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  • Ce mois-ci dans Cause commune

  • Nous n’avons pas besoin des riches. Bêtisier du macronisme
    Maxime Cochard
  • Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants
    Bernard Lahire (DIR.)
  • La banlieue porte plainte Aubervilliers au cœur
    Patrick Le Hyaric
  • La Revanche de Michel-Ange suivi de Vivre intensément repose
    Valère Staraselski
  • Les Retraites : un bras de fer avec le capital
    Frédéric Boccara, Denis Durand, Catherine Mills (coord.)

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Nous n’avons pas besoin des riches. Bêtisier du macronisme

Arcane 17, 2020
de Maxime Cochard
par Pierrick Lavoine
Avons-nous besoin des riches ? Rares sont ceux qui se posent cette question sur les plateaux télévisés ou dans le débat public. L’idée selon laquelle les riches sont nécessaires à la survie de notre société s’est infiltrée, presque universelle, lent venin paralysant toute réflexion critique. Aussi, nous voilà souvent sans répartie à la pause-café quand un collègue nous répète une fois de plus que « si on augmente l’impôt des riches, ils vont partir », ou lorsque notre oncle un peu trop conservateur nous assène sans sourciller que « s’en prendre aux riches, c’est de la haine ou de la jalousie ! ».
Mais n’ayez crainte, vous ne resterez plus silencieux longtemps après avoir lu Nous n’avons pas besoin des riches. Bêtisier du macronisme. Auteur d’un roman sur les rouages de la politique dans la capitale française publié en 2017, Maxime Cochard signe avec cet ouvrage son premier essai. Son but ? Tordre le cou aux idées reçues concernant les riches. Et si cela suppose d’éreinter deux ou trois ministres, journalistes et éditorialistes, c’est pour mieux dénoncer cette « ploutolâtrie » : ces multiples discours idéologiques qui visent à nous faire croire que nous avons besoin des riches.
Cette critique en règle de la macronie et de ses sbires expose la cohérence des réformes mises en place par le président Emmanuel Macron. Depuis la suppression de l’ISF dès l’été 2017 en passant par la mise en place de la flat-tax, Maxime Cochard fait la démonstration d’un pouvoir confisqué par les capitalistes, au service des capitalistes. Les conflits d’intérêts au sommet de l’État se multiplient au fil des pages, l’évasion fiscale et les fraudes massives se succèdent, et le lecteur plonge dans les abysses d’un système décrypté avec pédagogie.
L’auteur s’inscrit dans la droite ligne des Pinçon-Charlot, et n’hésite pas à s’appuyer tout autant sur les travaux des économistes atterrés que sur ceux du FMI. Véritable manuel d’autodéfense intellectuel, l’étude est critique sans pour autant tomber dans la caricature. Nous n’avons pas besoin des riches est donc une merveilleuse boîte à outils qui vous permettra de déconstruire les lieux communs concernant les vertus des riches.

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Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants

