la commission écologie nationale et coordinatrice de la commission écologie du Rhône.

Propos recueillis par le comité de la rubrique Sciences.

Cause commune 37 • janvier/février 2024