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Militer, c’est mener une lutte des idées. Habituellement, les militantes et militants du PCF n’hésitent pas à aller au contact, en porte à porte, sur les marchés, devant les lieux de travail, dans les moyens de transport. Depuis mi-mars, ces habitudes, pourtant si présentes ces derniers mois, entre municipales et combat pour préserver nos retraites, peuvent paraître lointaines.

Et pourtant lutte et solidarité ne se sont pas arrêtées. Chacune et chacun dans sa section, sa fédération, a repensé ses activités, s’est interrogé sur les moyens et outils possibles et nécessaires pour maintenir une vie de parti et une diffusion de nos idées indispensables dans cette période de crise et de reculs sociaux.
Ici, on a édité et collé une affiche, dans telle ville une « brigade de la solidarité » a été créée, ailleurs les actions engagées auprès des plus précaires ont continué, comme les interpellations des autorités et des institutions. Le 1er mai a été combatif, des affichettes ont été collées dans les halls d’immeuble, sur les balcons chants et banderoles engagés ont fleuri, une vente de « muguet virtuel » a été organisée… Chacun selon ses possibilités a mis à contribution Internet, cette fenêtre sur le monde, pour joindre camarades et proches, et surtout diffuser nos idées militantes. Mise à jour des fichiers, prise en main de la visioconférence, rappels réguliers, de la fédération et du terrain nos actions militantes ont certes été transposées chez nous, mais toujours avec ce souci d’informer, d’organiser et de faire de la politique avec le plus grand nombre.
Delphine Miquel


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Le parti communiste face aux défis du confinement

Entretien avec Yann Le Pollotec

En quoi le confinement et plus largement la crise sanitaire que nous traversons est porteuse de défis pour un parti comme le nôtre ? Comment le parti a-t-il réagi face à cela ?
Yann Le Pollotec : Pour une organisation comme la nôtre dont l’activité est centrée sur le contact humain, le confinement apparaît comme complètement antagoniste avec notre « vie de parti ». On aurait pu s’attendre à une « mise en hibernation » collective, à l’image de ce qui peut se passer dans d’autres sphères de la société. Heureusement, ce n’est pas ce qui s’est passé, car à tous les niveaux les communistes ont souhaité maintenir et développer la Vie du parti. Dans les fédérations et les sections, des expérimentations intéressantes se sont déployées, et le secteur « Vie du parti » a engagé un recensement pour que nous puissions tirer le meilleur de toutes ces expériences. Du côté de la direction nationale, nous avons avancé sur la mise en place d’un outil de visioconférence, indispensable pour tenir des réunions à distance.
Précédemment, nous utilisions Zoom, mais cela posait deux soucis : un souci de sécurité, et un souci de prix, s’agissant d’une application payante. Il était évidemment exclu de recourir massivement à d’autres solutions techniques issues des GAFAM, quand bien même elles seraient gratuites (Google a en effet rendu gratuit son système de visioconférence Meet). Nous avions donc besoin d’un outil qui nous soit propre.

Comment cet outil s'est-il mis en place ?
Y.L.P. : La réflexion a été menée avec trois « acteurs » : la direction nationale, avec la Vie du parti ; la commission « Révolution numérique » ; et Octopuce notre hébergeur coopératif, engagé dans l’univers du logiciel libre évidemment. C’était déjà un peu dans les tuyaux, notre hébergeur commençait à travailler sur ce type de système et nous étions intéressés, mais le confinement a véritablement accéléré les choses.
L’objectif n’était pas seulement d’avoir un système de visioconférence « basique », mais au contraire d’adap­­ter réellement les fonctionnalités de l’outil à nos besoins en tant que parti. On pourra revenir sur cette démarche et sur notre rapport à la technologie d’ailleurs, cet exemple est révélateur. Donc, nous avons pu inclure un fil de discussion simple et ergonomique, pratique pour s’inscrire sur le tour de parole mais aussi pour partager une réflexion sans intervenir oralement, ou pour marquer son approbation sans interrompre la personne qui parle. Nous avons également inclus un module permettant de prendre des notes partagées, pratique pour établir en temps réel comptes rendus et relevés de décisions. Enfin, des fonctionnalités d’animation (désigner un présentateur, partager son écran, couper les micros) qui fluidifient les échanges, et la possibilité de se connecter à la réunion par téléphone, car tous les camarades ne sont pas forcément à l’aise avec l’informatique.
Ainsi, non seulement nous pouvons tenir nos réunions, mais elles sont aussi plus efficaces, puisqu’il est plus facile d’aboutir sur des décisions d’actions partagées.
Enfin, il a fallu planifier l’élargissement de l’accès, pour éviter que le système ne soit victime de son succès, et nous suivons son déploiement avec attention : nous avons déjà dû procéder à deux augmentations de puissance des serveurs…

