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A partir de dix-neuf indicateurs mesurés dans l’enquête Conditions de travail et risques psychosociaux en 2016, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques au ministère du Travail (DARES) a étudié les conflits de valeurs au travail de plus de vingt-deux mille individus. Autrement dit, elle a décrit et mesuré différentes facettes de l’aliénation vécue au travail.

Expositions des travailleurs aux conflits de valeurs (en %)

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Note : Les individus ont répondu « toujours, souvent, parfois » aux modalités.
Lecture : 40 % des travailleurs en emploi appartenant à la classe « peu ou pas exposés » déclarent devoir faire « toujours », « souvent »
ou « parfois » des choses qu’ils désapprouvent.
Champ : Actifs occupés ayant répondu au questionnaire auto-administré.
Source : Enquête CT-RPS 2016, DARES, DGAFP, DREES et INSEE.

Ainsi, 61 % des travailleurs en emploi estiment devoir faire « toujours, souvent ou parfois des choses qu’ils désapprouvent », 54 % « ne pas pouvoir faire du bon travail, devoir sacrifier la qualité » et 30 % « toujours souvent ou parfois » devoir « mentir à des clients, des patients, des usagers, des collègues ».
Leur travail statistique* a mis en évidence six profils de salariés répartis ainsi :
• peu ou pas exposés aux conflits de valeurs (40 %) ;
• en conflits éthiques mais avec les moyens de travailler (18 %) ;
• fierté d’un travail utile et bien fait malgré l’insuffisance des moyens (12 %) ;
• un travail inutile mais avec des moyens pour bien le faire (11 %) ;
• un travail qui manque de sens et de qualité (8 %) ;
• surexposés aux conflits de valeurs (11 %).
Le groupe des personnes surexposées compte davantage de femmes, de personnes de 31 à 50 ans, de professions intermédiaires de l’enseignement et de la santé, d’employés de la fonction publique, ainsi que de salariés en CDI ayant des craintes pour leur emploi. Les salariés peu ou pas exposés sont plus souvent des hommes, des plus de 50 ans, des indépendants mais aussi des personnes en contrat précaire (précarité qui les amènerait à accorder moins d’importance aux conditions de travail que d’autres).
Ces vécus aliénants ont des conséquences sur la santé des travailleurs, les plus exposés déclarant plus fréquemment une santé physique et mentale dégradée. À caractéristiques individuelles (sexe, âge, profession, etc.) et conditions de travail et facteurs psychosociaux comparables, le risque de déclarer des troubles du sommeil est 1,4 fois plus élevé pour une personne qui a un « travail qui manque de sens et de qualité » ou qui a la « fierté d’un travail utile et bien fait malgré l’insuffisance de moyens », que pour un individu qui est « peu ou pas exposé ». Pour les travailleurs qui sont « surexposés aux conflits de valeurs », ce risque est 1,6 fois plus élevé. Le risque relatif de déclarer un mauvais état de santé est 2 fois plus élevé pour un individu « surexposé aux conflits de valeurs » que pour un individu qui est « peu ou pas exposé ».
Preuve (s’il en fallait encore) que le système économique dominant, le capitalisme, est profondément contradictoire avec les aspirations matérielles et morales des travailleurs concernant l’organisation du travail et l’exercice de celui-ci. 

*Pour plus d’informations sur cette étude, consultez « Conflits de valeurs au travail : qui est concerné
et quels liens avec la santé ? », DARES analyses, n°27, mai 2021.

Cause commune n° 25 • septembre/octobre 2021