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Les imaginaires de la nature au musée d’Orsay

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1 - Léon Frédéric, Nature ou abondance,1897, Dallas Museum of Art. 
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2 - Rudolf Schlichter, Pouvoir aveugle, 1932-1937, Berlinische Galerie.

Si les avancées scientifiques et imaginaires du XIXe siècle apparaissent pour la plupart heureuses pour les artistes et leurs publics, il existe néanmoins des points de friction et de gêne qui surgissent avec plus de fréquence vers la fin du siècle, suite notamment à la parution de L’Origine des espèces de Charles Darwin (1859), qui enflamme les débats sur la nature de l’homme et son rapport aux autres espèces. C’est ce qu’a tenté de nous montrer l’exposition « Les origines du monde : l’invention de la nature au XIXe siècle » au musée d’Orsay, du 19 mai au 18 juillet 2021. Une réaction fait par exemple naître ce que les commissaires appellent un courant à la recherche « d’une immortalité laïque » avec l’occultisme et le spiritisme prônés par des artistes comme Kupka, ou avec la théosophie et l’anthroposophie qui accompagnent la naissance de l’art abstrait de Kandinsky, Klint et Mondrian.
Aujourd’hui, encore, ce sont ces mêmes contradictions – vision idéaliste vs catastrophisme – qui animent notre quotidien politique et culturel, comme le suggère l’épilogue de l’exposition. Dans une petite salle à la fin du parcours se confrontent deux tableaux allégoriques : Nature ou abondance (1897) de Léon Frédéric et Pouvoir aveugle (1932-1937) de Rudolf Schlichter. Dans le premier, la nature est représentée telle une mère nourricière, recouverte de feuilles et de fruits et entourée d’enfants. Dans l’autre, un gladiateur géant traverse une terre brûlée. Des petits monstres se cramponnent à son torse nu et dévorent ses entrailles. Dans une main, il tient un marteau, des instruments de mesure et un journal, et, dans l’autre, une épée. Casquée, la figure se dirige vers un précipice. Séparés par une guerre mondiale, ces tableaux semblent interpeller le visiteur sur les périls de son propre présent, notamment la catastrophe écologique qui découle d’un pouvoir capitaliste aveugle et dont la pandémie, les inondations, les feux de forêt et les températures extrêmes n’annoncent que le début.
Wilson Tarbox

Cause commune n° 25 • septembre/octobre 2021