Puisque tu nous y invites, peux-tu justement revenir sur l’approche des outils numériques par le parti, plus largement, et en quoi est-elle originale ?
Y.L.P. : Aujourd’hui, deux approches dominent. D’un côté, des structures traditionnelles vont piocher ponctuellement dans les outils numériques sans forcément les faire évoluer et en s’adaptant à eux. De l’autre, des nouvelles organisations se construisent autour de l’outil technologique, là aussi sans le questionner réellement comme si la technologie était neutre par elle-même, ce qui fut le cas des mouvements qui ont percé à la présidentielle, par exemple.
De notre côté, nous cherchons à ne pas subir la technologie, mais plutôt à nous l’approprier et à la transformer dans la mesure du possible pour l’adapter à nos besoins. En somme, on intègre l’outil numérique pour ce qu’il est, à savoir un ensemble d’apports nouveaux dans notre militantisme quotidien.
« Visio » n’a pas vocation à remplacer complètement les réunions physiques que nous avons tous hâte de retrouver. Mais il faut tout de même constater les effets positifs : on a plus de participants, plus d’actifs notamment pour qui l’économie du temps de transport est vraiment intéressante. Peut-être que certaines réunions, de directions locales par exemple, pourront continuer de se tenir à distance si les camarades le jugent pertinent ; il faut faire du cas par cas, mais de nouvelles possibilités s’offrent à nous, qui peuvent nous rendre plus efficaces.
Autre exemple, le traitement des données. Les élections municipales ont permis dans de nombreux endroits de travailler en profondeur sur les données recueillies dans nos contacts avec la population ; la refonte prochaine de COCIEL devra déployer cette logique plus largement. En fait on réinvente ce qui se faisait depuis longtemps avec les cahiers de porte-à-porte ou le suivi de nos électeurs, mais le numérique peut permettre de gagner en efficacité et en rigueur. Là encore, l’outil n’est pas une finalité mais bien justement un outil au service de nos objectifs : il s’agit d’être plus efficaces dans nos approches de contacts avec la population, d’organisation, et de mesurer l’effet réel de nos actions plus finement pour faire évoluer ce qui doit évoluer.
Pour prolonger « Visio », nous som­mes en train de mettre en œuvre un outil propre au parti de partage de fichiers lié à des « pad » (textes créés à partir d’un éditeur de texte collaboratif en ligne) pour améliorer le travail en commun et le partage d’informations. Un modèle de site web sur Wordpress est par ailleurs testé (version bêta) auprès de quatre fédérations, pour offrir une solution Web simple et quasi gratuite à nos fédérations.
Nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements, mais nous devons avancer dans cette voie, en en maîtrisant chaque pas. Pour ce faire, nous aurons besoin de constituer une véritable « communauté » de développeurs bénévoles dans un cadre militant (pour cela n’hésitez pas à nous contacter : [email protected]), ce qui ne s’organise pas n’importe comment. Là, les choses se sont accélérées, mais il va falloir prolonger la réflexion afin d’organiser justement les énergies qui foisonnent dans notre parti et autour dans ces domaines !

Yann Le Pollotec est membre du conseil national du PCF, responsable de la commission « Révolution numérique ».

 


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Ariège (09)

S’organiser pour continuer à diffuser nos idées

En Ariège, nous éditons un hebdomadaire communiste depuis plus de soixante-quinze ans, Le Patriote. C’est notre fierté de pouvoir le faire parvenir à nos abonnés chaque semaine grâce à un travail d’équipe depuis la rédaction, la mise en page, l’impression et l’expédition. Il n’a aucune prétention mais nous y traitons de nombreux sujets, locaux et nationaux. Le confinement et donc l’arrêt du tirage papier ne nous ont pas empêchés de continuer à informer, créer et maintenir des liens entre nous, nos lecteurs, et partager nos analyses politiques. Cela a signifié un assez gros travail pour le sortir et le diffuser, en temps et en heure, chaque semaine : un comité de rédaction, des choix d’articles à rédiger reprenant les sujets nationaux mais aussi les problématiques départementales sur la gestion du confinement et cette vie qui ne s’est pas arrêtée. Il a fallu au pied levé nous adapter et résoudre le problème de la diffusion numérique. Nous avons créé le fichier numérique des lecteurs, qui n’existait pas, par recoupement avec les fichiers adhérents, par coups de téléphone, par courrier postal. Au final, nous avons réussi à le diffuser à la quasi-totalité des abonnés, avec quelques impressions papier « artisanales ».
Notre journal nous a ainsi permis de nous atteler à cette tâche indispensable d’organisation : remettre à jour via nos sections nos listes d’adhérentes et d’adhérents et de contacts, et donc travailler sur notre base Cociel. Le chantier engagé n’est pas achevé, mais il montre une fois de plus l’importance de la régularité dans notre organisation pour être efficace et diffuser au mieux l’information.


