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Le Coronavirus suscite de nombreux débats...

Alain Pagano réagit au texte de Léo Coutellec.

Le chapô de l’article parle de  « deux conceptions de la recherche scientifique (qui) s’opposent, l’une pragmatique, l’autre rigoureuse. » En quoi cela s’oppose ? En rien ! On peut être rigoureux et pragmatique. J’entends d’ailleurs, à la télé ou sur les réseaux sociaux, de nombreux médecins qui sont rigoureux scientifiquement, souhaitant la démonstration de l’efficacité du traitement à base d’hydroxychloroquine tout en faisant preuve de pragmatisme, en l’utilisant d’ores et déjà car le risque (pour les patients) de ces médicaments est connu, maîtrisable, et le bénéfice est potentiellement grand s’il peut contribuer à sauver des vies. Mais si le risque est réel et documenté, notamment quand le médicament est mal utilisé, le bénéfice lui est seulement hypothétique !

D’où l’intérêt de l’étude scientifique (rigoureuse) pour démontrer l’efficacité de ce traitement afin d’essayer d’endiguer le fléau. D’où l’intérêt de tester d’autres traitements. Car focaliser sur une seule piste de solution serait un danger. En effet, si elle s’avère fausse, que de temps perdu ! Le pragmatisme de cette affirmation se marie bien avec la rigueur scientifique qu’il nécessite.

Aussi quand Léo Coutellec s’interroge sur « comment justifier l'intérêt d'un groupe placébo lorsqu'il est devenu impossible d'être indifférent aux avantages, même minimes, d'un traitement (à l’hydroxychloroquine) ? », le ver dans le fruit, il remet, de fait, en cause la démarche scientifique basée sur la comparaison[1]… sans proposer d’autre alternative sérieuse !

De plus, son affirmation repose sur une croyance : il n’y a pas « d’avantage, même minime » démontré du traitement à l’hydroxychloroquine (à l’heure où ces lignes sont écrites). Sinon on ne « s’amuserait » pas à faire des groupes placebo !

« L’INTÉRÊT D’UNE ÉTUDE MÉDICALE, L’INTÉRÊT D’UN GROUPE PLACEBO, C’EST DE SAVOIR SI LES RÉSULTATS OBSERVÉS TIENNENT DE L’EFFET PLACEBO OU NON, PAR COMPARAISON ENTRE CEUX QUI SONT TRAITÉS PAR MÉDICAMENTS DE CEUX QUI NE LE SONT PAS. »

Quand un sondage[2] montre qu’une majorité de français « croient » à l’efficacité de la chloroquine, on est effectivement dans le registre de la croyance, seuls 21% « ne savent pas », ces 21% sont dans le registre de la (mé)connaissance. Le véritable enjeu démocratique est là ! Dépasser le stade de la croyance et rentrer dans celui de la connaissance.

Et précisément, l’intérêt d’une étude médicale, l’intérêt d’un groupe placebo, c’est de savoir si les résultats observés (dans le cas qui nous intéresse par le Pr Raoult) tiennent de l’effet placebo ou non, par comparaison entre ceux qui sont traités par médicaments de ceux qui ne le sont pas. L’intérêt de ces comparaisons, pour le dire plus simplement c’est de savoir si un « faux médicament » fait le même effet aux patients que l’hydroxychloroquine ? Si c’est le cas, autant se passer de l’hydroxychloroquine, pour se passer des effets secondaires. Si le bénéfice devient prouvé, il faut l’utiliser, cela tombe sous le sens.

Faisons confiance aux scientifiques, aux médecins pour gérer leurs protocoles de recherche, tout en allant vite car leur volonté est quand même de sauver des vies. Et approprions nous comme citoyens la connaissance scientifique car savoir quel traitement est efficace pour traiter le covid-19 nous donne les moyens de réclamer à notre gouvernement les traitements adaptés pour soigner les prochains contaminés du Covid-19

Alain Pagano est biologiste. Il est maître de conférences à l’université d’Angers.

[1] L’effet placebo c’est le fait qu’on te donne un faux médicament, sans que tu le saches, et que la guérison observée soit liée à autre chose. Dit autrement, on te « soigne » sans médicament réel. C’est pour cela qu’on compare toujours ceux qui reçoivent le traitement placebo à ceux qui reçoivent (toujours sans le savoir) un vrai médicament pour comparer les résultats, enlever la part de « guérison naturelle » pour mesurer l’efficacité réelle du vrai médicament afin d’évaluer le rapport bénéfice-risque du médicament car utiliser un médicament comprend toujours une part de risques (effets secondaires plus ou moins importants)

[2] Publié dans le Parisien du 6 avril

Cause commune - spécial Covid-19