L'Affiche rouge, 13 février 1944, copie d'affiche datant de l'occupation allemande.
L’Affiche rouge demeure un exemple éloquent de la propagande allemande diffusée abondamment en France pendant l'Occupation. Elle a été placardée dans toutes les villes et tous les villages dans le contexte du « jugement » et de la condamnation à mort par un tribunal militaire allemand de vingt-trois membres des FTP-MOI, au cours de la semaine du 18 au 24 février 1944 : le groupe Manouchian (du nom de Missak Manouchian), célèbre groupe de résistants basé dans la région parisienne, dont dix sont représentés sur l'image.
L’affiche réalisée par les services de propagande nazie cherche à déstabiliser la Résistance française en exploitant habilement les codes de l’antibolchevisme et de la xénophobie afin d’influencer l'opinion publique. La disposition de l’affiche traduit clairement l'intention d’assimiler ces dix résistants à des terroristes. L’utilisation de la couleur rouge et la formation d'un triangle par les portraits contribuent à instiller un sentiment d'agressivité. Les six photos en bas, ciblées par le triangle, cherchent à suggérer des actes criminels.
À gauche, en dessous du « V » de l'affiche, les deux premières photos représentent des scènes choquantes : un torse nu criblé de balles et un homme abattu, en gabardine, près de son chapeau. Ces images ont été identifiées depuis, elles représentent les corps du commissaire Franck Martineau, abattu le 15 juillet 1943, et du commissaire Georges Gautier, abattu le 12 novembre 1943. On peut voir sur les autres clichés des armes et des déraillements de trains.
Contrairement aux attentes des Allemands, les rapports des renseignements généraux indiquent que l'effet sur la population fut contraire : la presse clandestine comme les passants exprimèrent fréquemment des marques de sympathie envers les résistants dont les portraits figuraient sur l'affiche, déposant, pour les seconds, des fleurs ou des mots de soutien en dessous de celles-ci.
Cause commune n° 37 • janvier/février 2024