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Proposition de loi de soutien des collectivités territoriales suite à la crise covid-19, présentée par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) au Sénat.

La crise du logement, accentuée par la crise sanitaire, est très préoccupante. Année après année, le constat s’aggrave : se loger convenablement, durablement et à un prix soutenable est hors de portée d’un nombre croissant de nos concitoyens. Une loi portant sur des mesures d’urgence pour le logement, présentée par les parlementaires communistes a été adoptée le 4 juin 2020.

Les drames du mal-logement se banalisent : ici un immeuble s’effondre emportant ses occupants, là un incendie se déclare dans une cage d’escalier vétuste livrant ses habitants aux flammes… et quand ce ne sont pas des morts que l’on compte, c’est le nombre toujours plus préoccupant de mal logés et de sans-logis qui explose : 12,1 millions de personnes sont désormais en situation de fragilité par rapport au logement.

Une situation insupportable et indigne de la sixième puissance économique du monde
Figurant, pourtant, au premier rang des préoccupations de nos concitoyens, le logement est devenu au fil des ans le parent pauvre des politiques publiques. Alors qu’il s’agit d’un droit à valeur constitutionnelle, il apparaît désormais comme un « bien marchand », un « bien d’usage », pire un « bien de consommation » dans les dernières lois qui lui ont été consacrées. Cette dérive sémantique sur le papier se traduit concrètement sur le terrain par des décisions absurdes et dangereuses, comme celles du démantèlement du modèle HLM, de la baisse des APL, de la disparition des aides à la pierre. Cette dérive marchande doit cesser, l’actualité récente est une incitation supplémentaire à changer de cap.
En effet, l’irruption soudaine et brutale de l’épidémie de la covid19 a précipité du jour au lendemain notre pays dans une grave crise sanitaire, économique et sociale, plongeant des millions de personnes dans une précarité extrême. En quelques semaines à peine, les associations caritatives ont été submergées par les demandes d’assistance. Les actions de solidarité dans les quartiers populaires se sont multipliées pour permettre à des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants de subvenir à des besoins aussi primordiaux que pouvoir se nourrir.
Si des aides ont été apportées aux entreprises (report des charges, suspension du paiement des loyers et des fluides…) pour qu’elles puissent passer la crise et maintenir leurs activités et les emplois, les particuliers lourdement touchés doivent être davantage accompagnés qu’ils ne l’ont été jusqu’à présent. Il y a une véritable urgence sociale. Beaucoup de ménages sont déjà en grande difficulté, aussi bien pour s’acquitter de leur loyer que pour faire face à leurs échéances de prêt immobilier.

« Près de 17 % de propriétaires ne sont plus en mesure de payer leur mensualité de remboursement de crédit et 24,6 % ont des doutes sur leur capacité à pouvoir les honorer dans les prochains mois. »

L’Union sociale pour l’habitat estime à 10 % l’augmentation des impayés de loyer dans le parc social depuis le début de la crise sanitaire, une situation que connaissent de ma­nière encore plus aiguë les locataires du parc privé et les accédants à la propriété. Une autre étude révèle que près de 17 % de propriétaires ne sont plus en mesure de payer leur mensualité de remboursement de crédit et 24,6 % ont des doutes sur leur capacité à pouvoir les honorer dans les prochains mois. Et, d’après un sondage de l’IFOP pour la Fondation Jean-Jaurès, réalisé en début du confinement, 35 % des actifs déclaraient déjà subir une perte de revenus partielle et, parmi les populations les plus pauvres, les pertes de revenus partiels atteignent 52 %.

« 12,1 millions de personnes sont désormais en situation de fragilité par rapport au logement. »

Mais toutes ces données n’ont évidemment rien de surprenant quand on sait que plus de 12 millions de salariés en France ont été placés au chômage partiel par leur entreprise et que les missions d’intérim ont connu un net ralentissement. Le confinement a provoqué la disparition de quelque 475 000 emplois équivalent temps plein dans l’intérim, soit plus de la moitié de ses effectifs. Enfin, de nombreux CDD n’ont pas été renouvelés et le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois a chuté de 64,9 % pour le seul mois d’avril 2020.
Une situation qui pourrait s’inscrire dans la durée si on en croit notamment les récentes projections de la Banque de France qui prévoit la suppression d’un million d’emplois dans le pays et un taux de chômage de 11,8 % mi-2021. L’ampleur de la crise nécessite à l’évidence des ajustements conséquents et rapides des dispositifs existants pour venir en aide aux ménages en difficulté.