« Fermons nos boîtes », quand des communistes se mettent en réseau

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Première semaine de confinement, un constat s’impose : bon nombre d’entreprises dont les activités ne sont pourtant pas essentielles dans la période continuent de tourner, sans se soucier de la santé de leurs salariés. Au fil des échanges téléphoniques, un petit groupe de camarades se dit qu’il faut agir, dans l’esprit des orientations posées dès le premier jour par le parti sur le sujet. À l’initiative d’un consultant économique et social travaillant pour les syndicats se réunissent ainsi un secrétaire de section du Sud-Ouest, un professeur de Seine-Saint-Denis, une permanente du parti, un journaliste free-lance, un professeur d’économie, membre de la rédaction de Cause commune… autour d’un objectif commun, rendre visibles les combats des salariés, et politiser la question du « qui décide dans l’entreprise ».
Des comptes sont créés sur Facebook et Twitter, une réflexion s’organise via la plateforme d’échange Discord, et les interpellations s’enchaînent. La plus importante en termes d’audience concernera STmicroelectronics, à Crolles (38), qui emploie quatre mille salariés dans la fabrication de puces numériques : le témoignage vidéo d’un responsable syndical du site enregistre plus de quarante mille vues. Combinée avec l’action locale du parti et des élus communistes, cette vague d’interpellations contribue à faire du cas de STm un sujet national, de dépêches AFP en articles dans les quotidiens régionaux.
Après un mois d’activité, le confinement rendant obsolète le mot d’ordre initial, et chacun ayant ses activités par ailleurs, la mise en veille de la page est planifiée, non sans que ses animateurs aient pris le temps de dresser le bilan de cette expérience sur le plan politique comme méthodologique. Il en restera cette expérience, versée au pot commun, pour que petit à petit le mouvement communiste s’approprie l’intervention sur les réseaux sociaux selon ses propres objectifs.


Abécédaire

Crise alimentaire Le confinement, c’est la double peine pour les plus en difficulté. Baisse des revenus (fin des emplois précaires, retards de versement des prestations, chômage partiel…) et hausse des dépenses (augmentation des prix alimentaires). Cette situation rend le besoin de solidarités indispensable.

Fichier orga Liste des coordonnées des adhérents et sympathisants, sa mise à jour est vitale au bon fonctionnement de notre parti. La rubrique Militer du Cause commune n° 3 y était consacrée, elle est accessible sur le site internet de la revue.

Logiciel libre Il s’agit de logiciels dont le code source, c’est-à-dire l’ADN, est accessible. Au contraire des logiciels propriétaires, dont l’utilisateur n’a pas la possibilité de maîtriser le fonctionnement. En termes de sécurité, le logiciel libre présente donc un avantage certain.

Quadrature du Net Association qui défend et promeut les libertés de la population sur Internet, pour un Internet ouvert, approprié par le plus grand nombre et émancipateur.

Réseaux sociaux Ils ont pris leur essor sur la dernière décennie, au point de changer fortement le mode de vie de beaucoup. Place publique virtuelle ayant ses spécificités, ses biais, porteuse de dérives comme de potentiels. Une réflexion sur notre intervention politique dans ces espaces sera nécessaire, une prochaine rubrique Militer y sera consacrée.

Visioconférence Système permettant de se réunir à distance avec le son et l’image.


Villejuif (94)

Les communistes organisent des brigades de solidarité

Depuis la mise en place du confinement, la section de Villejuif a décidé d’organiser la solidarité sur la commune pour venir en aide aux plus fragiles. Cette action solidaire et militante répond à un double objectif : pallier l’absence de mesures concrètes de la municipalité de droite et engager les communistes dans l’action auprès de la population.
Une brigade de solidarité a donc été créée pour les courses de première nécessité, les produits d’hygiène et les médicaments des personnes dans le besoin. Une trentaine de brigadistes agissent au quotidien en respectant un protocole très strict (gants, mas­ques, gel hydroalcoolique, distance de sécurité, badge de la brigade pour être identifié, etc.) et nécessaire à la sécurité de toutes et tous.
Les demandes sont traitées via un numéro de téléphone où une camarade réceptionne les besoins, explique les modalités de fonctionnement aux demandeurs et sollicite les brigadistes dans leur quartier respectif.
Après une campagne d’affichage et le soutien actif de nombreux commerces (magasins alimentaires, pharmacies, boulangeries, etc.), la brigade a pris ses marques et son action est devenue quotidienne. Chaque jour, son activité s’amplifie et les demandes vont croissant. En parallèle des besoins de première nécessité, deux autres brigades ont vu le jour : la brigade aide aux devoirs et la brigade solidarité couture.
Pour l’aide aux devoirs, la brigade apporte un soutien pour les élèves du primaire au Post-bac. L’objectif est de maintenir la continuité pédagogique pendant la période de confinement. Une trentaine de professeurs bénévoles sont aujourd’hui engagés dans la brigade. Deux camarades à l’initiative de cette brigade centralisent les demandes par téléphone et sollicitent les enseignants bénévoles en fonction des demandes et des besoins.