Seuil, 2019
de Bernard Lahire (DIR.)
par Valérie Sultan
Ce livre est le fruit d’un travail de fond sur la petite enfance, à travers une série d’enquêtes menées par une équipe de chercheurs, sous la direction du sociologue Bernard Lahire. Dix-huit portraits d’enfants ont été publiés, six d’entre eux sont issus de milieux défavorisés, six des classes moyennes, et six des classes dominantes. Le travail des enquêteurs, minutieux et détaillé, étudie à travers une méthodologie très rigoureuse tous les aspects de ces petites vies en devenir : l’habitat, la santé, l’alimentation, les vêtements, l’accès à la culture, les transports,
le rôle de la sociabilité familiale et des ascendants, l’acquisition du langage, la scolarisation, le sport, le rapport à l’argent…
À la lecture de ces portraits, passionnante de bout en bout, se dessine sous nos yeux le profil vertigineux d’une France complètement clivée, non seulement telle qu’elle existe mais aussi telle qu’elle se reproduit dès le plus jeune âge, avec ses vainqueurs et ses vaincus, ses prédateurs potentiels et ses futurs exploités. On mesure à quel point certains enfants bénéficient dès le départ de ce que Bernard Lahire appelle « une vie augmentée » dans tous les « compartiments du jeu », tandis que d’autres n’en finissent pas de combattre les effets d’une « vie diminuée ». Dès la maternelle, on mesure aussi toute la puissance de l’action éducative, pour le meilleur… mais aussi pour le pire ! Une lecture du livre entre les lignes en révèle autant, et parfois même plus sur les adultes que sur les enfants qui font l’objet de l’enquête, tant les destinées des uns et des autres sont liées.
On ressort de cette lecture enchanté par la qualité du travail de recherche mais aussi révolté par l’ampleur des clivages sociaux qui ravagent notre pays, ce qui en dit long sur le délitement de notre tissu social.
Cette révolte sera toutefois salutaire si, comme l’espère Bernard Lahire, elle débouche sur une prise de conscience politique. L’intérêt de ce livre est de mettre l’accent sur ce qu’il faudrait faire pour réduire les inégalités, dans l’intérêt de la société tout entière ! Pendant que certains enfants pauvres disposent pourtant d’un capital culturel hélas peu rentable à l’école, certaines classes sociales très aisées disposent étrangement d’un bagage assez faible, qu’elles ne cherchent pas à développer, d’où une distance revendiquée à l’égard de certains savoirs, jugés inutiles. Ces familles occupent pourtant des postes de pouvoir ou de décision, qui sont refusés aux autres ou qui sont délaissés par les classes moyennes, ce qui n’est pas sans conséquences sur le plan politique. Sans surprise, le livre montre aussi à quel point l’état et les services publics ont un rôle de fond à jouer pour réduire les inégalités. Il est donc urgent de les réhabiliter au lieu de les liquider.
Ce livre est finalement un « pavé » doublement assumé. Tout d’abord par sa taille impressionnante, proportionnelle au sérieux de l’enquête. C’est également un très salutaire pavé jeté dans une mare où barbote une foultitude d’idéologues ultralibéraux, toujours prompts à justifier l’injustifiable par le retour aux éternels poncifs sur « le talent, le mérite et les dons ». Ce livre est d’autant plus précieux qu’il rappelle à point nommé le poids écrasant des déterminismes sociaux face aux prétendues « lois naturelles de l’enfant ». « Retourner la peau du destin » dès le plus jeune âge est possible, c’est même une nécessité. À l’heure où les capitalistes essayent de nous forcer à vivre toujours davantage dans une société clivée où domine l’entre-soi, il est urgent de modifier notre regard sur le monde qui nous entoure afin de retrouver enfin le chemin du progrès social.

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La banlieue porte plainte Aubervilliers au cœur

Éditions de L’Humanité, 2020
de Patrick Le Hyaric
par Samir Amziane

« La banlieue ne se plaint pas, elle porte plainte » : cette citation de Jack Ralite, maire emblé­matique d’Aubervilliers, intro­duit et résume très bien le nouveau livre de Patrick le Hyaric. Le directeur de L’Humanité est aussi un élu local à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis. Paradoxalement, il nous propose ici un essai écrit avec un angle assez rare dans la production intellectuelle des communistes, qui s’appuie sur des milliers d’élus sur le territoire national : le point de vue d’un représentant local et d’une municipalité progressiste aujourd’hui. Et on se rend compte à quel point l’exercice est périlleux : un combat quotidien pour faire vivre des valeurs dans un cadre particulièrement contraint, et une recherche des solutions dans un rapport de force permanent avec le capital. Être élu communiste, c’est défendre l’égalité, le droit à la ville pour toutes et tous avec le logement social, la démocratie, l’écologie, face aux appétits financiers qui voient dans les services publics des futurs marchés juteux. Cet ouvrage est à la fois un cri du cœur face à la campagne de déni­grement organisée à l’encontre des gestions com­munistes et un traitement politique des principaux sujets polémiques auxquels la banlieue est confrontée. Un ouvrage défendant Aubervilliers et attaquant l’abandon des classes populaires par l’État, les laissant aux mains du capital comme du fondamen­talisme religieux. Il rappelle, à juste titre, que loin de l’idée d’une « banlieue sursubventionnée », la Seine-Saint-Denis est moins dotée en effectifs que la moyenne des départements dans tous les secteurs des services publics d’État. Les sujets les plus brûlants sont donc passés au crible : insécurité, habitat insalubre, accusations indécentes de clientélisme et de connivence avec l’islamisme, citoyenneté, service public… Ils sont à chaque fois traités avec des réponses claires, et le souci d’aller plus loin que le simple constat ou la fausse indignation. Loin de la complainte, donc, La banlieue porte plainte est un ouvrage offensif. Offensif face à la négligence de gouvernements successifs qui ont abandonné les classes populaires et laissé aux collectivités le soin de pallier ces manques, tout en leur imposant des baisses régulières de moyens financiers. Les banlieues ne demandent pas l’aumône, mais exigent le droit d’être a minima traitées comme les autres. Une lecture utile dans la période.