Améliorer les Fonds de solidarité logement et les APL
En effet, conscients que nous ne sommes qu’aux prémices d’une crise sociale sans précédent, l’heure n’est pas à la création de nouveaux mécanismes qui pourraient retarder leur mise en œuvre et donc leur efficience. C’est pourquoi cette proposition de loi suggère plutôt de renforcer ceux qui existent déjà : d’une part, en augmentant leur volume et, d’autre part, en les ouvrant à de nouveaux critères d’attribution. Parmi ces dispositifs figure le Fonds de solidarité logement (FSL). Instauré par l’article 7 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, le FSL accorde deux formes d’aides – une subvention ou un prêt – pour faire face aux dépenses à l’entrée dans le logement ou pour s’y maintenir. La gestion de ce fonds, que l’État abonde à hauteur de 350 millions d’euros par an, a été transférée depuis le 1er janvier 2005 aux départements. Son fonctionnement dépend depuis de règlements intérieurs votés dans chaque département, ce qui rend son application très hétérogène.
Cet outil pourrait se révéler particulièrement efficace dans le contexte actuel s’il venait à être amélioré. En particulier, nous proposons la mise en place d’une « cellule d’urgence sanitaire » au sein des FSL, visant à aider, selon des critères uniques à l’échelle du territoire, les ménages locataires ou accédant à la propriété qui éprouveraient des difficultés de paiement de loyer ou de mensualités de leur prêt immobilier.

« Depuis maintenant plus de quarante ans, les aides personnelles au logement ont fait la démonstration de leur utilité et de leur capacité à jouer les amortisseurs de crise. Il s’agit en effet de l’un des principaux instruments anti pauvreté. »

Outre le FSL, il convient de revenir sur les attaques répétées ces dernières années contre les APL, en décidant d’en augmenter les montants ainsi que d’en relever les plafonds de ressources. En effet, depuis le début du quinquennat du président Macron, les aides au logement ont été durement malmenées. Les sommes qui lui étaient consacrées dans le budget de la nation ont été rabotées dans les lois de finances qui se sont succédé depuis 2017. Pourtant, cette aide permettant de rendre solvables des ménages est essentielle pour les 6,5 millions de ménages et 13 millions de personnes qui en bénéficient. Efficaces et ciblées, les APL permettent aux ménages modestes de se loger dignement et d’amortir le coût des loyers. Aujourd’hui, il s’agit en effet du principal facteur de dégradation de leur pouvoir d’achat. Ces attaques répétées et injustifiées, tant économiquement que socialement, sont des coups extrêmement durs portés aux bénéficiaires. Elles conduisent pour chacune d’elles à des pertes sèches de ressources qui restreignent, de ce fait, leur capacité à s’acquitter d’un loyer toujours plus élevé. Pourtant, depuis maintenant plus de quarante ans, les aides personnelles au logement ont fait la démonstration de leur utilité et de leur capacité à jouer les amortisseurs de crise. Il s’agit en effet de l’un des principaux instruments antipauvreté.

Rétablir les APL dans leur fondement
Une récente proposition de loi, portée par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste au Sénat, visant à garantir l’efficacité des aides personnelles au logement, a été débattue et adoptée le 4 juin 2020. Elle constitue une belle démonstration que, lorsque l’urgence sociale le commande, un consensus politique peut s’établir dans l’intérêt des populations. C’est pourquoi la présente proposition de loi en reprend les dispositions qui permettent de rétablir les APL dans leur fondement.
Nous ne pouvons, en effet, accepter que, d’un côté, 32,5 millions d’euros soient économisés chaque mois depuis 2017 sur le dos des Français les plus pauvres par la mesure injuste de baisse de 5 euros des APL quand, de l’autre, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, décidée au même moment, permet à celles et ceux qui possèdent déjà tout de récupérer annuellement 3,2 milliards d’euros.

« Nous ne pouvons accepter que 32,5 millions d’euros soient économisés chaque mois depuis 2017 sur le dos des Français les plus pauvres par la mesure injuste de baisse de 5 euros des APL quand la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune permet aux plus riches de récupérer annuellement 3,2 milliards d’euros. »

Plus que tout autre, le gouvernement emmené par le président Macron n’a eu de cesse d’attaquer ce dispositif. Ses objectifs politiques ont concrètement conduit à des économies budgétaires importantes (près de 7 milliards sur les aides au logement depuis le début de la mandature), traduction directe du désengagement de l’État. Les aides personnalisées au logement ont ainsi subi une baisse de 5 euros en 2017, un gel en 2018, puis une sous-indexation en 2019 par rapport à l’inflation. Parallèlement, les APL accession ont été supprimées. Dans le cadre de la loi de finances pour 2020, le niveau de revalorisation des APL a également été limité à 0,3 %, en deçà donc de l’inflation et de l’indice de référence des loyers. Ce n’est pas acceptable.
Par ailleurs, il convient ici d’évoquer une mesure déjà votée par le parlement mais qui n’a jusqu’à présent pas été mise en œuvre pour des raisons techniques : la contemporanéisation des APL. Prévue par la loi n° 20181317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, elle vise à prendre en compte dans le mode de calcul de l’allocation les ressources du ménage sur les douze derniers mois glissants et à réviser leur montant tous les trois mois.
Très critiquée, car il s’agissait avant tout d’une mesure budgétaire visant à faire une économie estimée à 1,3 milliard d’euros dans le budget de l’État dans un contexte économique plus favorable que connaissait alors le pays, le gouvernement aurait sans nul doute tout à gagner à la mettre en œuvre pour vérifier son caractère social et ainsi réussir à convaincre les sceptiques de son utilité.