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La brigade solidarité couture a été créée pour répondre à l’absence de masques grand public. Elle en confectionne pour les personnes vulnérables, les soignants, les bénévoles et les commerçants en respectant les normes prescrites par l’hôpital public. À ce jour deux cent cinquante masques lavables et mille tabliers médicaux ont été fabriqués et ce sont quinze couturières et couturiers bénévoles qui ont pris part à cette action.
Les communistes de Villejuif sont également engagés dans d’autres actions ponctuelles via les brigades : préparation et livraison de repas aux personnels hospitaliers, soutien logistique au Secours populaire français (livraison de colis alimentaires chez les personnes isolées, déchargement des marchandises, livraison de machines à laver pour des familles dans le besoin, etc.), aide aux familles Roms en lien avec la Croix rouge française et divers soutiens, comme l’accompagnement chez le vétérinaire pour les animaux domestiques, le portage du courrier à la poste ou encore le prêt d’ordinateurs portables et di­verses aides logistiques pour répondre à la précarité numérique accentuée par le confinement pour beaucoup de familles.
Cette solidarité militante, initiée, organisée et pilotée par les communistes de Villejuif et dont plus de deux mille personnes ont pu bénéficier, s’appuie sur une communication construite via des vidéos expliquant le fonctionnement des brigades et mettant en avant notre rôle dans cette période de crise sanitaire et sociale. Tout en travaillant sur nos canaux de communication (Facebook, Twitter, Instagram, Youtube), nous communiquons régulièrement par voie de presse de manière assez large pour rendre nos actions, utiles à la population, le plus visible possible (voir par exemple un article dans Les Échos du 22 avril).
Notre présence a été rendue possible par l’engagement sans faille des militantes et militants communistes. Les discussions avec la population, les soignants et les commerçants nous permettent aussi de développer nos propositions et de préparer la nécessaire riposte, afin que cette crise globale ne reste pas sans réponse de fond. Nous préparons également une campagne sur l’utilisation de l’argent public avec les soignants, les TPE et les PME, les organisations syndicales, la population et le soutien actif de nos élus.
Allier la solidarité et les actions politiques concrètes est une priorité pour les communistes dans la période historique que nous vivons. Notre section s’y engage, comme nous avons su le faire tout au long de notre histoire.
Pierre Chauvin, militant communiste à Villejuif.


Yonne (89)

L’aide aux migrants ne s’arrête pas

Dans l’Yonne, le PCF mène, de concert avec les associations de solidarité locales, des actions de soutien (concerts et goûters, cours, collecte de vêtement...) aux migrants présents sur le département. Leur situation d’enfermement, dans des conditions sanitaires indignes, a fait l’objet de nombreuses batailles. Et si la situation a pu s’améliorer pour certaines et certains, le confinement dû à la mauvaise gestion gouvernementale de la pandémie covid-19 est malheureusement un facteur d’aggravation de leur situation. Les conditions de leur hébergement rendent difficile une réelle distanciation physique, elles sont source de tension, et les règles barrières peuvent difficilement être appliquées. Les mairies alentour n’ont pas donné signe de vie et la stigmatisation à leur égard s’est accrue.
Toutefois, les communistes du département ont su comme toujours, aux côtés des associations, faire jouer la solidarité, apportant un réconfort moral et des aides matérielles nécessaires à ces hommes et ces femmes. Cela s’est fait notamment à travers notre participation à la distribution des aides alimentaires. L’association qui les suit tout particulièrement a également réussi à poursuivre les cours, grâce au matériel récupéré et au soutien de chacune et chacun.
Malgré les mesures strictes du confinement empêchant la présence sur le terrain habituelle, les militantes et militants du PCF ont pu ainsi apporter leur petite pierre dans ce combat important pour les droits de ces personnes que la crise voudrait nous faire oublier.

Cause commune n° 17 • mai/juin 2020