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Petit abécédaire de quelques obligés du pouvoir, de la cour des favoris.

Macron prétendit un jour qu’il suffisait de traverser la rue pour trouver du travail. Ses partisans, eux, n’ont même pas cet effort à faire : à peine « dégagés » de leurs postes, l’Élysée les recase.  Dans les conseils de la République, l’administration centrale, les grands services publics, les industries nationales (avec un faible pour l’industrie d’armement), dans des sinécures enfin. Le droit de nomination est un des attributs les plus importants du pouvoir. La présidente macroniste de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet reconnaissait récemment (Le Figaro, 31 janvier) qu’elle procédait à un millier de nominations sur une mandature. Et ce sont plusieurs milliers d’individus que le Président désigne. 
Ces méthodes irritent et des procédures de contrôle ont été instituées (commissions parlementaires, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique [HATVP]) mais elles ne s’appliquent qu’à certains postes, leur pouvoir reste limité et un décret du Président peut toujours les contourner. On a connu l’État RPR, l’État PS, voici l’État Macron. Cette vingtaine d’exemples, liste vraiment très incomplète, c’est le moins qu’on puisse dire, ne donne qu’un petit aperçu des bénéficiaires du fait du prince.

Bérangère Abba, ex-secrétaire d’État, chargée de la biodiversité, battue en Haute Marne, nommée au Comité national de la biodiversité 

Nicolas Bays, à rejoint le Défense conseil international ou DCI Group comme directeur de la prospective. Ex député PS du Pas-de-Calais, ex vice-président de la commission Défense, rejoint Macron en 2017 mais battu aux législatives, se retrouve chef de cabinet de Blanquer puis conseiller de la secrétaire d’État aux Anciens combattants ; accessoirement l’époux d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique.  Pour cause de conflit d’intérêts (because un papa pétrolier), cette dernière ne pourra s’occuper du dossier qui concerne DCI (dixit la HATVP). Cette question de « conflits d’intérêt » se pose régulièrement dans l’entourage de Macron, signe de leur proximité avec les milieux d’affaires. Libération (1/3/23) a calculé que seize membres du gouvernement étaient sous le coup d’un « déport » (déporter des dossiers dont ils/elles ne pourront s’occuper) en raison de conflits d’intérêts !

Jean-Michel Blanquer, ex-ministre de l’Éducation battu dans le Loiret et redevenu professeur de droit à Assas sur un poste spécialement créé.

Brigitte Bourguignon, ex-ministre de la Santé. Battue dans le Pas-de -calais, a été promue à la tête de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Agnès Buzyn, ex-ministre de la Santé propulsée conseillère maître à la Cour des comptes, pour cinq ans. « Sur décret du Président ».

Jean Castex, après Matignon, il est d’abord président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (où il remplace Christophe Béchu, lequel remplace Amélie de Montchalin dans le gouvernement Borne 2, le monde est petit) puis il est nommé à la direction de la RATP.

Christophe Castaner, promu en même temps, comme dirait le Président, président du Grand port de Marseille et de la Société du tunnel du Mont Blanc. (Ce dernier job est l’illustration parfaite de la sinécure qui est, selon le dictionnaire, une charge ou emploi où l’on est rétribué sans avoir rien – ou presque rien – à faire ; une situation de tout repos.)

Ludovic Chaker, premier salarié d’En Marche dès 2016 puis premier secrétaire général de la République en Marche ; nommé conseiller du chef d’État-major particulier de Macron puis directeur adjoint à la délégation générale de l’Armement, chargé de « l’anticipation stratégique ».

Julien Denormandie, fondateur d’En Marche, plusieurs fois ministre  dont ministre de l’Agriculture ; devient chief impact officer de la « greentech » Sweep, spécialisée en conseil en réduction des émissions de carbone pour les entreprises, et « Senior Advisor » au sein du fonds d’investissement Raise.