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La Revanche de Michel-Ange suivi de Vivre intensément repose

La passe du vent, 2019
de Valère Staraselski
par Giovanni Merloni

Valère Staraselski nous livre aujourd’hui, avec La Revanche de Michel-Ange suivi par Vivre intensément repose, la publication d’un recueil de douze nouvelles qui aboutissent à une sorte de roman autobiographique. Il avait déjà ouvert une fenêtre sur son propre « personnage » dans plusieurs de ses textes, tels Dans la folie d’une colère très juste, Un homme inutile, Nuit d’hiver et Sur les toits d’Innsbruck. Cependant, il fait ici un pas en avant plus explicite dans la direction d’une représentation à la fois organique et sincère de son parcours d’homme et d’écrivain, en choisissant d’abord les années de sa vie les plus significatives pour cette représentation, en se résolvant ensuite à partager avec le lecteur ses expériences, à lui montrer comment, après des années de travail incessant, ses déchirures se sont enfin estompées en un sentiment d’apaisement et de confiance devant l’évidence de sa vocation à l’écriture et la satisfaction de voir celle-ci respectée et reconnue. De tout cela découle pour lui un impératif moral, celui de transmettre, aux nouvelles générations surtout, ce que l’histoire nous apprend avec son immense patrimoine de luttes et de conquêtes sociales et culturelles. Tout cela est bien exprimé dans l’une de ses nouvelles, Vivre intensément repose : « Oui, j’aime la littérature ! Oui, j’aime le monde ! Seulement, étant comme la majorité, pour moi depuis le collège, dans l’obligation de travailler sans cesse, je me suis fait une raison en même temps qu’une devise : vivre intensément repose ! Quelle autre réponse que celle-ci… à la grande dépossession de la vie ! » Dans La Revanche de Michel-Ange, sans démordre de son défi existentiel d’écrivain engagé, Valère Staraselski saisit l’importance du sujet de l’art et notamment du destin de l’artiste dans la société. La question cruciale de la liberté d’expression de l’artiste – de plus en plus écrasé ou mis à l’écart par des groupes de pression économique occultes ayant profité d’une globalisation à sens unique pour imposer leurs lois inexorables – est en train de devenir une question dramatiquement vitale dans notre société. Au-delà des deux nouvelles citées, il ne faut pas négliger le rôle narratif de dix autres perles de beauté littéraire de ce recueil où, par le biais d’une bouleversante polyphonie de voix et de lieux chéris, l’on nous convie finalement dans le monde d’il y a un quart de siècle, où Valère Staraselski a su se former une splendide identité d’écrivain et de témoin sensible de nos temps difficiles.

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Les Retraites : un bras de fer avec le capital

Delga, 2020
de Frédéric Boccara, Denis Durand, Catherine Mills (coord.)

Ce livre s’inscrit dans une bataille historique contre la contre-réforme Macron de démantèlement de notre modèle social, et pour construire un nouvel âge des retraites et une nouvelle civilisation. Les auteurs dans leur diversité (spécialistes de la protection sociale, économistes, militants syndicaux, politiques, ou associatifs) donnent des arguments pour dénoncer l’arnaque et la dangerosité du projet Macron et son acharnement à construire une société hyper-libérale. En même temps, cet ouvrage contribue à faire monter le débat sur des propositions alternatives. Il met en son cœur la bataille du financement : une cotisation sur les revenus financiers, un développement des cotisations sociales avec une modulation du taux de cotisation, en liaison avec le développement de l’emploi et des salaires.En appui à la formidable mobilisation populaire, il veut contribuer à un front d’action des forces populaires et progressistes en faisant monter les convergences pour une autre réforme cohérente et au niveau des défis actuels. La bataille continue.

Cause commune n° 16 • mars/avril 2020