« L’Union sociale pour l’habitat estime à 10 % l’augmentation des impayés de loyer dans le parc social depuis le début de la crise sanitaire. »

Aussi, il est demandé au gouvernement de mettre rapidement en œuvre cette mesure pour les ménages concernés par une perte de revenu liée à la crise sanitaire. Une mesure simple à mettre en œuvre si l’on en croit les déclarations faites par le ministre du Logement le 8 juin 2020 à l’Assemblée nationale en répondant à une question du député Stéphane Peu sur le sujet.
Enfin, au regard des difficultés économiques rencontrées par bon nombre de ménages en raison de la crise sanitaire, il convient de décider de prolonger jusqu’au 31 octobre 2020 la trêve hivernale des expulsions afin de protéger les ménages et inciter les bailleurs  publics et privés  à rechercher une solution amiable et éviter une éviction brutale et sans solution.



L’article 1er de cette proposition prévoit un abondement du FSL à hauteur de 300 millions d’euros et de créé une « cellule urgence sanitaire » au sein des FSL pour permettre aux ménages en difficulté financière en raison de la crise sanitaire de pouvoir bénéficier d’une aide pour le paiement des loyers pour les locataires du parc privé ou social, ou des mensualités de prêt immobilier pour les propriétaires occupants. Les règles de fonctionnement de cette « cellule urgence sanitaire » et les critères d’attribution seront annexés aux règlements intérieurs locaux des FSL.
L’article 2 prévoit une contribution des banques à l’effort nécessaire de solidarité nationale. Les établissements bancaires ne pourront en aucun cas refuser de reporter les mensualités des prêts immobiliers des particuliers ayant subi une baisse de revenus en raison de la crise sanitaire. Ils ne pourront pas non plus refuser de suspendre le paiement des annuités d’un emprunt immobilier. Le non-respect de ces mesures par les organismes prêteurs sera sanctionné par une amende administrative pouvant aller jusqu’à 15 000 euros.
L’article 3 supprime le délai de carence d’un mois pour le versement des aides personnelles au logement. L’instauration de ce délai est largement préjudiciable aux ménages.
L’article 4 permet de revenir sur l’application d’un seuil de non-versement, aujourd’hui fixé à 10 euros. Il semble nécessaire de supprimer une telle mesure qui est source d’incompréhension et de colère pour les ménages modestes, tout comme pour les étudiants qui bénéficient théoriquement d’une aide mais qui ne leur est pas versée car jugée trop faible par rapport au coût de gestion. Or l’automatisation des traitements ne justifie plus cet argument aujourd’hui. Certes, cette mesure représente un coût supplémentaire mais les effets sont importants pour les familles les plus modestes dont le budget mensuel se calcule bien trop souvent au centime près.
L’article 5 permet de revenir sur la désindexation des APL opérée par l’article 200 du projet de loi de finances pour 2020. En effet, cet article met en œuvre la désindexation des prestations sociales servies par l’État. Comme en 2019, celles-ci ne seront revalorisées que de 0,3 % en 2020 quand l’inflation est estimée à 1 % voire 1,2 %, une économie estimée à 200 millions d’euros.
L’article 6 prévoit le relèvement exceptionnel de 175 euros en septembre 2020 des aides au logement, soit l’équivalent de ce que chaque allocataire a perdu, afin de compenser le scandale de la baisse des APL en début de mandat du président Macron.
L’article 7 propose la prolongation de la trêve hivernale jusqu’au 31 octobre. Alors que tous les intervenants reconnaissent la difficulté de donner des indications fiables sur l’évolution de la pandémie, nous souhaitons garantir aux locataires leur droit constitutionnel au logement durant cette période spécifique. Nous estimons ainsi que la prorogation de la trêve hivernale jusqu’au 31 mai est insuffisante et qu’il convient de l’allonger jusqu’à l’automne prochain pour mettre sous protection ces populations fragiles, charge à l’État d’indemniser les propriétaires au travers du fonds ad hoc.
L’article 8 constitue le gage financier.

Cause commune n°19 • septembre/octobre 2020