Jean-Baptiste Djebbari, ex-ministre délégué aux Transports, promptement nommé (avant même la démission du gouvernement Castex) au conseil d’administration de la start-up française Hopium, une entreprise spécialisée dans les voitures fonctionnant à l’hydrogène.

Richard Ferrand, l’ancien patron d’En Marche, qui fut ministre, président de groupe puis président de l’Assemblée nationale, battu aux législatives de 2022, conserve un bureau à l’Assemblée (et l’écoute de Macron).

Élisabeth Guigou, nommé par Macron au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), ancienne ministre (PS) de la Justice.

Jacqueline Gourault, ex-ministre de la Cohésion des territoires, nommée au Conseil constitutionnel alors qu’elle n’est ni juriste ni publiciste.

Didier Lallement, ex-préfet de police,  nommé secrétaire général de la Mer.

Christophe Lecourtier, nommé au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron à la tête de l’organisme public Business France, il est désormais ambassadeur au Maroc. 

Jean-Yves Le Drian, on promettrait à l’ancien ministre des Affaires étrangères la présidence de l’Institut du monde arabe mais l’actuel titulaire (Jack Lang, 83 ans) ne veut pas lâcher la barre.

Mathieu Maucourt, ce délégué interministériel à la Jeunesse (service du premier ministre), ancien responsable « argumentaires et riposte » de la campagne de Macron a été consultant chez McKinsey de 2011 à 2016. 

Amélie De Montchalin, ex-ministre de la Transition écologique, battue en Essonne. On parle d’elle pour l’ambassade de Londres ou de Madrid, postes pour lesquels elle n’a guère de compétence, ce qui fait jaser le milieu car elle profiterait ainsi de la réforme des grands corps qu’elle a elle-même organisée comme ministre.

Florence Parly, l’ex-ministre des Armées est pressentie pour prendre la tête du conseil d’administration d’Air France KLM, une entreprise qu’elle avait déjà fréquentée puis quittée avec un « parachute » de 700 000 euros ; son mari

Martin Vial, longtemps à la tête de l’agence des participations de l’État (APE), avait été un temps au conseil d’administration de cette société.

Catherine Pegar, a conservé, illégalement puisqu’elle dépasse la limite d’âge, la direction du château de Versailles. Imposée par Macron. Libération y voit « l’enivrant plaisir du fait du prince ». 

Gwendal Rouillard, ex-député PS puis En Marche, est arrivé en juillet 2022 chez MBDA, leader européen de la fabrication de missiles comme conseiller aux affaires internationales. 

Alice Rufo, ex-numéro deux de la cellule diplomatique de l’Élysée, devenue directrice générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées.

Laurent Saint-Martin, l’ancien député macronien est désormais aux manettes de la très convoitée agence Business France, en charge de « l’attractivité tricolore ». 

Emmanuelle Wargon, ex-ministre du Logement, battue dans le Val-de-Marne, dirige la Commission de régulation de l’énergie (qui, entre autres,  propose les tarifs réglementés du gaz et de l’énergie). Une promotion refusée par le Parlement (par 48 voix contre 43) mais confirmée « par décret du Président de la République » pour six ans.

 


EXTRAITS

Dans Révolution (XO éditions, 2016), Emmanuel Macron, alors candidat à la Présidence, se montrait sévère envers les pratiques politiques du moment (visant tant François Hollande que Nicolas Sarkozy) : « La morale publique, le sens de l’Histoire, la qualité humaine des dirigeants ne sont plus les mêmes qu’autrefois et nos concitoyens le ressentent » (p. 244). Il opposait la vitalité de son mouvement En Marche aux « appareils sclérosés ». Il dénonçait « les hauts fonctionnaires constitués en caste, donnant le sentiment de diriger dans l’ombre les affaires du pays » et critiquait les « cooptations de complaisance » (p. 250) ainsi que « ces dirigeants politiques utilisant » la haute fonction publique « pour le copinage » (. 251). Quelle sagacité !

Cause commune n° 34 • mai/juin 2023