Alfredo Rostgaard, Che Guevara, OSPAAAL, 1969. © Paris, BnF.
Alfredo Rostgaard, Nixon, OSPAAAL, 1972. © Collection La contemporaine.
L’art dit « socialiste » est pour beaucoup synonyme de propagande, sans réel intérêt esthétique. L’exposition Affiches cubaines, révolution et cinéma, 1959-2019 au Musée d’arts décoratifs (MAD) à Paris, en présente au contraire un tout autre genre : coloré, exubérant et surtout ouvert à diverses influences provenant de l’art contemporain mondial, telles le pop, le psychédélisme ou l’art optique (op’ art) et cinétique.
Le parcours de l’exposition, qui retrace l’histoire de l’affiche cubaine depuis la révolution de 1959, ne laisse nul doute quant au caractère subversif de cet art. Parmi les trois cents affiches exposées, deux d’entre elles sont particulièrement significatives. Conçues par Alfredo Rostgaard (1943-2004), l’une représente Ernesto Guevara et l’autre Richard Nixon. L’effigie iconique du Che est sublimée de rayons d’arc-en-ciel émanant de l’étoile de son béret, tandis que le profil de Nixon s’imbrique dans un nuage de formes biomorphiques. Avec ses oreilles pointues et ses dents en crocs, ce Nixon nous apparaît comme dans un bad trip. Après les affiches politiques, place au cinéma, autre grand art prôné par Fidel Castro pour « éduquer » les masses. Ces affiches, contrairement aux états-uniennes qui montrent des têtes d’acteurs, privilégient une interprétation libre du film de la part des artistes, signe d’un rejet du star system hollywoodien.
On saurait saluer l’exhaustivité de l’exposition si ne manquait à l’appel une figure essentielle. Aucune mention n’est faite, ni dans le catalogue ni sur le site du musée, à Régis Léger, alias Dugudus, graphiste proche du PCF et auteur de Cuba Grafica (2013), première étude scientifique française retraçant l’histoire de l’affiche cubaine. Cet ouvrage a pourtant été présenté lors d’une conférence dans ce même musée l’année de sa parution. Selon une déclaration de l’artiste postée sur sa page Facebook le 20 novembre 2019, il aurait été consulté par le musée, puis finalement écarté du projet. La direction du MAD n'a pas souhaité s'exprimer à ce sujet.
Affiches cubaines, révolution et cinéma, 1959-2019, Musée des arts décoratifs, Paris.
Wilson Tarbox